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wsws : Histoire et culture

Les Dixie Chicks tiennent bon

Dixie Chicks : Taking the Long Way

Par Tom Carter
Le 5 juillet 2006

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Dixie Chicks : Taking the Long Way (2006 Sony Music Entertainment, Inc). Produit par Rick Rubin

Le nouvel album du groupe de Country Music, Dixie Chicks, intitulé Taking the Long Way, paraît après une campagne de presse contre le groupe initiée entre autres par Clear Channel, Cox Radio et Cumulus Broadcasting. Cette campagne a été lancée après que la chanteuse principale du groupe, Natalie Maines, ait pris position, en mars 2003, contre George W Bush et contre la guerre en Irak.

Cependant, la campagne réactionnaire de droite a largement échoué et le succès amplement mérité du nouvel album – il a atteint la première place au palmarès Billboard aussi bien dans la catégorie Pop que dans la catégorie Country et c’est l’un des albums les plus téléchargés sur Internet – embarrasse fortement les pontes de la musique Country qui avaient annoncé la fin de la carrière des Dixie Chicks.

La musique et les paroles de ce disque montrent clairement que les Dixie Chicks ont gagné en maturité et en sérieux après la chasse aux sorcières déchaînée contre elles, mais elles n’ont pas renoncé à  leurs positions. Comme cela a toujours été le cas, elles jouent leur musique avec une empathie profonde et sincère pour des gens réels dans des situations réelles. Elles chantent avec franchise sur choses de la vie réelle et tous ses aléas: la maltraitance domestique, la stérilité, la mort de vieux amis, la maternité, la maturité, la lutte pour parvenir à joindre les deux bouts, la guerre, l’amour et l’échec de l’amour. Et c’est le groupe musical féminin qui a vendu le plus de disques de toute l’histoire de la musique pour une simple raison : elles possèdent un authentique don pour écrire et jouer une musique directe pour le violon, le banjo et la guitare qui est à la fois délicieuse sur le plan de la mélodie et reste gravée dans les mémoires.

Alors que leur musique précédente avait tendance à traiter ses thèmes à la troisième personne, les paroles de cet album sont toutes à la première personne. Quelques chansons font directement référence à la campagne qui avait été dirigée contre elles. Par exemple; la chanson «Not ready to make nice» constitue une réplique vibrante qui va en crescendo contre tous ceux qui ont essayé de les faire rentrer dans le rang.

 

J’ai fait mon lit et je dors comme un bébé, sans regret et je n’hésite pas à dire

C’est une histoire très triste, où une mère va apprendre à sa fille qu’elle doit détester un parfait inconnu

Et comment dans le monde des paroles que j’ai prononcées peuvent  être tellement insupportables à certains

Qu’ils m’envoient une lettre pour dire que je ferais mieux de me taire et de chanter sous peine de mourir ?

Je ne suis pas prête à faire la belle

Je ne suis pas prête à reculer.

Je suis toujours très en colère

 

Les Dixie Chicks font partie de la scène Country depuis 1989. Les éléments centraux du groupe, les soeurs Martie et Emily Erwin (qui s’appellent maintenant Martie Maguire et Emily Robison) sont originaires de la ville d’Addison au Texas et fréquentaient depuis des années le milieu de la musique folk et bluegrass de la région de Dallas. En 1995, quand elles se sont associées à la chanteuse Natalie Maines pour former les Dixie Chicks que nous connaissons, leur popularité a rapidement dépassé la région de Dallas. Leurs albums Wide Open Spaces (1998), Fly (1999); Home (2002) et un album live de leur tournée Top of the World se sont vendus à 60 millions d’exemplaires. Sony Music s’était attribué presque toutes les recettes de ces ventes, mais le groupe a pu en 2002 récupérer une partie de cette somme grâce à un procès intenté par le groupe contre la multinationale.

Les représailles

Le 10 mars 2003, les Dixie Chicks donnaient un concert à Londres – quelques jours seulement avant le début d’une guerre, qui après trois ans de carnage et de décompte, a coûté la vie à plus de cent mille irakiens et à plus de 2500 militaires américains.

Les trois femmes se préparaient à chanter leur chanson «Travelin’ Soldier» – une  balade mélancolique et obsédante qui raconte l’histoire d’un jeune américain timide d’à peine 18 ans qui rencontre une  serveuse jeune et jolie au cours d’un dîner dans sa petite ville juste avant qu’il ne soit envoyé au Vietnam. Du front, il écrit régulièrement à la jeune fille et ils tombent amoureux l’un de l’autre par correspondance. Après avoir attendu, languissante, son retour, la jeune fille entend le nom du jeune homme sur la liste des morts à la guerre.

Maines, en présentant au public la chanson, a mis en  parallèle  l’invasion et l’occupation du Vietnam et la guerre alors imminente en Irak. La chanson prenait un sens nouveau : de jeunes américains – pareils à celui de la chanson – faisaient à ce moment même leurs adieux à l’élue de leur cœur dans les aéroports et les bases militaires aux Etats-Unis. Certains d’entre eux ne devaient jamais revenir.

A Londres, la chanson a rencontré un écho auprès d’un public en majorité contre la guerre, au moment même où des troupes britanniques s’apprêtaient à être déployées en Irak.

Maines, originaire de Lubbock, au Texas, avait fait cette remarque: «Je voudrais juste que vous sachiez que nous avons honte que le Président des États-Unis soit originaire du Texas.»

Les critiques de l’Administration présidentielle par des membres importants de l’industrie du spectacle ne sont pas vraiment rares. Toutefois, l’industrie américaine de la Country Music, comme par exemple les stations de radio Country, est contrôlée par quelques unes des forces politiques les plus fanatiquement à droite des États Unis. Les stations de radio Country diffusent toutes des «talk shows» présentés par Lou Dobbs, par Rush Limbaugh, par Laura Schlessinger, par Jay Sekulow, par Pat Robertson ou par Michael Savage. Qu’un des groupes américains de Country les plus populaires de tous les temps puisse critiquer le président était franchement trop embarrassant pour ces gens-là.

Des personnalités puissantes de l’industrie de la musique Country ont monté une campagne d’envergure contre les Dixie Chicks, et les artistes Toby Keith et Reba Mc Entire, entre autres, ont été mobilisés pour les attaquer. Pour avoir une idée de la grossièreté de ces attaques, il faut savoir que, lors de concerts de Toby Keith, il était exhibée, de façon proéminente, une photo truquée représentant Maines aux côtés de Saddam Hussein.

Les stations de Country Music ont été priées de cesser de diffuser la musique des Dixie Chicks sur leurs antennes et des animateurs enragés ont accusé, lors de causeries, ces chanteuses de trahison envers leur pays et envers leurs fans. Un auditeur hystérique dans un de ces émissions a déclaré : « Je pense qu’on devrait envoyer Natalie (Maines) en Irak, l’attacher à une bombe et la lâcher au dessus de Bagdad». Un Dixie Chicks Destruction Day (une Journée de Destruction des Dixie Chicks) a été décrétée dans le Sud, et au cours de ces rassemblements qui n’ont pas réuni les foules, des disques des Dixie Chicks ont été passés au pilon.

Clear Channel, qui contrôle 60 pour cent des stations de radio Country aux États Unis, a financé considérablement cette chasse aux sorcières conservatrice. Clear Channel a interdit la diffusion de la musique des Dixie Chicks sur ses ondes et a contribué à l’organisation et au financement des pilonnages anti-Dixie Chicks. Le président de Clear Channel, L Lowry Mays, entretient des liens financiers et politiques avec la famille Bush.

Cox Radio et Cumulus Broadcasting, sociétés qui contrôlent une grande partie des stations de radio Country ont suivi  le mouvement. Cumulus, qui contrôle 50 stations, a réclamé la censure de toute la musique des Dixie Chicks. Au même moment, on a pu entendre partout des «experts» de Country Music déclarer solennellement que les Dixie Chicks avaient «détruit» leur carrière.

Le Président Bush a même déclaré la fin de la carrière des Dixie Chicks. Il a déclaré à Tom Brokaw de NBC : «Les Dixie Chicks ont tout à fait le droit de s’exprimer. Elles ont le droit de dire ce qu’elles veulent. Elles ne devraient pas être peinés quand les gens ne souhaitent plus acheter leurs disques quand elles veulent donner leur opinion.»

Suite à cette campagne, la vie des Dixie Chicks a été littéralement mise en danger – elles ont reçu de nombreuses menaces de mort de la part de personnes qui avaient été galvanisées par les tentatives répétées d’attiser la haine contre ces artistes. Lors de l’émission «Larry King  Live», Maines a évoqué l’atmosphère qui régnait aux premiers jours de cette campagne.

«Je me rappelle de cette mère qui manifestait devant la salle où nous donnions un concert et qui tenait dans ses bras son fils de deux ans et disait devant la caméra "Qu’elles aillent se faire f…! Qu’elles aillent se faire f… !" Et puis elle s’est tournée vers son petit de deux ans et lui a dit "Crie:qu’elles aillent se faire f…!" Et ceci m’a tout simplement fait hurler parce que je venais d’assister à l’apprentissage de la haine et j’ignorais que ce genre de haine pouvait exister.»

Même s’il est indéniable que cette campagne conservatrice a pu mobiliser contre les Dixie Chicks un certain nombre de personnes, cette campagne ne provenait absolument pas de la «base» et globalement ces «représailles» ont été amplifiées dans les médias. Les Dixie Chicks ont toujours chanté avec sincérité et sans détour sur la vie réelle, les gens réels et les événements réels – c’est comme cela avant tout  que ces musiciennes talentueuses ont gagné leur popularité. La majorité des fans n’ont pas été étonnés de voir que ces artistes sensibles et honnêtes étaient choquées par l’ignorance, la dureté et la cruauté qui ont caractérisé la période conduisant à l’invasion de l’Irak.

Au début, les Dixie Chicks ont été déroutées par cette frénésie médiatique, et par crainte d’avoir offensé leurs fans, elles ont affiché leurs excuses sur leur site web. Néanmoins, alors qu’il apparaissait clairement que ces «représailles » étaient organisées par une très petite frange de gens puissants de l’industrie de la musique Country et que la majorité de leurs fans ne leur avait pas tourné le dos, les Dixie Chicks sont retombées sur leurs pieds et ont tenu bon. Le mois dernier, répondant aux questions de Time sur leurs excuses, Maines a déclaré: «J’ai changé d’avis. Je ne pense pas qu’il (Bush) mérite le moindre respect.»

Au cours de ces trois dernières années, dans des émissions comme «Sixty Minutes» et comme «Prime Time», les Dixie Chicks ont continuellement été priées d’exprimer leurs regrets. Diane Sawyer a commençé un jour son interview par cette question idiote : «Est-ce que vous avez des remords de dire ces choses sur le Président des Etats Unis ?»

Il faut reconnaître que ces texanes ont tenu bon. Début juin, dans l’émission «Larry King Live», Emily Robison a dit que, avant mars 2003, les Dixie Chicks ne se considéraient pas comme un «groupe musical politique», mais Larry King a remarqué «C’est le cas maintenant». Robison a approuvé.

«Nous sommes à présent un groupe politique et nous prendrons ce rôle au sérieux. Je pense qu’à l’époque, cela ne devait être qu’une partie du show axée sur l’actualité parce que nous étions à la veille d’une guerre. Haranguer les foules ce n’est pas ce que nous voulions ou ce que nous aimons faire. Mais, malgré tout, nous aimons l’honnêteté, que ce soit pour donner des interviews ou pour tout autre chose, je pense qu’il faut être honnête sur ce qui se passe dans le monde. Nous ne sommes pas tenues de nous taire pour la simple raison que nous sommes des musiciennes.»

L’auteur du présent article qui se rappelle avec tendresse avoir entendu ces musiciennes lors d’un concert devant un public peu nombreux à la Texas State Fair à Dallas il y a plus de 10 ans, est heureux de vivre dans le même État que les Dixie Chicks. En outre, George W Bush, après tout, est né et a été élevé dans le Connecticut.





 

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