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Correspondance sur la guerre en Yougoslavie

Le rôle du FMI et des dirigeants yougoslaves

Cher Monsieur,

C'est avec grand interet que j'ai lu l'article de M. Nick Beams sur les Balkans daté du 17 avril 99. Ma question peut paraitre enfantine, mais je me demande comment les dirigeants de la Yougoslavie dans les annees 80 on bien pu se laisser entrainer dans le bourbier financier dans lequel le FMI poussait le pays? J'imagine qu'un certain nombre de personnes au gouvernement à l'époque on du realisé les implications des mesures exigées par le FMI. N'ont ils rien tenté?

Je vous remercie d'avance de bien vouloir repondre à ma question.

Karim Jaufeerally

Ile Maurice

30 avril 1999

Cher KJ,

Merci pour ta question sur l'article sur le FMI et la recolonisation des Balkans.

Une réponse complète demanderait une analyse historique détaillée de l'histoire de la Yougoslavie et de la politique du régime à partir de 1948. Dans cette réponse, je ne peux qu'attirer l'attention sur les questions qui forment le cadre dans lequel une telle analyse devrait être entreprise.

L'effondrement économique de la Yougoslavie, qui a atteint son point culminant avec l'imposition du programme d' &laqno; ajustements structurels » du FMI est le résultat de deux processus intimement liés : la pression exercée par le capital financier global, les États-Unis en particulier, et la politique suivie par les dirigeants de l'État yougoslave.

Lorsque la rupture avec Staline se produisit en 1948, la direction de la Quatrième Internationale, le mouvement trotskyste mondial, a expliqué dans une Lettre ouverte que trois voies s'ouvraient devant les dirigeants yougoslaves.

Il y avait la possibilité d'un rapprochement avec les dirigeants du Parti communiste russe, par l'acceptation des critiques du Cominform et la mise en place d'un nouveau leadership pour refaire l'unité. Cette voie, a expliqué la Quatrième Internationale, serait une tragique erreur pour la classe ouvrière yougoslave et internationale.

La deuxième voie, poursuivait la lettre, consistait à &laqno; se retrancher en Yougoslavie, repousser les attaques, la violence et les provocations éventuelles du Cominform et de ses agents, et chercher à 'bâtir le socialisme' dans votre propre pays, tout en établissant des relations commerciales avec les puissances de l'Europe de l'Est et celles de l'Ouest impérialiste ».

Cette voie, expliquait la lettre, serait aussi pernicieuse que la première, et il serait impossible de louvoyer pendant toute une époque entre l'URSS et les États-Unis.

&laqno; Finalement, il reste la troisième voie, la plus difficile, celle qui semée du plus d'obstacles, la voie véritablement communiste pour le parti yougoslave et le prolétariat. Cette voie est le retour à la conception léniniste de la révolution socialiste, le retour à une stratégie mondiale de la lutte des classes. »

La direction Tito choisit la deuxième voie. Face à l'opposition du Cominform, la perspective d'une fédération socialiste balkanique fut rapidement abandonnée et le régime chercha à arriver à une entente avec l'impérialisme. En 1950, le régime Tito démontra qu'il était prêt à faire la paix avec l'impérialisme lorsqu'il appuya la guerre en Corée.

Dans le cadre de la guerre froide, le régime yougoslave était considéré comme une ressource utile et fut admis au sein des organisations économiques impérialistes, y compris le FMI. Avec la mort de Staline en 1953, la direction Tito fut capable de se raccommoder avec la direction Khroutchev en URSS et en 1956 elle appuya la répression soviétique du soulèvement hongrois.

Tout au long des années 50 et 60, la politique économique fut caractérisée par la pénétration croissante de l'économie yougoslave par les grandes firmes capitalistes de l'Ouest.

Il ne fait aucun doute que la politique économique de la direction yougoslave a mené à une hausse du taux de croissance pendant une période. Mais avec le tournant pris par la situation économique mondiale après 1973, et la fin du boum d'après-guerre du capitalisme mondial, l'économie yougoslave a connu de plus en plus de difficultés économiques. Celles-ci furent aggravées dans les années 80 par la fin des prêts à bon marché et l'imposition d'un régime de taux d'intérêt élevés sous les diktats des banques impérialistes.

L'effondrement des régimes staliniens d'Europe de l'Est et de l'Union soviétique à la fin des années 80 a complètement sapé la politique de manuvres qui avait formé un élément central des mesures prises par la direction yougoslave au cours des quatre décennies précédentes. Avec la fin de la guerre froide, les puissances impérialistes n'avaient plus besoin de la Yougoslavie en tant que moyen de pression dans le conflit politique avec l'Union soviétique. Avec la désintégration des régimes staliniens, des régions entières du monde qui avaient jusqu'ici échappé à la pénétration capitaliste ouvraient grand leurs portes. Cette stratégie a formé la base des mesures d' &laqno; ajustement structurel » et de &laqno; thérapie de choc » dictées par le FMI et d'autres organismes financiers internationaux.

Ces mesures ont entraîné un désastre économique et financier pour de larges couches de la population. Mais la crise financière a aussi permis à une petite minorité de s'enrichir. Le démantèlement des industries d'état, par exemple, a jeté les travailleurs qui y travaillaient dans le chômage de masse et la pauvreté, mais a aussi créé de nouvelles occasions de s'enrichir pour les couches dans le pays ayant accès à des fonds et à des ressources.

Dans le cas de l'Europe de l'est et de l'Union soviétique, l'établissement du libre marché a été le moyen par lequel une section du vieil appareil stalinien a pu mener à terme sa transformation d'une caste bureaucratique en une classe capitaliste à part entière, pleinement intégrée dans la structure du capital financier global. Ce processus a également pris place en Yougoslavie. Avec l'effondrement de sa perspective du &laqno; socialisme dans un seul pays », certaines sections de l'appareil dirigeant sont devenues les promoteurs les plus enthousiastes du marché et des occasions de s'enrichir qu'il leur fournissait.

Milosevic faisait partie de cette tendance en Serbie, ainsi que Tudjman en Croatie.

Dans son livre Balkan Tragedy (Tragédie dans les Balkans), Susan Woodward explique l'attitude de Milosevic envers le programme du FMI de la façon suivante :

&laqno; La victoire de Milosevic sur la Ligue communiste serbe est souvent citée, à cause de la guerre et de la politique occidentale en 1991-94, comme le début de la fin pour la Yougoslavie. Mais ce point de vue n'était pas partagé par les banques et les gouvernements occidentaux, or par d'autres départements du gouvernement américain. Ils l'ont appuyé parce qu'il semblait être un libéral en matière économique (avec un excellent anglais), qui pourrait jouir d'une plus grande autorité pour imposer la réforme. Bien que les gouvernements occidentaux aient été plus tard accusés de complicité, ou de stupidité, Milosevic était un libéral en économie (et un conservateur en politique). Il avait été directeur d'une grande banque à Belgrade de 1978 à 1982 et un réformateur économique même en tant que chef du parti à Belgrade de 1984 à 1986. Les propositions mises de l'avant par la 'Commission Milosevic' en mai 1988 ont été écrites par des économistes libéraux et auraient pu être une page tirée directement du livre du FMI. C'était chose courante à l'époque (et même jusque dans les années 90) pour les occidentaux et les banques de choisir &laqno; un ferme engagement à l'endroit des réformes économiques » comme leur critère principal lorsqu'il s'agissait d'octroyer leur soutien à des dirigeants est-européens ou soviétiques (et d'autres pays en voie de développement), tout en fermant les yeux sur les conséquences que leur conception de la réforme économique pourrait avoir sur l'évolution de la démocratie. Celui qui a remplacé Janos Kadar en tant que dirigeant de la Hongrie en mai 1988, Karoly Grosz, a été accueilli de la même façon parce qu'il répondait au même profil de libéralisme économique et de conservatisme politique ­ ce qui était qualifié à l'époque dans le milieu local de modèle Pinochet. » (Susan Woodward, The Balkan Tragedy, pp. 106-107, notre traduction).

Pour retourner à ta question. Loin de résister aux mesures du FMI, les dirigeants de la Yougoslavie, et les couches sociales sur lesquelles ils se basaient, ont activement mis en uvre ces mesures parce qu'elles leur fournissaient l'occasion de devenir une classe capitaliste pleinement formée.

Ils étaient tout à fait conscients de leurs conséquences sociales désastreuses et ont de plus en plus cherché à détourner les luttes de la classe ouvrière provoquées par ces mesures dans des conflits nationalistes sanglants.

J'espère que ces remarques commencent à répondre aux questions importantes que tu as soulevées.

Fraternellement,

Nick Beams
Voir Aussi
Réplique à un partisan des bombardements des États-Unis et de l'OTAN contre la Serbie 6 avril 1999

 

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