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  WSWS : Nouvelles et analyses : Histoire et culture

Camp d’été 2005 du SEP (US) et du WSWS

Sixième conférence : le socialisme dans un seul pays ou la révolution permanente

Deuxième partie

Par Bill Van Auken
9 septembre 2006

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Voici la deuxième partie de la conférence intitulée Le socialisme dans un seul pays ou la révolution permanente. Cette conférence fut tenue par Bill Van Auken à l’occasion de l’université d’été du Parti de l’égalité socialiste (Etats-Unis) et du WSWS qui s’est déroulé du 14 au 20 août 2005 à Ann Arbor, au Michigan. Elle a été publiée en trois parties.
[Première partie][Deuxième partie][Troisième partie]

La campagne contre la révolution permanente

La thèse avancée en 1924 par Boukharine et Staline et selon laquelle le socialisme pouvait être réalisé en Union soviétique sur la base des réserves nationales de celle-ci et indépendamment du sort de la révolution socialiste au niveau international représentait une révision fondamentale de la perspective qui avait guidé la direction soviétique et l’Internationale communiste sous Lénine. La scission introduite entre les perspectives pour l’Union soviétique et le développement de la révolution socialiste mondiale constituait également une attaque directe de la théorie de la révolution permanente, sur laquelle s’était basée la Révolution d’octobre 1917.

Trotsky écrivit dans son livre, La révolution permanente : « La théorie du socialisme dans un seul pays, qui a germé sur le fumier de la réaction contre Octobre, est la seule théorie qui s'oppose d'une manière profonde et conséquente à la théorie de la révolution permanente.»

Que voulait-il dire par là ? La révolution permanente était la théorie qui partait d’une perspective révolutionnaire internationale ; le socialisme dans un seul pays était une recette utopique et réformiste pour un Etat national-socialiste.

La révolution permanente prenait comme point de départ du socialisme l’économie mondiale et la révolution mondiale. Le socialisme dans un seul pays voyait le socialisme comme le moyen d’un développement national. 

Ces questions étaient au centre de la critique faite par Trotsky du projet de programme de l’Internationale communiste en 1928 et contenue dans son livre, L’Internationale après Lénine. J’aimerais citer amplement cette critique qui explique en détail ce que sont les fondements d’une approche marxiste dans l’élaboration de perspectives. Le brio impérissable de cette analyse est plus évident aujourd’hui encore étant donné l’intégration mondiale de plus en plus marquée du capitalisme, à laquelle nous avons prêté une si grande attention dans le développement des perspectives du CI.

« A notre époque, qui est l'époque de l'impérialisme, c'est-à-dire de l'économie mondiale et de la politique mondiale dirigées par le capitalisme, pas un seul Parti communiste ne peut élaborer son programme en tenant essentiellement compte, à un plus ou moins haut degré, des conditions et tendances de son développement national. Cette constatation est aussi pleinement valable pour le parti exerçant le pouvoir dans les limites de l'U.R.S.S. Le 4 août 1914 sonna et pour toujours le glas de tous les programmes nationaux. Le parti révolutionnaire du prolétariat ne peut se fonder que sur un programme international correspondant au caractère de l’époque actuelle, l’époque de l’apogée et de l’effondrement du capitalisme. Un programme international communiste n’est en aucun cas une addition de programmes nationaux ou encore un amalgame de leurs caractères communs.

Le programme international doit procéder directement d’une analyse des conditions et des tendances de l’économie mondiale et du système politique mondial dans leur ensemble dans tous ses rapports et dans toutes ses contradictions, c'est-à-dire avec l’interdépendance antagoniste de ses différentes parties. A l’époque actuelle, bien plus que par le passé, l’orientation nationale du prolétariat ne doit et ne peut que découler/provenir de l’orientation mondiale et non l’inverse. C’est en cela que réside la différence fondamentale et primaire entre l’internationalisme communiste et toutes les variétés de socialisme national… »

Il poursuit ainsi : « En reliant entre eux des pays et des continents qui se trouvent à des étapes différentes de développement par un système de dépendance et d'oppositions, en rapprochant ces divers niveaux de développement, en dressant impitoyablement les pays les uns contre les autres, l'économie est devenue une puissante réalité qui domine les réalités diverses des pays et des continents. A lui seul, ce fait fondamental confère un caractère très réaliste à l'idée même d'un Parti communiste mondial. »

Avant la mort de Lénine en 1924, personne dans la direction du Parti communiste, ni en Union soviétique ni internationalement n’avait jamais émis l’idée qu’une société socialiste autosuffisante pouvait être construite sur le seul sol soviétique ou un autre pays.

En fait dans ses « Fondements du léninisme » écrits en février de cette année, Staline résuma ainsi les vues de Lénine sur la construction du socialisme dans le passage suivant :

« Le renversement du pouvoir de la bourgeoisie et l’instauration d’un gouvernement prolétarien dans un pays ne garantissent pas encore la victoire complète du socialisme. La tâche principale du socialisme, l’organisation de la production socialiste, reste encore à réaliser. Cette tâche peut-elle être accomplie, la victoire finale du socialisme peut-elle être obtenue dans un seul pays, sans les efforts joints du prolétariat de plusieurs pays avancés ? Non c’est impossible. Pour renverser la bourgeoisie les efforts d’un pays sont suffisants, l’histoire de notre pays en témoigne. Pour la victoire finale du socialisme, pour l’organisation de la production socialiste, les efforts fournis par un pays, en particulier un pays agricole comme la Russie sont insuffisants. Pour cela il faut les efforts des prolétaires de plusieurs pays avancés. 

Telles sont dans l’ensemble les traits caractéristiques de la théorie de la révolution prolétarienne de Lénine ».

Mais avant que l’année ne s’achevât, ces « Fondements du léninisme » allaient être réimprimés dans une édition révisée. Le passage que je viens de citer fut remplacé par son contraire ; il affirmait que « Le prolétariat peut et doit construire la société socialiste dans un seul pays », ceci étant suivi de l’assurance que c’était cela qui constituait la « théorie léniniste de la révolution prolétarienne ».

Cette révision abrupte et grossière de la perspective reflétait le poids social grandissant de la bureaucratie et la conscience de plus en plus aiguë qu’elle avait de ses intérêts sociaux spécifiques et qu’elle considérait comme étant liés à un développement constant de l’économie nationale.

De plus, l’appel à la construction du « socialisme dans un seul pays » trouva un écho certain dans une classe ouvrière soviétique épuisée qui avait vu ses éléments les plus avancés soit sacrifiés dans la guerre civile soit absorbés par l’appareil d’Etat. La débâcle subie en Allemagne à la suite de la capitulation du Parti communiste allemand durant la crise révolutionnaire de 1923 avait détruit l’espoir que la révolution mondiale vienne rapidement au secours de l’Union soviétique et rendu ses ouvriers réceptifs à la promesse d’une solution nationale.

Comme Trotsky l’expliqua dans sa critique du projet de programme du 6e congrès de l’Internationale communiste et dans d’autres écrits, la théorie du socialisme dans un seul pays représentait une attaque directe du programme de la révolution socialiste.

Trotsky expliquait que, si le socialisme pouvait être réalisé en Russie indépendamment du sort de la révolution socialiste dans le reste  du monde, l’Union soviétique passerait d’une politique révolutionnaire internationaliste à une politique purement défensive.

L’inévitable logique de ce changement d’orientation était la transformation des sections de l’Internationale communiste en garde-frontières — en instrument d’une politique étrangère soviétique visant à protéger l’URSS par des moyens diplomatiques qui empêcheraient une attaque par l’impérialisme tout en préservant le statu quo international. Cette politique représentait en fin de compte une subordination des intérêts de la classe ouvrière internationale aux intérêts et privilèges de la bureaucratie stalinienne elle-même.

Comme Trotsky l’avait prédit de façon prophétique en 1928, la thèse selon laquelle le socialisme pouvait être construit en l’absence d’agression étrangère dans la seule Russie conduisit inévitablement à une « politique collaborationniste envers la bourgeoisie ayant pour objet de prévenir une intervention ».

Ce changement fondamental de l’axe stratégique du programme du parti s’accompagna du remplacement de l’ensemble de la vieille direction au sein du Comintern et des sections nationales. Par une série de purges, d’expulsions et de coups d’Etat politiques, la bureaucratie de Moscou obtint un personnel qui était formé à voir comme son axe stratégique non pas la révolution socialiste mondiale mais la défense de l’Etat soviétique.

L’URSS et l’économie mondiale 

Les divergences à propos du rapport entre la révolution russe et la révolution mondiale étaient inséparables du conflit qui s’était développé plus tôt au sein du parti sur la politique économique en Union soviétique même.

La direction stalinienne, s’adaptant de façon pragmatique à la croissance engendrée directement par la Nouvelle politique économique, soutint la préservation du statu quo également à l’intérieur des frontières soviétiques, poursuivant et développant les concessions à la paysannerie et aux opérateurs privés.

Trotsky et l’Opposition de gauche présentèrent un plan détaillé afin de développer l’industrie lourde, mettant en garde contre le fait que, sans une croissance du secteur industriel, il y avait un grave danger que le développement des rapports capitalistes à la campagne sape les fondements du socialisme.

Trotsky rejetait avant tout l’argument qui avait accompagné le « socialisme dans un seul pays » et qui affirmait que le développement de l’Union soviétique pourrait se produire, vaille que vaille, séparément de l’économie mondiale et de la lutte internationale entre le capitalisme et le socialisme.

Boukharine avait déclaré, « Nous construirons le socialisme si besoin est à une vitesse d’escargot » alors que Staline avait insisté pour dire qu’il n’était pas nécessaire de faire intervenir le facteur international dans le développement socialiste.

La conception stalinienne fausse selon laquelle le seul danger que la construction du socialisme en URSS ait eu à redouter était celle d’une intervention militaire, ignorait l’immense pression exercée sur le pays par le marché capitaliste mondial.

L’Etat soviétique avait, afin de contrecarrer cette pression, introduit un monopole du commerce extérieur. Tout en étant un instrument indispensable de défense de l’économie soviétique, ce monopole exprimait la dépendance de l’Union soviétique par rapport au marché mondial et sa relative faiblesse vis-à-vis des principales puissances capitalistes en fait de productivité du travail. Tout en atténuant la pression exercée par des marchandises à meilleur marché en provenance de l’occident capitaliste, ce monopole n’éliminait en rien celle-ci.

Trotsky lutta pour l’obtention d’un rythme supérieur de croissance industrielle afin de contrecarrer cette pression, tout en rejetant en même temps la conception d’une économie autarcique. Le développement d’une planification purement nationale qui ne tenait pas compte de la relation existant entre l’économie soviétique et le marché mondial était voué à l’échec. Il insistait pour que l’URSS tire profit de la division internationale du travail, ait accès aux ressources technologiques et économiques des pays capitalistes avancés afin de développer son économie.

La tentative de développer une économie « socialiste » autosuffisante basée sur les ressources de la Russie arriérée était condamnée non seulement du fait de l’état arriéré de la Russie, mais parce qu’elle représentait un recul vis-à-vis de l’économie mondiale déjà créé par le capitalisme. Dans son introduction de 1930 à l’édition allemande de La révolution permanente, Trotsky écrivait ce qui suit:

« Le marxisme procède de l’économie mondiale considérée non pas comme la simple addition de ses unités nationales, mais comme une puissante réalité indépendante créée par la division internationale du travail et par le marché mondial qui, à notre époque, domine tous les marchés nationaux. Les forces productives de la société capitaliste ont depuis longtemps dépassé les frontières nationales. La guerre impérialiste (1914-1918) ne fut qu’une des manifestations de ce fait. La société socialiste devrait représenter au point de vue de la production et de la technique un stade plus élevé que le capitalisme ; si l’on se propose de construire la société socialiste à l’intérieur de limites nationales, cela signifie qu’en dépit de succès temporaires on freine les forces productives, même par rapport au capitalisme. C’est une utopie réactionnaire que de vouloir créer dans le cadre national un système harmonieux et suffisant composé de toutes les branches économiques sans tenir compte des conditions géographiques, historiques et culturelles du pays qui fait partie de l’unité mondiale. »

La lutte de la direction stalinienne pour imposer l’idéologie du « socialisme dans un seul pays » prit inévitablement la forme d’une lutte virulente contre le « trotskysme » et en particulier contre la théorie de la révolution permanente.

Dans son autobiographie, Ma vie, Trotsky expliquait la psychologie politique de ce qu’il décrivait comme une « campagne due à de vrais philistins, à des ignorants, persécution tout simplement bête » de la théorie de la révolution permanente.

« Jacassant devant une bouteille ou revenant d'un spectacle de ballets, tel fonctionnaire content de lui-même, disait à tel autre non moins satisfait: «Trotsky n'a en tête que la révolution permanente.» A cela se rattachent les accusations qui ont été portées contre moi de n'avoir pas le sentiment de l'équipe, d'être un individualiste, un aristocrate. «On ne peut pas tout faire et agir tout le temps pour la révolution; il faut aussi songer à soi»-- cet état d'esprit se traduisait ainsi: «A bas la révolution permanente!» La protestation élevée contre les exigences théoriques du marxisme et les exigences politiques de la révolution prenaient graduellement, pour ces gens-là, la. forme d'une lutte contre le «trotskysme». Sous cette enseigne, le petit bourgeois se dégageait dans le bolchevik. »

A suivre

(Original anglais paru le 28 septembre 2005).



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