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Le gouvernement du Québec cherche à redorer son blason aux dépens du mouvement anti-guerre

Par Richard Dufour
25 février 2003

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À quelques mois d'une élection provinciale, le parti de la grande entreprise qu'est le Parti Québécois (PQ) cherche à faire oublier l'assaut frontal qu'il a lancé au cours des neuf dernières années sur les acquis sociaux de la classe ouvrière en s'associant de façon hypocrite au mouvement anti-guerre.

L'occasion de cette opération de récupération politique a été la conférence spéciale du Comité des jeunes du PQ qui prenait fin dimanche dernier, soit le lendemain des grandes marches internationales contre la guerre.

Dans le discours de clôture à cette conférence, le premier ministre Bernard Landry a fait référence aux 150.000 manifestants anti-guerre qui avaient défilé la veille au centre-ville de Montréal, pour en déduire que «sauf votre respect, les Québécois constituent une nation». Le sentiment anti-guerre plus largement répandu au Québec que dans le reste du Canada, a soutenu Landry, allait «mener les gens à tirer ... la conclusion que le Québec doit devenir souverain». Le premier ministre péquiste est allé jusqu'à dire qu' «il n'y a pas de pays dans l'occident, toutes proportions gardées, qui se soit montré autant attaché à la paix mondiale que le nôtre».

Le plus frappant, dans ces propos, ce n'est pas la promotion de la souveraineté du Québec en tant que telle. À l'approche d'une échéance électorale, le PQ traîne dans les sondages après qu'il se soit avéré, après neuf ans de pouvoir, entièrement dédié à un programme néo-libéral de coupures budgétaires et de baisses des charges fiscales visant à favoriser un climat «propice aux affaires».

Si le parti le plus nationaliste de la classe dirigeante québécoise cherche à ranimer la flamme souverainiste, c'est pour détourner l'attention de son bilan définitivement anti-ouvrier et chercher à se distinguer des autres partis de l'establishment.

Mais au-delà de l'échéance électorale, le PQ révèle une fois de plus sa fonction politique propre, qui a historiquement fait de lui un instrument si utile aux intérêts de l'élite dirigeante québécoise: son effort systématique pour détourner tout mouvement populaire d'opposition à l'ordre existant dans le cul-de-sac du nationalisme. Il jouit dans cette opération-sabotage du soutien de son parti frère sur la scène fédérale, le Bloc Québécois (BQ), qui a lancé ces dernières semaines une campagne bruyante dénonçant une guerre américaine contre l'Irak... ou plutôt une qui n'aurait pas l'aval des Nations Unies.

Mais que les arguments avancés par le chef péquiste soient aussi grossiers, voilà le signe indéniable d'un parti nageant en pleine crise et prêt à dire n'importe quoi pour s'en sortir. Les émissions de nouvelles télévisées qui rapportaient dimanche dernier les propos de Landry sur l'attachement «supérieur» des Québécois pour la paix dans le monde enchaînaient avec les images des deux millions de Londoniens, ou des trois millions de Romains, ou d'un autre contingent des dix millions de gens ayant manifesté la veille à travers le monde pour condamner la guerre en Irak.

La tentative peu subtile du PQ de s'approprier politiquement le sentiment anti-guerre exprimé dans ces manifestations, en entourant d'une aura celles ayant pris place au Québec, reflète d'une part la recherche aveugle de «vitalité nationale» propre à tout mouvement séparatiste national. Elle vise plus fondamentalement à masquer l'extrême dépendance du projet souverainiste québécois sur la force la plus déstabilisatrice au monde, l'impérialisme américain.

Le fondateur du PQ René Lévesque, rappelons-le, n'a pas ménagé ses efforts dès le début pour rassurer Washington, lors de rencontres régulières avec des diplomates américains, que son parti ne menaçait aucunement les intérêts américains.

À la fin des années 80, l'establishment du PQ a pesé de tout son poids pour pousser le Canada, d'abord à signer un accord de libre-échange avec les États-Unis, puis à l'étendre quelques années plus tard au Mexique.

Lors de la campagne autour du référendum de 1995, le PQ/BQ a explicitement associé le projet de la séparation du Québec d'avec le Canada aux plans de la grande entreprise québécoise pour partir à la conquête des marchés internationaux. Le premier acte d'un Québec indépendant, ont insisté les ténors souverainistes, serait de faire application pour devenir membre de l'ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain), de l'OTAN, et de NORAD, l'organisation militaire américano-canadienne responsable de la défense aérospatiale des États-Unis et du Canada.

Québec se tient depuis aux premières loges de la campagne de Washington visant à établir, aux dépens de ses rivaux européens et japonais, et sous sa propre domination, une forteresse protectionniste de toutes les Amériques, dénommée Zone de libre-échange des Amériques. Le dernier sommet à avoir réuni les chefs d'état du continent sur cette question s'est tenu en avril 2001 nulle part d'autre qu'à Québec, capitale politique de la province.

Quant aux prétentions anti-guerre des nationalistes québécois, elles ne pèsent pas lourd. La position officielle du Bloc Québécois, qui rejoint en l'occurrence celle de la France ou de l'Allemagne, est qu'une guerre de pillage contre l'Irak serait tout à fait acceptable si elle pouvait se faire sous le couvert de cet organisme international entièrement asservi aux intérêts des grands de ce monde qu'est l'ONU.

Dans son discours devant les jeunes péquistes, Landry a pompeusement déclaré qu'un Québec indépendant revendiquerait un siège au Conseil de sécurité de l'ONU pour y défendre une position de principe en faveur de la paix. Mais lorsqu'on lui a demandé peu après en conférence de presse s'il y avait aujourd'hui la possibilité d'un conflit ouvert avec le gouvernement canadien, dans une référence transparente à la crise de conscription ayant opposé Québec à Ottawa dans chacune des deux guerres mondiales, Landry s'est empressé de répondre qu'il n'était pas question pour son gouvernement de provoquer une crise du même genre au sein du Canada autour de sa participation à une guerre américaine contre l'Irak. En termes clairs, son «opposition» à la guerre s'évaporera en fumée au moment décisif.

Les raisons de la position pro-américaine du Québec ont d'ailleurs été présentées dans le discours même de Landry: «Nous sommes profondément nord-américains» car «nous voulons faire des affaires dans le monde».

Autrement dit, dans le contexte actuel de féroce compétition sur les marchés mondiaux, Québec fait le pari de pouvoir mieux tirer son épingle du jeu en sortant, formellement ou en fait, du giron canadien pour se mettre sous l'aile protectrice de Washington.

Les politiciens de l'establishment peuvent bien débattre des chances de succès d'un tel pari. Mais l'alignement de la classe dirigeante québécoise, toutes tendances politiques confondues, sur les positions de Washington demeure un fait incontestable.


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