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Les élections municipales en France

Par Francis Dubois
15 mars 2001

Le premier tour des élections municipales qui se sont déroulées en France le 11 mars, la plus importante consultation électorale depuis l'arrivée au pouvoir de la Gauche plurielle, a montré que les partis de la coalition gouvernementale (PS - Parti socialiste, PCF - Parti communiste français, PRG - Parti radical de gauche, Verts et MDC - Mouvement des citoyens) n'ont que très peu gagné vis-à-vis de l'opposition de droite. Alors que les sondages avaient annoncé une « vague rose », les partis de la droite traditionnelle (le RPR - Rassemblement pour la République -, l'UDF - Union pour la démocratie française - et DL - Démocratie libérale) furent généralement capables de garder le contrôle des villes qu'ils dirigeaient. Là où les partis de la coalition enregistrent des gains c'est surtout grâce à la crise évidente des partis de droite.

Le taux d'abstention, de plus de 33 pour cent (légèrement supérieur à celui de la dernière élection municipale en 1995, le plus fort jamais enregistré pour une élection de ce genre), indique lui aussi une forte désaffection politique. Cependant, le taux de participation était nettement plus élevé dans les villes où il y avait un enjeu important comme à Paris, Lyon et Toulouse.

Dans les villes où il devrait, selon les sondages, gagner contre la droite, le PS n'y parviendra que difficilement. Dans des villes importantes comme à Lyon, Toulouse, Lille et même Paris, où le PS arrive effectivement en tête, son vote est en général nettement moins important que les sondages ne l'avaient prédit. Dans d'autres grandes villes, comme à Strasbourg, le PS perd de nombreuses voix. Dans plusieurs villes où des ministres du gouvernement se présentaient, ils se sont fait battre ou sont malmenés (Avignon, Béziers, Blois par exemple). Selon certains reportages, les réunions du PS n'ont mobilisé qu'une fraction des gens qu'elles avaient réunies lors des dernières élections européennes. Cela contrastait, selon la presse, avec l'énergie déployée par les listes rassemblant les mécontents de la politique gouvernementale.

Le vote en diminution du PCF indique la perte d'influence de ce parti qui fut mis en difficulté dans de nombreuses villes qu'il contrôlait jusque-là. Le PCF risque même de perdre Nîmes la seule ville de plus de 100 000 habitants qu'il administre encore. Le PCF, qui fonctionne comme le principal allié du PS au sein de la coalition de la Gauche plurielle, avait signé un accord d'union avec le PS et eut des listes d'union avec le PS dans de nombreuses villes. Il s'en est trouvé d'autant plus assimilé à ce parti et à la politique gouvernementale. Le PCF avait décrit son accord électoral comme «le meilleur signe depuis 1977». Son contrôle sur les municipalités signifie qu'il administrait récemment encore près de 4,5 millions de personnes soit 8 pour cent de la population.

Le vote des Verts, s'il ne s'est pas accru de beaucoup, n'en a pas moins légèrement progressé. Les Verts qui n'avaient pas signé d'accord avec le PS pour des listes d'union profitent de la relative faiblesse du vote en faveur du PS et de leur légère progression pour faire pression sur le PS afin d'obtenir des avantages. Dès la publication des résultats, les Verts ont partout fusionné leurs listes avec celles du PS; la nouvelle législation électorale permet à des listes qui se maintiennent au deuxième tour (plus de 10 pour cent des votes) de fusionner et non plus simplement de se désister en faveur d'une autre liste.

La perte d'influence du PCF et le relativement bon score des Verts a déjà forcé les dirigeants socialistes à leur accorder plus de place dans les administrations locales et cela devrait se répercuter au niveau du gouvernement. Il est probable que le PCF sera relégué à une force d'appoint et que les Verts deviendront le premier partenaire du PS dans la coalition.

Le PCF s'est vu concurrencer sur sa gauche par les listes de partis qualifiés d'«extrême gauche» ou de listes «citoyennes». Ces dernières, qui tentent de remplir le vide politique laissé par les partis de la coalition, sont des listes à programme vague, se disant plus radicales que la gauche traditionnelle et réclamant en général plus de démocratie, de proximité avec la population et visant à recueillir les suffrages des «déçus de la vieille gauche». Un exemple typique de ces groupes sont les listes «Motivé-e-s» qui ont surgi dans de nombreuses villes et qui parfois ont fait des scores relativement élevés (12 pour cent à Toulouse). La listes Motivé-e-s de Toulouse s'est cristallisée autour d'un groupe de musique (Zebda). Toutefois, dès l'annonce des résultats dans cette ville, cette liste s'est précipitée dans des négociations avec le PS, fusionnant avec sa liste.

Les partis «d'extrême gauche», c'est-à-dire ceux qui se réclament (à tort) du trotskysme, ont, eux, progressé de façon significative. Lutte ouvrière (LO) présentait des listes dans 129 villes, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) dans 93, le Parti des travailleurs (PT) dans 146 villes. Ces partis doublent le nombre de listes présentées en 1995 et pourraient, selon les estimations de la presse, passer de quelques conseiller municipaux actuellement à une centaine d'élus à la fin du second tour. Ces partis étaient présents plus particulièrement dans les centres industriels et leurs scores les placent dans de nombreux cas dans une position d'arbitrage. Dans de nombreuses villes, ces listes incluaient des membres mécontents du PCF. Dans certaines villes, la LCR a fait des listes communes avec des sections officielles du PCF et, dans son éditorial du 9 mars, elle se plaint du fait que le PCF, signant un accord préélectoral avec le PS, n'a pas laissé de possibilité «d'ouverture». Toutes ces organisations se sont présentées séparément au premier tour. LO atteint parfois des scores proches de 20 pour cent. Certains commentateurs ont observé à l'occasion du premier tour de l'élection du 11 mars que le PCF avait été remplacé dans le vote populaire par l'extrême gauche.

Ils ont observé aussi que le vote pour la Gauche plurielle ne correspondait pas au vote populaire. Selon eux, les Verts trouvent leur vote dans «la petite bourgeoisie qualifiée», c'est-à-dire les couches plus privilégiées, et le PS ne se cache pas de vouloir le vote de la bourgeoisie. Un journaliste commentait le vote du PS à Paris de la façon suivante: «Ce n'est pas par hasard si, de scrutin en scrutin, la gauche progresse régulièrement dans la capitale. L'embourgeoisement de Paris a paradoxalement favorisé cette évolution à mesure que le PS attirait de plus en plus les catégories aisées tout en cédant du terrain dans les couches populaires.»

Si l'extrême droite a perdu la ville de Toulon dès le premier tour, elle maintient néanmoins ses positions dans les villes qu'elle avait emportées en 1995 (elle est réélue à Orange et fait plus de 38 pour cent Vitrolles). Dans les situations où ils ne pouvaient pas présenter de listes, les politiciens d'extrême droite (MNR - Mouvement national républicain et FN - Front national) se sont «recyclés» sur des listes de la droite libérale ou chrétienne démocrate qui voulaient bien les accueillir. Ils ont aussi passé un certain nombre d'accords électoraux avec l'UDF ou le RPR, ou encore le RPF (Rassemblement pour la France). Dans certaines villes, la droite s'est retirée et a laissé le MNR faire campagne seul contre les listes de gauche.

Il est intéressant de noter que de nombreux dirigeants locaux du Medef (la confédération patronale qui mène depuis deux ans une attaque systématique contre les acquis sociaux de la classe ouvrière) se sont présentés indépendamment des partis de droite qu'ils jugent apparemment incapables de représenter les intérêts du patronat.
La tendance générale semble avoir été qu'une majorité d'électeurs ont voté plus particulièrement pour l'administration en place, pour celle qu'ils connaissaient déjà. Même les mesures préélectorales en faveur des personnes âgées et des sections les plus pauvres de la population ont manqué de faire un net impact. Juste avant les élections, le gouvernement Jospin avait annoncé une nouvelle allocation pour les personnes âgées.

Les principaux thèmes de campagne des partis de droite comme de ceux de la Gauche plurielle furent ceux de la sécurité et de la «qualité de la vie». Des affrontements entre bandes furent médiatisés à outrance, de même que la «violence à l'école », et les réfugiés utilisés de manière démagogique comme thèmes politiques. Les destinataires de ces campagnes étant ceux qui craignaient pour leur nouvelle richesse ou leur statut social. Dans le même temps, les journaux remarquent l'absence complète de campagne sur les problèmes sociaux de la part des partis établis alors que la pauvreté augmente.

Le PCF, les Verts et le PS ont fait chose commune dans ce premier tour, comme jamais auparavant, au point que leurs listes étaient identiques. Les staliniens et les écologistes se sont entièrement identifiés à la politique de capitalisme social de la sociale démocratie. Le vote populaire dont avait bénéficié Jospin à un certain moment s'est fortement érodé. Il y a clairement des couches de la classe ouvrière qui ont voté sur sa gauche.

La crise profonde qui agite le monde politique s'est aussi manifestée dans ce premier tour des élections municipales et a pris plus particulièrement la forme de la crise de la droite traditionnelle à Paris et à Lyon. À Paris, c'était le procès du vieux système politique basé sur la corruption généralisée (et avec lui Chirac) qui était au centre de l'élection et à Lyon la collusion de la droite traditionnelle avec l'extrême droite.

À Lyon comme à Paris, la droite se trouve dans une crise sérieuse, paradoxalement parce qu'elle obtint plus de voix qu'elle n'en escomptait. À Paris, Bertrand Delanoë, le candidat du PS, n'obtient que 31,3 pour cent. Sur fond de scandales, Delanoë avait fait campagne pour une gestion morale de la capitale et était en cela un peu plus crédible que Séguin. Séguin avait, lui, fait sa campagne sur la rupture avec l'ancien système et le maire sortant de la capitale, Jean Tiberi, un ancien proche de Chirac expulsé du RPR en novembre dernier. Tiberi avait fait cause commune avec le RPF de Pasqua. Tiberi, ayant obtenu un score inattendu (14 pour cent en moyenne) et Séguin, qui avait solennellement déclaré ne jamais fusionner avec son ennemi juré, n'obtenant que 25 pour cent, une véritable guerre se déclencha dès l'annonce des résultats entre ceux qui voulaient à tout prix la fusion et ceux qui défendaient leur slogan électoral, préconisant le simple retrait en faveur de la liste de droite la mieux placée. Finalement, sous la pression de Chirac et d'une majorité de dirigeants nationaux RPR et des autres partis de droite, Séguin et son camp, furent poussés vers un accord avec Tiberi, ce qui est intervenu après deux jours d'attaques virulentes de part et d'autre tournant ainsi en ridicule toute la campagne de Séguin pour la transparence et contre la corruption. Au second tour, la droite fera campagne pour le contraire de ce qu'elle a soutenu avant le premier tour.

Une situation semblable règne à Lyon où la pomme de discorde est autre, mais où la crise est, au fond, la même. À Lyon, le candidat UDF, Michel Mercier, un proche du dirigeant national de l'UDF, François Bayrou, avait juré solennellement de ne pas s'allier à Charles Millon (droite libérale et chrétienne), ancien ministre de la Défense et ancien dirigeant du conseil régional (il en avait été exclu pour avoir été élu avec les voix de l'extrême droite en 1998, les a accueilli sur sa liste cette fois-ci). Le candidat PS, Gérard Collomb, n'obtenant que 33 pour cent et Millon ayant obtenu le même nombre de voix que Mercier (24 pour cent), ce dernier fut finalement forcé, sous la pression des dirigeants nationaux de l'UDF (en première ligne Giscard d'Estaing), de s'accorder avec Millon après deux jours de comédie et de marchandages nauséabonds.

Il faut à, cet égard, mentionner le fait que Chirac lui-même avait insisté une fois de plus juste avant l'élection pour que tous les partis de droite se rassemblent en un seul parti. «L'opposition serait bien inspirée de faire une révolution culturelle», avait dit Chirac à ce propos. Libération avait même parlé de fusion nécessaire «afin d'éviter l'implosion».

Il est aussi intéressant de noter que des protestations furent organisées devant des mairies d'arrondissement à Paris contre le fait que des milliers d'électeurs furent radiés des listes sans même en avoir été informés.

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