wsws.org/francais
Visitez le site anglais du
WSWS
SUR LE SITE :
AUTRES
LANGUES
Allemand
Français Anglais
Espagnol Italien
Indonésien
Russe Turque Tamoul Singalais Serbo-Croate
|
|
Les
élections au Québec : PQ et Libéraux
courtisent la grande entreprise
Par Keith Jones Le 10 novembre 1998
Les élections provinciales québécoises, qui auront
lieu le lundi 30 novembre, mettent aux prises le Parti Québécois
(PQ) séparatiste, actuellement au pouvoir, et le Parti Libéral
du Québec (PLQ) fédéraliste. Selon les médias
capitalistes, la rivalité entre le PQ et le PLQ est un combat de
titans, motivé par des visions radicalement divergentes de l'avenir
du Québec. En fait, les plateformes socio-économiques des
deux partis n'ont jamais été si semblables. Tant le PQ que
le PLQ courtisent la grande entreprise en se présentant comme le
parti de la responsabilité fiscale. Ils promettent tous deux une
baisse d'impôts et d'autres mesures visant à rendre le Québec
plus attrayant pour les investisseurs. Ils maintiennent tous deux qu'il
faut démanteler ce qui reste de l'État-Providence des années
soixante et soixante-dix.
Le caractère pro-patronal commun des programmes péquiste
et libéral est personnifié par les dirigeants respectifs des
deux partis. Il y a dix ans, le chef du PQ et premier ministre du Québec
Lucien Bouchard, et le chef du PLQ Jean Charest, siégeaient côte
à côte dans le cabinet du premier ministre conservateur Brian
Mulroney.
Ce n'est pas pour dire qu'il n'y a pas de grands enjeux dans l'élection
québécoise, de grands enjeux, c'est-à-dire, pour la
classe dirigeante québécoise et canadienne. Une victoire du
PQ remettrait en question la participation du Québec à la
confédération canadienne et la survie même du Canada
en tant qu'État-nation à l'aube du 21ème siècle.
Plus de 49 pourcent des Québécois ont voté en faveur
de la séparation du Québec lors du référendum
d'octobre 1995. Et le PQ s'est engagé à tenir un autre référendum,
bien que le programme du PQ et les déclarations de Bouchard soient
très ambigus en ce qui a trait à la date exacte de sa tenue
et à la volonté des séparatistes de lier la souveraineté
à une forme de nouveau partenariat avec le Canada.
Si le PQ était réélu, tel qu'indiqué par
les sondages actuels, il est très probable que le premier ministre
canadien Jean Chrétien serait forcé de démissionner.
D'importantes couches de l'élite politique et économique canadienne
tiennent le chef libéral fédéral responsable du piètre
résultat des fédéralistes en 1995.
La lutte entre l'aile séparatiste et l'aile fédéraliste
de l'élite politique québécoise porte sur la meilleure
façon de protéger les intérêts de la bourgeoisie
québécoise et de ses serviteurs parmi l'élite de gestionnaires
et d'administrateurs. Fondé en 1968 suite à une scission d'avec
les libéraux, le PQ a joué un rôle vital, avec l'aide
de la bureaucratie syndicale, pour détourner politiquement le soulèvement
radical de la classe ouvrière québécoise au début
des années soixante-dix. Le PQ a proclamé dans ses débuts
« un préjugé favorable envers les travailleurs »
et a même qualifié de socialiste son programme, lequel associait
une hausse des dépenses sociales à des initiatives par l'État
pour renforcer la position du capital québécois et assurer
plus d'emplois aux gestionnaires francophones. Mais le PQ a pris un tournant
sec à droite après sa défaite lors du référendum
de 1980 sur l'indépendance du Québec.
Les pires coupures dans l'histoire du Québec
En septembre 1994, le PQ a repris le pouvoir, après neuf ans de
gouvernement libéral, en faisant appel au mécontentement populaire
causé par la détérioration des services publics et
le chômage de masse chronique. (Le taux de chômage au Québec
est tombé le mois dernier sous la barre des 10 pourcent pour la première
fois cette décennie.) Sous le premier ministre Jacques Parizeau,
le gouvernement péquiste a rapidement lancé un programme de
fermetures d'hôpitaux, dont sept dans la région de Montréal.
Mais Parizeau s'est surtout concentré sur l'élaboration d'un
programme pro-patronal pour l'indépendance du Québec. Un Québec
souverain, a-t-il fait valoir, serait mieux placé pour soutenir les
compagnies québécoises dans la lutte sur les marchés
mondiaux. De plus, la réorganisation de l'appareil d'État
qui serait nécessaire en cas de sécession servirait de mécanisme
pour réduire drastiquement les dépenses de l'État.
Parizeau a démissioné en tant que premier ministre du Québec
et chef du PQ le lendemain de la défaite au référendum
de 1995. Il a été rapidement remplacé par Lucien Bouchard,
le chef du parti frère du PQ au Parlement fédéral,
le Bloc Québécois.
Durant la campagne référendaire de 1995, Bouchard avait
cherché des appuis en présentant l'indépendance comme
un écran protecteur face à la « vague de droite »
déferlant en Amérique du Nord. Une fois devenu premier ministre,
il a fait une volte-face soudaine, quoique prévisible, et a lancé,
sous le prétexte de redonner son « indépendance financière
» au Québec, une véritable contre-révolution
en politique sociale.
Pour éliminer le déficit budgétaire du Québec
d'ici l'an 2000, le gouvernement Bouchard a imposé les plus importantes
coupures budgétaires dans l'histoire de la province. Les dépenses
annuelles ont été réduites de $2,3 milliards dans le
domaine de la santé, de $1.9 milliards dans l'éducation, et
les transferts aux municipalités ont baissé de $350 millions
par année. Le PQ a aussi réalisé une « réforme
» de l'aide sociale, pour se trouver un prétexte pour réduire
les prestations et forcer les sans-emplois à accepter des emplois
à bas salaires. Les jeunes de 18 à 24 ans doivent être
prêts à fournir du travail communautaire bénévole
et tous les assistés sociaux doivent maintenant payer une partie
de leurs médicaments.
Deux comparaisons donnent une idée de l'ampleur des coupures imposées
par le PQ. En mars 1994, le paiement mensuel moyen accordé à
un assisté social « apte au travail » était de
$641. Aujourd'hui il est de $550, ou l'équivalent de 500 dollars
de 1994. Le gouvernement conservateur ontarien de Mike Harris a été
à plusieurs niveaux le fer de lance de l'assaut patronal sur la classe
ouvrière. Mais le gouvernement péquiste a imposé de
plus importantes coupures budgétaires. En termes nominaux, c'est-à-dire
sans tenir compte de l'inflation, les dépenses du gouvernement ontarien
ont augmenté de 2 pourcent entre 1994 et 1998; au Québec,
elle ont diminué de 4,4 pourcent.
Le rôle des syndicats
Le PQ n'aurait jamais été capable d'imposer ces coupures
drastiques sans la complicité des syndicats. En 1996, les syndicats
ont participé à deux sommets socio-économiques, dont
le but était de préparer le terrain politique pour les coupures
budgétaires du PQ, et ils ont endossé l'objectif gouvernemental
du « déficit zéro ».
Lorsque Bouchard a demandé aux syndicats d'accepter une réduction
générale des salaraires de 6 pourcent dans le secteur public
de la province, les chefs de la FTQ (Fédération des travailleurs
du Québec), de la CSN (Confédération des syndicats
nationaux) et de la CEQ (Centrale de l'enseignement du Québec) ont
proposé un programme de retraites anticipées, qui a permis
au gouvernement de réduire drastiquement sa force de travail. Le
résultat a été une forte augmentation de la charge
de travail des infirmières, des employés d'hôpitaux,
des professeurs et d'autres employés du secteur public; de plus,
les services publics ont été mis en sérieux péril.
Des 16 000 travailleurs de la santé qui ont pris une retraite anticipée,
à peine 10 000 ont été remplacés. Cela a entrainé
de longs délais pour les chirurgies, sans parler des traitements
moins urgents.
La bureaucratie syndicale est un bastion péquiste. Bouchard ne
cesse d'ailleurs de souligner les liens corporatistes étroits qui
unissent les syndicats québécois, le gouvernement provincial
et la grande entreprise comme étant l'un des gros « avantages
du Québec ». Mais la colère populaire causée
par les coupures est telle que les chefs syndicaux ont été
forcés de prendre leurs distances envers le gouvernement et n'ont
pas osé endosser ouvertement la campagne du PQ.
Selon le président de la CSN Gérald Larose, qui avait pris
l'habitude de rencontrer Bouchard au moins une fois par semaine, quatre
années de féroces coupures dans les programmes sociaux par
le premier ministre Lucien Bouchard ont fait de la CSN un « orphelin
politique ». Dans les coulisses cependant, les syndicats travaillent
assidûment pour assurer la ré-élection du PQ. La journée
précédent l'annonce officielle des élections, Larose
et les dirigeants de la FTQ et de la CEQ annonçaient une «
trêve » dans les négotiations avec le PQ pour les conventions
collectives couvrant les 350 000 travailleurs du secteur public.
Le besoin d'une alternative politique par et pour les travailleurs
Ni les séparatistes ni leurs opposants fédéralistes
ne forment un groupe uni. Contrairement à son prédécesseur
Jacques Parizeau, Bouchard a toujours lié la campagne pour un Québec
souverain à la demande d'un nouveau partenariat avec le reste du
Canada.
Les sections dominantes de la bourgeoisie canadienne, basées dans
le centre du Canada, perçoivent la sécession du Québec
comme étant contraire à leurs intérêts, l'une
des raisons, et non la moindre, étant que la perte d'un quart de
la population du Canada et de plus d'un cinquième de son PNB réduirait
sérieusement le statut du Canada sur la scène internationale.
Au cours de la dernière décennie cependant, une faction de
la bourgeoisie anglo-canadienne, basée dans les provinces de l'ouest
et représentée dans l'arène politique par le Parti
Réformiste, l'actuelle opposition officielle dans le parlement fédéral,
a pris une position ambivalente concernant la place du Québec dans
la Confédération et son éventuel retrait.
Au lendemain du référendum de 1995, le débat au
sein de la classe dirigeante canadienne est devenu orageux. Tant le gouvernement
Chrétien que le Parti Réformiste ont brandi la menace de partition
du Québec, où l'ouest et le nord du Québec, qui hébergent
la plupart des autochtones et des anglophones, resteraient une partie intégrale
du Canada après la sécession du Québec.
La campagne électorale au Québec, qui voit les partis rivaux
courtiser la grande entreprise, a souligné que les camps rivaux dans
la crise constitutionnelle canadienne représentent des fractions
de la classe dirigeante. Les travailleurs, qu'ils soient francophones, anglophones
ou immigrés, ne peuvent défendre leurs intérêts
de classe que s'ils s'opposent aux ailes fédéraliste et séparatiste
de la grande entreprise, rejettent l'idéologie patronale du nationalisme
canadien et du nationalisme québécois, et s'unissent à
leurs frères et soeurs de classe des États-Unis, du Mexique
et d'ailleurs sur la base d'une alternative socialiste.
Voir aussi; Les
élections au Québec révèlent l'insatisfaction
populaire face aux principaux partis; le PQ reste au pouvoir
8 décembre 1998
|