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France: Un homme ouvre le feu sur une école juive de Toulouse et tue quatre personnes

Par Alex Lantier
22 mars 2012

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Un homme non identifié a tué quatre personnes hier à l'école juive Ozar Hatorah de Toulouse dans le sud-ouest de la France. Parmi les victimes on compte un jeune professeur de religion, Jonathan Sandler et ses deux jeunes enfants ainsi qu'une petite fille de sept ans, Myriam Monsonego.

Un jeune homme de 17 ans est aussi dans un état grave, touché par balles au coeur et aux poumons, mais selon des reportages les médecins indiquent que ses jours ne sont pas en danger.

Cet événement a provoqué une très forte indignation, ainsi que la crainte au sein de l'ensemble de l'élite dirigeante d'une réaction politiquement explosive de la part de larges couches de la population.

Nicole Yardeni, représentante régionale du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) s'est entretenue avec Le Parisien après avoir visionné les images des caméras de surveillance. Elle a dit que le tueur avait garé un scooter devant l'école entre 8h et 8h15. Muni d'une arme automatique de calibre11,43 mm et d'un pistolet de type mini-Uzi, il avait tiré sur Sandler et ses enfants et les avaient tués devant l'école, puis était entré dans la cour de l'école et tué Monsonego.

Le tueur aurait agi avec un grand calme, descendant ses victimes avec un détachement froid.

Puis il s'est enfui sur un scooter T-Max de marque Yamaha. Des sources policières disent qu'il s'agit du même véhicule que celui utilisé lors des meurtres récents de plusieurs soldats dans la région, selon les données des caméras de surveillance de Toulouse et de la ville voisine de Montauban. Ces meurtres avaient eux aussi été perpétrés avec une arme de calibre 11,43.

Le 11 mars, le maréchal des logis chef Imad Ibn Ziaten du premier régiment de parachutistes de la base de Francazal à Toulouse avait été exécuté d'une balle dans la tête. Le tueur s'était enfui sur un scooter Yamaha, qui avait été volé à Toulouse ce jour-là.

Le 15 mars à Montauban, trois soldats du 17e régiment de parachutistes avaient été tués devant un distributeur d'argent par un homme arrivé sur un scooter et portant un casque. Il avait ouvert le feu sur eux au moins treize fois. Le caporal Abel Chennouf et le Première classe Mohamed Legouad sont morts sur place. La troisième victime, Loïc Liber avait essayé de s'échapper en entrant dans un magasin mais il avait été gravement blessé quand le tueur était entré dans le magasin et avait tiré sur lui à plusieurs reprises, y compris dans la colonne vertébrale.

Les enquêteurs ont fait référence au fait que les victimes sont toutes d'origine nord-africaine, sauf Liber, un homme noir de Guadeloupe, pour suggérer qu'il s'agissait probablement d'un crime à caractère raciste.

Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant rapporte que le tueur a agi dans ces trois cas de manière très méthodique: le magazine d'arme qu'il a laissé sur place avait été soigneusement nettoyé afin de ne laisser aucune trace d'ADN. Les enquêteurs seraient en train de travailler sur l'hypothèse que le tueur a reçu un entraînement militaire et qu'il est soit d'extrême-droite soit islamiste.

Un témoin du crime de Montauban a dit que la visière du casque du tueur s'était soulevé un instant, révélant un grand tatouage et une cicatrice sur la joue gauche. Elle a décrit le tueur comme étant robuste et de taille moyenne.

Hier à 9 heures du soir, Le Point rapportait que la police recherchait trois anciens membres de l'unité de parachutistes de Mautauban, chassés de l'armée en 2008 pour s'être pris en photo devant un drapeau nazi en faisant le salut hitlérien. Jamel Benserhir, l'ancien soldat qui les avait dénoncés aux officiers à l'époque, a dit qu'ils portaient des « tatouages particulièrement explicites. »

La base du Francazal était impliquée dans un scandale tragique en 1989 où 4 soldats avaient été jugés coupables de torture et du meurtre de trois jeunes femmes et de l'assassinat d'un garde forestier.

La tuerie de lundi a provoqué des manifestations et des veillées dans plusieurs villes. Plusieurs milliers de personnes ont défilé de République à Bastille à Paris derrière des banderoles de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et une grande foule s'est rassemblée devant la synagogue Nazareth de Paris. Une foule s'est aussi amassée devant l'école Ozar Hatora de Toulouse pour une commémoration nocturne.

Les représentants de grands partis politiques de France ont tous fait des déclarations disant qu'ils suspendaient provisoirement leur campagne pour l'élection présidentielle du mois prochain et ont appelé à l'unité nationale. Le président Nicolas Sarkozy et son principal rival François Hollande du Parti socialiste (PS) se sont tous deux rendus à la Synagogue Nazareth de Paris hier soir.

Marine Le Pen du Front national (FN) néofasciste, qui devrait recueillir quelque 17 pour cent des voix à l'élection présidentielle, a annulé ses apparitions télévisées et autres événements de campagne. Elle a dit à I-Télé, « Je ne ferai pas de commentaire sur la manière dont cela pourrait toucher la politique.. On attend, le pays tout entier attend avec impatience que l'on retrouve ce tueur en série de façon que l'on puisse tous respirer à nouveau. »

Sarkozy a tenu une conférence de presse hier soir à l'Elysée. Il a dit que «la République toute entière est mobilisée pour faire face à cette tragédie » et annoncé la décision de mettre le plan anti-terroriste Vigipirate en alerte écarlate dans la région Midi-Pyrénées. Ce niveau d'alerte, une première en France, donne à l'Etat des pouvoirs quasi dictatoriaux, dont celui de fouiller les citoyens et de suspendre les transports en commun, le trafic aérien, les écoles et l'approvisionnement en eau.

L'une des peurs les plus grandes de l'establishment politique en France est qu'une attaque raciste pourrait remettre en question non seulement la campagne neofasciste de Le Pen mais celle des autres candidats à la présidentielle qui ont fait des appels codés ou explicites au sentiment raciste. Les appels à l'unité nationale par les politiciens ont surtout pour objectif de détourner d'une discussion sur la signification plus large des attaques racistes. Ces attaques sont un réquisitoire contre cette politique de guerre impérialiste et de racisme anti-immigrants qui sont à présent les éléments centraux de la politique bourgeoise française.

Ainsi, la ministre droitière de la Cohésion sociale Roselyne Bachelot a publié une note sur son compte Twitter disant, «Ne pas faire de l'horreur de Toulouse un sujet de polémique.Recueillement et unité républicaine : seule attitude qui vaille. »

Mais d'autres ont dû reconnaître le lien politique entre le ciblage des minorités ethniques ou religieuses et la manière dont se développe la politique bourgeoise française. Le Nouvel Observateur a cité Abderrahmane Dahmane, ancien conseiller de Sarkozy, critiquant l'UMP (Union pour un mouvement populaire) droitier de Sarkozy et le FN. Dahmane a dit, «Ces actes sont un signal fort envoyé aux politiques et plus particulièrement à ceux, qui depuis des mois, ont joué avec le feu. […] Ces attentats sont la conséquence d’une campagne violente et haineuse à l’égard des minorités religieuses. »

Mais la responsabilité n'incombe pas seulement à Sarkozy et Le Pen mais à l'ensemble de l'establishment politique. Le président Sarkozy cherche à surmonter sa profonde impopularité en faisant des appels du pied à l'électorat neofasciste. Ainsi il a déclaré le 6 mars que la France comptait « beaucoup trop d'immigrés. » Quant à Hollande du PS, il a récemment proposé une « solution » concernant la population Rom, à savoir leur internement dans des camps.

Jean-Luc Mélenchon, candidat présidentiel du Parti communiste et qui à maintes reprises participé à des discussions et des débats avec Le Pen, s'est fait huer lorsqu'il a tenté de participer à la manifestation de la nuit dernière à Paris.

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