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Constitution d'un nouveau gouvernement au Burundi

Par John Farmer et Chris Talbot
Le 28 Novembre 2001

Après deux années de pourparlers, un gouvernement de transition a été formé au Burundi au début de ce mois. Malgré cet accord que son principal artisan présente comme « une percée qui amènera une paix et une stabilité permanente », il apparaît cependant qu'il n'a fait qu'exacerber la guerre civile dans le pays.

Issue de 17 partis politiques appartenant aux groupes tribaux Tutsi et Hutu, l'administration qui se partage le pouvoir est soutenue par des troupes de protection sud-africaines fortes de 700 hommes. À l'intérieur du gouvernement, tous les partis politiques sont désignés soit comme Tutsi, soit comme Hutu suivant leur appartenance ethnique. Quatorze postes ministériels sont détenus par des Hutu et douze postes sont détenus par des Tutsi, comme par exemple le ministère des armées et le ministère des finances.

Le pays est toujours réellement dirigé par le président Pierre Buyoya, et par l'armée à dominante Tutsi. Le but, en formant un nouveau gouvernement, est d'offrir aux chefs Hutu la possibilité de pouvoir enfin jouer un rôle plus équitable dans la direction des affaires. Buyoya est censé quitter le pouvoir après 18 mois pour céder la place au vice-président Domitien Ndayizeye, un leader du principal parti Hutu le Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU). Des élections devraient alors se tenir dans les trois ans qui suivent.

Après la formation du nouveau gouvernement, les rebelles Hutu des Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD) et des Forces nationales de libération (FNL) plus petites ont intensifié leur guerre contre le gouvernement. La guerre civile, qui a fait plus de 300.000 morts, n'a pas cessé depuis l'assassinat du président Hutu Melchior Ndadaye par des soldats Tutsi, il y a huit ans. Bien que les Hutu constituent approximativement 85 pour cent de la population, Ndadaye a été le premier président élu après trente années de règne sans partage de l'élite Tutsi. Buyoya s'est emparé du pouvoir par un coup d'Etat militaire en 1996.

Aussi bien le FDD que le FNL ont refusé de participer aux accords de paix qui se conclurent en Tanzanie en août 2000. Ils exigent le démantèlement de camps de « concentration » (les camps où le gouvernement a parqué des milliers de civils Hutu, soi-disant pour assurer leur protection), la libération des prisonniers politiques et la réforme de l'armée.

Le FDD, plus important, a réagi aux accords en menant des attaques contre des civils. Il y a eu également des accrochages entre les partisans du FDD et l'armée dans de nombreuses régions dans toute la partie est du Burundi, en dehors de leur zone habituelle d'opérations dans le sud-est du pays. Selon des rapports de l'AFP, approximativement 130 civils, 200 rebelles et 50 soldats loyalistes ont été tués. Plus de 2.000 personnes fuyant les attaques ont été obligées de se réfugier dans la province de Muyinga, au nord-est du pays.

Le FDD a fait la une de la presse internationale en prenant en otage des écoliers, tout d'abord une douzaine d'élèves d'école primaire, puis entre 250 et 300 adolescents d'un internat. La plupart des élèves s'échappèrent, bien qu'il ait été affirmé que certains parmi les plus âgés aient été enrôlés de force dans la milice rebelle.

Nelson Mandela espère amadouer les politiciens Hutu et par leur intermédiaire les contacts dont ils disposent dans le FDD et le FNL, en avançant la promesse d'une aide occidentale. Après les conversations téléphoniques de Mandela avec le président français Jacques Chirac, la Commission Européenne a été incitée à un accord d'aide de 65 millions d'euros (58 millions de dollars) au Burundi, qui est censé être consacré aux projets d'infrastructures et à la réduction de la pauvreté. Les donateurs occidentaux ont promis l'an passé une aide de 440 millions de dollars, bien qu'il semble que seulement une petite partie de cette somme ait été concrétisée. Le plus gros de l'aide a été arrêté dans les années 1990 et l'économie du Burundi, en particulier la production de café, s'est pratiquement écroulée suite à la guerre civile.

Il semble également que l'Afrique du Sud soit en pourparlers directs avec le FDD et le FNL, même si le FDD est censé être opposé aux médiateurs sud-africains, lui préférant une initiative basée sur la France par l'intermédiaire du président gabonais Omar Bongo. On prétend que les deux groupes rebelles se rendent régulièrement en Afrique du Sud pour tenir des discussions avec l'équipe de Mandela et avec « l'expert de résolution des conflits », Jan Van Eck, un ancien député du Congrès National Africain (ANC), maintenant basé à l'Université du Cap en Afrique du Sud.

L'engagement de 700 soldats sud-fricains est un signe de changement de cap de la part du gouvernement ANC. Depuis l'arrivée au pouvoir de l'ANC en 1994, la puissante armée sud-africaine n'est presque pas intervenue en dehors du pays. En 1998, des militaires ont été envoyés pour étouffer la rébellion au Lesotho, mais ce minuscule Etat est pratiquement un protectorat sud-africain. L'année dernière, les militaires sud-africains ont effectué des missions de sauvetage lors des inondations au Mozambique.

Le Financial Times prétend que l'expédition sud-africaine lourdement armée ne protégeait que quatre « libérés » Hutu et l'Independent Online a affirmé que Jean Minani, un leader FRODEBU de premier rang, n'avait pas utilisé les forces sud-africaines pour sa propre protection. Les troupes sont supposées montrer à l'élite du Burundi comment bâtir sa propre « force de protection » de 1.000 soldats, constituée à égalité de Hutu et de Tutsi, en se servant comme modèle de l'expérience sud-africaine d'intégration de soldats noirs et de soldats blancs.

Les politiciens extrémistes Tutsi, opposés au processus de paix, ont protesté contre la « décision d'envoyer des forces d'occupation au Burundi », déclarant qu'elles avaient été envoyées pour « assurer la protection des gens qui avaient commis un génocide ». Certains d'entre eux ont même demandé que des attaques soient menées contre les Sud-Africains.

Toutefois, il est significatif que l'Afrique du Sud ait rapidement pris l'initiative de la force de protection, alors que Mandela usait de son autorité pour obtenir l'accord du parlement. Les Nations unies ont refusé de soutenir l'intervention sud-africaine à cause de l'absence d'un accord de cessez-le-feu, bien qu'elles aient « fait bon accueil » à la constitution du gouvernement transitoire. Aux côtés des Sud-Africains, il était entendu que d'autres contingents du Nigeria, du Sénégal et du Ghana seraient présents mais ils ne sont toujours pas arrivés parce que ces pays ont exprimé leur inquiétude devant l'absence d'un cessez-le-feu.

Bien qu'étiquetée mission de maintien de la paix, cette incursion au coeur de l'Afrique Centrale ne peut qu'être considérée comme un développement d'intérêts impérialistes dans la région, tout particulièrement parce que la guerre civile actuelle au Burundi est un facteur essentiel de la continuation des combats dans le pays voisin, la République Démocratique du Congo (RDC).

Le processus de paix dans la République Démocratique du Congo semble maintenant bloqué, malgré la volonté du président Joseph Kabila - arrivé au pouvoir après l'assassinat de son père - d'ouvrir les énormes ressources minières du pays aux sociétés occidentales. L'intervention militaire de l'Afrique du Sud augmentera la pression sur les régimes et sur les milices impliquées dans la guerre du Congo - y compris les forces rebelles du Burundi - une démarche calculée, et sans doute, discutée lors des pourparlers de la mi-novembre entre Mandela et le président américain George W. Bush.


 

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