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La peur s'empare des marchés mondiaux

Par Nick Beams
Le 8 septembre 1998

Les conséquences à long terme de de la crise économique globale devenant de plus en plus évidentes, les cercles dirigeants capitalistes et les marchés financiers mondiaux sont de plus en plus saisis par un sentiment de consternation, de peur et même de panique.

Deux préoccupations majeures sont évidentes, à savoir que la crise financière ne se transforme rapidement en une dépression mondiale sans précédent depuis les années trente, et deuxièmement, que les gouvernements ne se mettent à contrôler le mouvement des capitaux et des devises comme l'a fait la Malaysie la semaine dernière. Certains économistes ont établi un parallèle entre le geste de la Malaysie et la tristement célèbre restriction commerciale imposée par les États-Unis en 1930, appelée Smoot-Hawley, laquelle avait joué un rôle-clé dans l'effondrement du commerce international.

Dans son numéro actuel, le magazine américain Business Week a sorti un éditorial qui contient « un rappel visuel » de ce qui pourrait aller mal: le fameux diagramme « cobweb » publié par la Ligue des Nations en 1934, et qui illustre comment le commerce mondial est passé de $3 milliards en janvier 1929 à seulement $1 milliard quatre ans plus tard. Tout en insistant qu'une « dépression globale » n'était pas « à l'horizon », Business Week a néanmoins publié le diagramme afin de faire comprendre qu'il y avait « très peu de marge d'erreur à une époque comme celle-ci » et qu'avec « quelques faux pas...les problèmes peuvent devenir des désastres ».

Le New York Times a publié un compte-rendu de la discussion tenue vendredi soir (4 septembre) à San Fransisco entre le ministre des finances américain, Robert Rubin, et le ministre des finances japonais, Kiichi Miyazawa. Ce compte-rendu met en évidence les divisions qui se créent entre les principales puissances capitalistes et l'absence d'un plan d'action susceptible d'arrêter le développement de la crise économique et financière. Il note que les participants à la discussion étaient repartis le lendemain « sans plan et avec la désagréable impression que les États-Unis et le Japon n'étaient pas sur la même longueur d'onde en ce qui a trait à la rapidité avec laquelle un pays devrait agir ». Les représentants américains ont dit craindre que les dirigeants japonais n'acceptent pas la prémisse selon laquelle la crise banquaire japonaise était une cause majeure des bouleversements survenus sur les marchés mondiaux. Quant aux représentants japonais, les pressions américaines les auraient fait frisonner.

Symptôme de la montée des tensions, le New York Times a cité un représentant haut placé du milieu financier japonais qui exprimait ses craintes que « peu importe ce qui arrive à l'économie américaine, tous le monde va pointer du doigt le Japon comme étant le responsable ». Dans un discours prononcé quelques minutes avant la rencontre, Alan Greenspan, président de la réserve fédérale américaine, a pour la première fois clairement soulevé la menace de récession en affirmant que « ce n'était tout simplement pas crédible que les Etats-Unis demeurent un oasis de prospérité à l'abri des sérieux problèmes qui touchent le reste de la planète ». Rubin décrit la situation comme étant sans précédent « à bien des égards ». « Le nombre de pays qui éprouvent au même moment de graves difficultés est du jamais vu. » Selon le New York Times, ni Greespan ni Rubin n'ont utilisé le terme « récesion globale » de crainte de provoquer la tourmente et d'être taxés de prophètes de malheur. Le compte-rendu cite aussi les remarques de Jeffrey Garten, doyen du « Yale School of Management » et ancien haut fonctionnaire du département du commerce, selon qui la conception en vogue il y a quelques mois, à savoir qu'il y avait de la lumière au bout du tunnel, avait changé.

« Maintenant, la seule chose qui nous reste à espérer, c'est d'éviter une déterioration totale de l'économie mondiale. Nous avons de plus en plus l'impression que tout ceci repose véritablement entre les mains invisibles d'Adam Smith: c'est hors de la portée et du contrôle des institutions et des pays. »

Des commentaires semblables ont aussi été exprimés par le Wall Street Journal, le plus acharné des défenseurs du libre marché.

« La raison pour laquelle cette crise cause tant de panique », explique le journal, « c'est qu'il n'y a pas de solution claire en vue, aucun pare-feu financier que les gouvernements ou les institutions internationales pourraient ériger pour ralentir sa propagation. » De l'autre côté de l'Atlantique, un éditorial du Financial Times publié samedi dernier soulignait la « menace pour la globalisation » contenue dans les décisions prises en Asie. « Le contrôle des capitaux imposé par la Malaysie et l'intervention de Hong Kong sur les marchés boursiers ont semé l'inquiétude. Allons-nous faire face à un environnement très différent, où la suprématie des marchés serait supplantée par un retour malvenu du protectionnisme » ?

Ces manifestations croissantes d'inquiétude ne sont pas limitées aux médias. Par exemple, un rapport préparé par l'analyste bien connu, Allen Sinai, pour la société de placements Pridmark Decision Economics, contient le passage suivant: « Considérant la crise historiquement sans précédent qui frappe l'Asie, les nouveaux casse-tête financiers qui se présentent dans les pays développés, et l'incapacité des décideurs partout dans le monde à dire ce qui se passe, pourquoi, et que faire, on peut s'attendre aux mêmes problèmes à l'avenir, les marchés financiers partant à la conquête de nouveaux territoires. » En marge de son édirorial, Business Week, a publié une déclaration majeure réclamant l'adoption de mesures d'urgence par la réserve fédérale américaine et les principales puissances afin d'enrayer la crise, ce qui réflete la crise politique qui fait rage dans les cercles dirigeants.

« Le modèle américain du libre marché capitaliste, l'idéologie de facto de la période de l'après-guerre-froide, bat-il en retraite? », peut-on lire dans cette déclaration. « La récente volatilité des marchés boursiers nous livre plusieurs messages, mais le plus important pourrait bien être que l'hypothèse fondamentale concernant l'avenir économique des États-Unis est complètement modifiée par les crises en Asie et en Russie. Les prix en bourse renvoient l'image d'un monde qui semble entrer tête première dans un ralentissement déflationniste, un monde dans lequel les pays se retirent du système de libre marché, système qui était pris pour acquis par tous.... C'est clair que les balises de la crise actuelle sont différentes de tout ce que nous avons vu jusqu'à maintenant. Par son ampleur et par sa vitesse de propagation, cette crise a pris la plupart des économistes par surprise. Sa tendence déflationniste a désarconné les décideurs politiques habitués toute leur vie à des problèmes inflationnistes. L'érosion du contôle des prix fait trembler les dirigeants d'entreprise. La répudiation des dettes terrifie les banquiers. »

La déclaration souligne que si « le triomphe du libre marché paraissait inévitable » durant la dernière décennie, une nouvelle tendance a commencé à s'installer. « Partout, le libre marché est perçu comme l'ennemi de la croissance; de plus en plus de nations s'en retirent. Ce recul par rapport au modèle américain est une réaction à la destruction de richesses la plus extraordinaire jamais vue. Au cours de la dernière année, des reculs de 50, 70 et parfois même 80 pourcent en Asie ont fait disparaître des centaines de milliards de dollars en biens de valeur. Ensuite, l'économie réelle s'est effondrée. L'économie coréenne s'est contractée de 5 pourcent au cours des douze derniers mois; Thailande a reculé de 10 pourcent; l'Indonésie de près de 20 pourcent. Près de 100 millions de personnes de la classe moyenne sont poussées à nouveau dans la pauvreté. »

Comme on s'attendait à ce que l'Asie, l'Amérique Latine et l'Europe de l'Est contribuent à plus de la moitié de la croissance économique mondiale, il faut maintenant faire quelque chose pour « sauver la classe moyenne asiatique » sinon les conséquences pour la croissance globale seraient « immenses »: il y aurait une réduction dans les profits des entreprises à travers le monde et une augmentation de « l'instabilité politique globale. »

Mais c'est la « solution » mise de l'avant par la revue, bien plus que les faits et les statistiques qu'elle a présentés, qui indique la profondeur de la crise des cercles dirigeants. Premièrement, elle insiste pour que « la glissade » soit stoppée. « Quelqu'un doit aller devant la caméra de télévision et dire: "Ça suffit, nous avons un plan." »

Mais quel est donc ce plan ? Faire comme avant, selon le Business Week. La réponse, nous disent-ils, n'est pas de retenir le marché et d'imposer des restrictions au mouvement des capitaux et des devises, mais bien le contraire.

« Nous croyons qu'il faut plus d'intégration, pas moins; plus de réformes politiques dans chacun des marchés émergeants, pas plus de réglementation sur le système global du capital. »

Mais en proposant cette « solution », l'auteur révèle, sans le savoir, pourquoi l'appel de la revue à une action concertée de Rubin et de ses confrères allemands et japonais, ne peut être réalisée. Loin de représenter un plan pour éviter une crise économique mondiale, l'appel en faveur d'une plus grande liberté du marché réflète les intérêts directs et immédiats des banques et des institutions financières américaines. Leur lutte pour les profits exige l'ouverture des marchés dominés par leur rivales et la destruction de vaste capitaux étrangers, spécialement ceux possédés par le Japon.

Comme l'a péniblement expliqué le ministre des finances japonais, Miyazawa, après sa discussion avec Rubin, la faillite de la Banque de crédit à long terme au Japon, que les promoteurs du libre marché veulent liquider, « pourrait entraîner un risque structurel pour les États-Unis et le Japon », c'est-à-dire une crise du système bancaire global, pas seulement l'effondrement d'une banque.

Il est douteux que le Manifeste communiste soit l'objet d'une étude sérieuse au Business Week, mais sa description de la situation économique aux États-Unis, et en fait dans tous les pays du monde, rappelle l'analyse faite par Marx il y plus de 150 ans.

« La grande entreprise américaine », explique la revue, « risque d'être bientôt confrontée à un surplus dans tous les domaines: usines et équipements, main-d'oeuvre, gestionnaires et fourniseurs. Il y une rupture dans le système global. Tout a changé. » Ou, tel que Marx l'a expliqué: « Au cours des crises, une épidémie qui, à toute époque, eût semblé une absurdité, s'abat sur la société: l'épidémie de la surproduction...on dirait qu'une famine, une guerre d'extermination généralisée lui ont coupé tous ses moyens de subsistances; l'industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d'industrie, trop de commerce. »

L'éruption d'une crise, explique Marx, signifie que les forces productives de la société sont devenues trop puissantes pour les conditions de la propriété bourgeoise. C'est pour cette raison que la solution à la crise ne réside ni dans le marché, ni dans l'imposition de contrôles au niveau national: ils mènent tous deux à une plus grande déterioration économique et sociale. La solution réside plutôt dans le renversement des rapports de propriété capitalistes à travers le monde par l'action unifiée de la classe ouvrière internationale.

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