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WSWS : Histoire et culture

70 ans depuis la signature du Pacte germano-soviétique

Par Alex Lantier
28 août 2009

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Voilà maintenant 70 ans, le 23 août 1939, le ministre nazi des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop et son homologue soviétique Vyacheslav Molotov, un important acolyte de Joseph Staline, se rencontraient à Moscou pour signer un Traité de non-agression précipitamment négocié entre l’Allemagne hitlérienne et l’URSS.

Cette entente eut pour effet de créer des conditions très favorables aux nazis pour que l’Allemagne mène une guerre en Europe. Au moment où Ribbentrop se rendait à Moscou, le régime nazi souhaitait désespérément ratifier un accord avec l’URSS qui lui aurait permis d’attaquer la Pologne sans devoir faire face à deux fronts : l’URSS et les deux principales puissances impérialistes de l’Europe occidentale, la Grande-Bretagne et la France. En plus d’une promesse de non-agression, le Pacte comportait une division secrète de la Pologne et des pays baltes entre l’Allemagne nazie et l’URSS. L’Allemagne devait obtenir l’ouest de la Pologne et la Lituanie tandis que l’URSS allait s’emparer de l’est de la Pologne, de la Lettonie et de l’Estonie.

Une déclaration de guerre officielle fut émise le 3 septembre 1939 à la suite de l’invasion de la Pologne par les nazis le 1er septembre. Cela signala le début de la Seconde Guerre mondiale en Europe, une guerre qui entraîna ultimement la mort de 50 à 70 millions de personnes. Les forces soviétiques entrèrent en Pologne le 17 septembre 1939.

La neutralité soviétique permit aux nazis, après avoir rapidement défait les forces polonaises, de concentrer leurs efforts contre l’Europe de l’Ouest en 1940. Avec l’accord de Staline, Hitler conquit le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique et la France. Lorsque l’inévitable invasion nazie de l’URSS débuta en juin 1941, l’URSS était complètement isolée sur le continent européen. Staline, fermant les yeux sur les indications flagrantes de l’imminence d’une invasion nazie, observa à la lettre les conditions du traité. Le Kremlin envoya les dernières cargaisons de matières premières stratégiques à l’Allemagne nazie quelques heures seulement avant le début de l’invasion le matin du 22 juin 1941.

L’aspect le plus significatif du traité était le mépris et l’indifférence totale du Kremlin pour l’opinion de la classe ouvrière internationale. Durant les négociations, Staline porta un toast à Hitler, déclarant : « Je sais combien le peuple allemand aime son Führer. » Suivant la ligne politique donnée par le Kremlin, les Partis communistes de la France et de la Grande-Bretagne adoptèrent une politique officielle de neutralité envers le régime fasciste, l’incarnation de la réaction anti-classe ouvrière.

Les forces nazies et soviétiques commirent des crimes à grande échelle dans les régions occupées. Les forces nazies lancèrent l’opération Tannenberg, rassemblant et exécutant de dizaines de milliers de représentants intellectuels, culturels et politiques de la Pologne. En mars 1940, les forces soviétiques organisèrent le massacre d’officiers polonais dans la forêt de Katyn.

A la surprise d’Hitler, Staline ne demanda pas aux nazis, durant les négociations du traité, qu’ils libèrent le leader communiste allemand Ernst Thälmann, qui languissait dans un camp de concentration presque depuis la prise du pouvoir par les nazis en janvier 1933. Thälmann fut plus tard tué par les nazis, peu de temps avant l’effondrement du Troisième Reich.

Le Pacte germano-soviétique était, à première vue, une surprenante volte-face dans la politique étrangère de l’Allemagne et de l’URSS. Le régime nazi s’était présenté comme le bastion de résistance face à l’URSS et la menace du communisme. Le régime stalinien soutenait quant à lui être l’opposant irréconciliable de l’impérialisme nazi. La Grande-Bretagne et la France furent ainsi stupéfaits et incrédules devant la signature du traité. Cependant, leurs condamnations du pacte étaient en grande partie hypocrites, dans la mesure où les deux principales puissances impérialistes européennes avaient espéré s’entendre avec Hitler aux dépens de l’URSS. 

Jusqu’à août 1939, de puissantes factions des classes dirigeantes française et britannique espéraient voir Hitler déchaîner la Wehrmacht non pas contre l’Occident, mais contre l’URSS. C’était la base de l’accord de Munich de 1938 : en échange d’une promesse sans valeur des nazis que le premier ministre britannique Neville Chamberlain qualifia de « paix pour notre époque », la Grande-Bretagne et la France acceptèrent que la Tchécoslovaquie soit démembrée par les nazis.

Mais pour un observateur, la volte-face dans la politique soviétique ne fut pas une surprise : Léon Trotsky, le leader de la Quatrième Internationale qui vivait alors en tant qu’exilé politique au Mexique.

Avec la prévoyance qui lui était caractéristique, Trotsky prédit que Staline, qui faisait face à d’intenses crises internes et une série de régimes hostiles en Europe produits par ses politiques, pourrait chercher à repousser le danger d’une guerre à travers une alliance avec Hitler. En juin 1939, Trotsky écrivit : « Au congrès du parti en mars de cette année, Staline a dit pour la première fois publiquement que, dans le domaine économique, l’Union soviétique était encore très loin derrière les pays capitalistes. Il lui a fallu faire cet aveu non seulement pour expliquer le bas niveau de vie des masses, mais pour justifier ses reculs en politique étrangère. Staline est prêt à payer très cher, pour ne pas dire n’importe quel prix, la paix. Non pas parce qu’il « haïsse » la guerre, mais il a mortellement peur de ses conséquences.

« De ce point de vue, il n’est pas difficile d’évaluer les bénéfices comparés pour le Kremlin des deux branches de l’alternative : accord avec l’Allemagne ou alliance avec les "démocraties". L’amitié avec Hitler signifierait la disparition immédiate du danger de guerre sur le front Ouest et du coup une diminution importante de ce danger en Extrême-Orient. Une alliance avec les démocrates ne signifierait que la possibilité de recevoir une aide en cas de guerre. Sans doute, s’il ne reste d’autre issue que la guerre, vaut-il mieux avoir des alliés que de rester isolé. Mais le problème fondamental de Staline n’est pas de se ménager les conditions les plus favorables en cas de guerre, mais d’éviter celle-ci. C’est là le sens caché des déclarations réitérées de Staline, Molotov et Vorochilov, selon lesquelles l’URSS "n’a pas besoin d’alliés". » (L’énigme de l’URSS, Œuvres, vol.21, Publications de l’Institut Léon Trotsky, 1986).

Trotsky fondait son jugement de la politique étrangère du Kremlin sur une évaluation plus large de la politique contre-révolutionnaire de la bureaucratie soviétique au cours des dix années précédentes.

Comme la crainte d’une guerre entre l’Allemagne et l’Union soviétique s’est grandement accrue avec l’arrivée au pouvoir de Hitler en 1933, le Kremlin a cherché à former des alliances avec les partis bourgeois et les partis sociaux-démocrates contre le fascisme en Europe de l’Ouest. La base de ces relations était la subordination de la classe ouvrière à la domination capitaliste. Staline a cherché à être bien vu par la bourgeoisie européenne en supprimant, politiquement et physiquement, les mouvements révolutionnaires de gauche. Trotsky a succinctement décrit les alliances de type Front populaire qui ont résulté de cette politique comme une « alliance du libéralisme bourgeois et du GPU », le nom donné à la police secrète du Kremlin à cette époque.

En France, la grève générale de mai et juin 1936 a été trahie par les syndicats et le Parti communiste français (PCF) stalinien. C’est à cette époque que le dirigeant du PCF Maurice Thorez, qui collaborait politiquement avec le Front populaire, un gouvernement formé d’une coalition entre le Parti socialiste et le Parti radical, un parti bourgeois, a fait sa déclaration passée à l’histoire « Il faut savoir terminer une grève ». Le gouvernement du Front populaire s’est effondré en 1938, remplacé par le gouvernement conservateur de Daladier.

En Espagne, la stratégie du Front populaire a lié le prolétariat espagnol à la bourgeoisie durant la révolution espagnole et la guerre civile de 1936-39 contre le dirigeant du coup fasciste, le général Francisco Franco. Le Kremlin a insisté que les détachements armés d’ouvriers devaient rendre leurs armes au gouvernement bourgeois de Manuel Azana à qui ils devaient aussi laisser le contrôle politique et militaire de l’effort de guerre.

Comme les trotskystes l’ont signalé, le gouvernement Azana craignait beaucoup plus la révolution espagnole que Franco. Il est demeuré irrémédiablement opposé à lancer un appel à la nationalisation de la terre pour gagner les armées paysannes de Franco. La France et la Grande-Bretagne, même s’ils se disaient alliés des Soviétiques, ont imposé un embargo sur l’aide à la République espagnole, de crainte que la révolution s’étende au-delà des frontières espagnoles. Le résultat de tout cela fut la victoire des fascistes.

Trotsky a commenté « La caractéristique essentielle de la politique internationale de Staline au cours des dernières années est la suivante : il achète et vend la classe ouvrière tout comme il achète et vend du pétrole, du manganèse ou d’autres biens. Il n’y a dans cette déclaration pas un iota d’exagération. Staline considère les différentes sections nationales du Komintern et les mouvements de libération des nations opprimées comme de la menue monnaie dans ces ententes avec les puissances impérialistes. » (Traduit de « What lies behind Stalin’s bid for agreement with Hitler? », The Writings of Leon Trotsky, 1938-1939 (New York: Pathfinder Press, 2002), p.235)

Au sein de l’URSS elle-même, Staline a cherché à bien paraître aux yeux de ses nouveaux alliés impérialistes et à étêter le mouvement de mécontentement en liquidant l’opposition marxiste à son règne. Dans les procès de Moscou et les grandes purges qui les suivirent en 1936-38, Staline a piégé et massacré le cadre des vieux bolchéviques et de grandes sections de l’intelligentsia socialiste. Parmi ces assassinats en masse, on trouve l’exécution de trois quarts du corps des officiers soviétiques, y compris des vétérans comme le maréchal Mikhail Tukhachevsky et le général Iona Yakir, ce qui a eu des conséquences catastrophiques sur la capacité de combattre de l’Armée rouge.

Trotsky a écrit : « Au courant des trois dernières années, Staline a affirmé que tous les compagnons de Lénine étaient des agents de Hitler. Il a exterminé la fine fleur des généraux. Il a fait fusiller, renvoyer et déporter environ 30 000 officiers, les accusant tous d’être des agents de Hitler ou ses alliés. Après avoir démembré le parti et décapité l’armée, Staline veut ouvertement obtenir le poste… du principal agent de Hitler. » (traduit de  « Stalin’s Capitulation »  ibid. p. 254)

Et finalement, après cette longue suite de trahisons, le pacte Hitler-Staline a constitué une tentative désespérée et au bout du compte infructueuse par Staline d’empêcher une guerre dont il est en bonne partie responsable en vertu de sa politique. Lorsque l’Allemagne a envahi l’URSS moins de deux années plus tard, l’Union soviétique a été trouvée entièrement sans préparation. Près de 30 millions de soldats et citoyens soviétiques sont morts dans la lutte pour repousser l’invasion fasciste.

Au bout du compte, toutefois, les immenses sacrifices du peuple soviétique ont été trahis avec la dissolution de l’URSS en 1991, le résultat final de la politique contre-révolutionnaire du stalinisme.

(Article original anglais paru le 24 août 2009)


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