Lors d'une interview sur Europe 1 mercredi,
François Hollande, candidat du Parti socialiste à la présidentielle a refusé
de faire la moindre critique politique de la manière dont le président
Nicolas Sarkozy a traité les fusillades du tueur présumé, Mohammed Merah à
Toulouse et à Montauban.
Les fusillades se sont déroulées sur neuf jours,
entre le 11 et le 19 mars et ont provoqué la mort de sept personnes, dont
trois écoliers juifs.
Hollande s'est trouvé forcé de faire quelques
critiques de pure forme de divers aspects de l'enquête policière, du fait
que des représentants haut placés des service du renseignement ont soulevé
de sérieuses questions et fait des déclarations alléguant que Merah était un
indic du renseignement français.
De très graves manquements à la sécurité,
rappelant ceux du 11 septembre, ont été autorisés par les personnes de
confiance nommées par Sarkozy, ainsi que par les organisations policières.
Malgré les fréquentes relations de Merah avec la police, il a pu poursuivre
son carnage présumé, pendant neuf jours, apparemment sans avoir été détecté.
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On peut se poser certaines questions:
- Pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour identifier et attraper le
tueur?
- Pourquoi la police a-t-elle tué Merah durant l'assaut de son
appartement jeudi dernier?
- Que signifie la longue relation de Merah avec le chef du
renseignement de la police, Bernard Squarcini?
Hollande a reconnu qu'il aurait été préférable de
capturer Merah vivant et d'obtenir de lui des informations.
Néanmoins lorsque le journaliste Jean-Pierre
Elkabbach a interrogé Hollande sur l'hommage public qu'il a rendu à l'unité
de police qui a tué Merah, Hollande a persisté et signé: « La police a fait
son travail. Je salue leur travail....les forces de la police ont fait
remarquablement leur travail. »
Lorsque Elkabbach a demandé si Hollande avait un
commentaire à faire sur la direction politique qui avait supervisé les
opérations de police, Hollande a répondu avec indignation: «Franchement,
vous pensez que je vais rentrer dans ce débat aujourd'hui, alors que
l'enquête est en cours, sur le jugement que je vais porter sur [le ministre
de l'intérieur] M. Guéant? ...J'ai la responsabilité de faire en sorte que
la France soit protégée.»
Guéant a supervisé de près les opérations, en
étroit contact avec Sarkozy, et est donc directement responsable de la
décision de donner l'assaut à l'appartement de Merah et de le tuer. Des
experts ont suggéré que ce n'était pas nécessaire et qu'il aurait pu être
capturé vivant.
Hollande a persisté à couvrir Sarkozy et ses
hommes de main de la police. Interrogé pour savoir s'il pensait que la
police avait commis des erreurs dans la conduite de l'affaire, il a dit
qu'il allait « demander toute la clarté et toute la transparence... après
les élections. » Il a ajouté, « Je ne suis pas pressé. »
Elkabbach a rappelé à Hollande qu'il avait
précédemment promis de destituer les chefs de police nommés par Sarkozy et a
demandé si, en prenant le pouvoir, il destituerait le directeur général de
la police nationale, Frédéric Péchenard. Hollande a répondu: « Il n'y a pas
de raison, de le renvoyer du jour au lendemain. »
Concernant Bernard Squarcini qui est accusé
d'avoir obtenu illégalement les factures détaillées de téléphone (fadettes)
des journalistes enquêtant sur le financement illicite de la campagne
électorale de Sarkozy en 2007, il a dit: «On regardera ce qu'a été le
fonctionnement de son service. »
Sans émettre de critique quant à l'augmentation
énorme des pouvoirs de la police, visant à espionner la population et à
criminaliser l'opposition, il a affirmé: «
Je ne veux pas juger ceux
qui ont mené l'opération...ce qui compte , c'est de pouvoir rendre plus
efficace encore notre service de surveillance et de renseignement.»
Avec ses éloges flatteurs des policiers et espions
de Sarkozy, Hollande donne le feu vert à Sarkozy pour qu'il exploite les
fusillades et s'empare ainsi de l'agenda politique de la période précédant
les élections. Celles-ci vont se tenir dans un climat d'hystérie sécuritaire
qui profitera à Sarkozy. La décision de Hollande de ne pas remettre en
question ce qui est, dans les faits, un coup politique de Sarkozy est
d'autant plus remarquable que les conséquences des fusillades de Toulouse
minent la position de Hollande aux élections.
Ceci se reflète déjà dans les sondages d'opinion:
les intentions de vote pour le second tour en décembre dernier donnaient
Hollande vainqueur avec 60 pour cent des voix contre 40 pour Sarkozy. Hier,
Le Monde rapportait que cette avance était tombée à 53,5 pour cent
pour Hollande contre 46,5 pour cent pour Sarkozy, bien que, étrangement, le
quotidien déclare que les fusillades n'ont aucun impact sur l'élection. Hier
un sondage donnait Sarkozy en tête au premier tour avec 28 pour cent et
Hollande à la traîne à 26,5 pour cent.
Plutôt que de chercher à défier l'offensive
sécuritaire de Sarkozy, Hollande a essayé de souligner combien le PS a lui
aussi donné des pouvoirs très grands à la police. Il a rappelé aux auditeurs
qu'une loi votée en 2001, sous le gouvernement de Gauche plurielle du
premier ministre Lionel Jospin du PS, donnant à l'Etat le droit d'espionner
les internautes, aurait été un outil clé ayant permis la localisation de
Merah.
Hollande et la « gauche » de l'establishment
politique français sont vraiment complices des mesures sécuritaires
antidémocratiques promues par Sarkozy, ainsi que de ses coupes sociales
anti-ouvrières. Sarkozy et le PS comptent tous deux sur la rhétorique
sécuritaire et les pouvoirs répressifs de la police pour réprimer
l'opposition populaire au programme politique impopulaire de coupes sociales
et de guerre que partagent la « gauche » social-démocrate et la droite
conservatrice d'Europe. C'est ce qui sous-tend la capitulation lâche de
Hollande devant Sarkozy et ses hommes de main.
(Article original publié le 29 mars 2012)