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La tension monte entre le gouvernement du Québec et les employés de l'État

Par Richard Dufour
24 septembre 2005

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Le renouvellement des conventions collectives du secteur public québécois est vu par le gouvernement Charest comme une occasion d'accélérer son assaut sur les salaires et les conditions de travail des employés de l'État, rallumant la colère populaire suscitée par son programme de droite et soulevant dans les milieux dirigeants les craintes d'un «automne chaud».

Les quelque 500.000 employés qui assurent péniblement le fonctionnement des hôpitaux, écoles, cégeps et organismes gouvernementaux de la province, sont sans contrat de travail depuis juin 2003. Le gouvernement libéral leur offre une hausse salariale globale de 12,6 pour cent sur six ans, répartie ainsi: un gel des salaires les deux premières années, 2 pour cent d'augmentation chacune des quatre années suivantes, de 2 à 3 pour cent en équité salariale et de 1 à 2 pour cent en mesures de rétention du personnel. Le montant total de 3,2 milliards de dollars donnerait en moyenne à chaque employé environ $20 bruts de plus par semaine pour les six prochaines années.

En plus de cette érosion majeure du pouvoir d'achat(l'inflation dépasse déjà les six pour cent depuis la fin du contrat en juin 2003), le gouvernement cherche à empirer les conditions de travail. Alors que les enseignants revendiquent de longue date une diminution de la taille des classes, les représentants gouvernementaux veulent exclure cette question des négociations sectorielles au profit d'ententes locales couvrant également la surveillance des activités parascolaires. Cela aura pour effet de renforcer les disparités dans le réseau public de l'éducation, les commissions scolaires plus riches offrant des conditions propices à l'enseignement, tandis que les enseignants oeuvrant dans les quartiers pauvres en auront par-dessus la tête. En ramenant la négociation de ces questions au niveau local, le gouvernement cherche également affaiblir la position des travailleurs.

Quant aux travailleurs du réseau de la santé, ils risquent déjà, suite à la fusion des centres hospitaliers avec les CLSC [1] et les centres de soins de longue durée, de se faire balloter d'un département à l'autre, voire d'un établissement à l'autre, sans égards à leurs qualifications ou préférences. Cette fusion d'établissements aux vocations différentes a été décrétée par le gouvernement avant même le début des présentes «négociations». En levant les restrictions sur l'affectation du personnel, elle va accroître la précarité de l'emploi dans un secteur où près de la moitié des employés occupent des postes à temps partiel.

La ligne dure adoptée par le gouvernement envers ses employés - refusant net de bouger sur son offre salariale tout en légiférant pour imposer de nouvelles relations de travail sur le terrain - reflète son caractère de classe, à savoir: un gouvernement entièrement voué à préserver les intérêts de l'élite dirigeante. La seule chose qui compte pour celle-ci c'est de créer les conditions pour une accumulation plus rapide des profits, ce qui signifie: ouvrir des pans entiers des services publics à la sous-traitance sinon la privatisation, relâcher les normes de protection en matière d'environnement et de santé-sécurité au travail, transformer les bénéficiaires de l'aide sociale en source de main-d'oeuvre à bon marché.

Tel est le contenu essentiel de la politique suivie non seulement par l'actuel gouvernement libéral du Québec, mais aussi par son prédécesseur du Parti québécois qui a drastiquement réduit les dépenses sociales au nom du «déficit zéro», sans oublier le gouvernement fédéral qui a passé au couperet les allocations de chômage et les paiements de transfert servant au financement des programmes provinciaux de la santé, de l'aide sociale et de l'éducation post-secondaire.

Cet assaut sur l'État-providence est mené parallèlement à une campagne pour réduire massivement l'impôt sur le revenu, campagne faite sur mesure pour les plus fortunés et destinée à priver les gouvernements des fonds requis pour le financement de programmes sociaux universels. Un élément central du programme gouvernemental de Charest - dont l'application a été d'ailleurs ralentie par l'opposition populaire - est de réduire les impôts d'un milliard additionnel par année pendant cinq ans, pour une réduction totale de 15 milliards de dollars. Dans ce contexte, le refrain du gouvernement pour justifier sa misérable offre aux employés du secteur public - «il n'y a pas d'argent» - est peu crédible. Selon un sondage réalisé le mois dernier, une majorité de Québécois (six sur dix) appuie les revendications des employés de l'État.

La réaction du gouvernement a été d'intensifier ses efforts visant à dresser une section des travailleurs contre une autre. Les négociateurs gouvernementaux ont reçu l'ordre de forcer la main des syndicats d'enseignants et de fonctionnaires (qui ont déjà accepté l'essentiel de l'offre salariale) afin d'en arriver à une entente séparée sur le volet des conditions de travail.

L'autre contingent syndical impliqué, le front commun CSN-FTQ [2] représentant la majorité des employés du secteur public, a commencé par refuser l'offre salariale du gouvernement, demandant 12 pour cent sur trois ans. Hier, il a essentiellement capitulé devant le gouvernement, offrant de régler pour des augmentations de 13,5 pour cent sur cinq années.

Il a exercé des moyens limités de pression, y compris une grève du personnel de soutien d'une journée dans certains cégeps et d'une autre journée dans les écoles. Le front commun a cependant reporté une troisième journée d'action sous le prétexte que des «avancées substantielles aux tables de négociation ont eu lieu dans les derniers jours» - ce qui a été immédiatement démenti par les porte-parole du gouvernement.

Les directions syndicales se rejoignent sur un point central: éviter toute confrontation qui pourrait échapper à leur contrôle et remettre en question la légitimité politique du gouvernement Charest. «Il y a 15 ou 20 ans, on passait plus vite à la grève générale», a reconnu Henri Massé, le président de la FTQ, la plus grande des centrales syndicales de la province. «Aujourd'hui, je pense qu'on se donne un peu plus de chances de régler [à l'amiable]».

Plus que les mots, ce sont les actions des chefs syndicaux qui font d'eux des partenaires à part entière du gouvernement. Les directions syndicales ont activement participé au démantèlement des services publics et sociaux, soutenant sans réserves la campagne du gouvernement péquiste Bouchard-Landry pour le «déficit zéro». Elles ont proposé au gouvernement le programme de pré-retraite pour éliminer des dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public.

Même si elle adopte une rhétorique qui lui donne l'air d'être opposé au gouvernement Charest, la bureaucratie syndicale cherche systématiquement à dérailler tout mouvement d'opposition. En décembre 2003, après un soulèvement largement spontané des travailleurs contre la politique de démolition sociale du gouvernement libéral nouvellement élu, les chefs syndicaux se sont empressés de mettre un terme au mouvement en promettant de le relancer après les fêtes - promesse vite balayée sous le tapis. Plus tôt cette année, lors d'une longue grève générale des étudiants post-secondaires à travers la province, qui posait un défi au programme de guerre de classe du gouvernement, Massé a volé au secours de Charest, affirmant que «les associations étudiantes devront faire des compromis». Ensuite les syndicats ont utilisé leur poids financier et leurs liens de longue date avec le gouvernement pour aider ce dernier à mettre un terme à la grève étudiante et faire rentrer les étudiants en classe. Les dirigeants syndicaux craignaient que le mouvement des étudiants soit l'étincelle d'une mobilisation de la classe ouvrière, en commençant par les travailleurs du secteur public.

Plus fondamentalement, la bureaucratie syndicale défend l'ordre établi en attachant les travailleurs à l'autre parti politique de la grande entreprise sur la scène provinciale qu'est le Parti Québécois.

Telle est cependant la colère accumulée contre le programme de droite du gouvernement Charest, non seulement parmi les employés du secteur public mais dans le monde du travail en général, que la bureaucratie syndicale risque d'avoir du mal à contenir l'opposition venant de la base. Comme l'a récemment avoué une présidente de fédération de la CSN, Ginette Guérin: «L'impatience se fait sentir de plus en plus chez nos membres». Si un tel mouvement d'opposition devait éclater, il serait immédiatement confronté à la nécessité d'adopter une perspective diamétralement opposée à celle de la direction officielle des syndicats, une perspective socialiste basée sur la lutte politique consciente pour réorganiser la société autour de la satisfaction des besoins sociaux de la majorité et non l'accumulation des profits d'une minorité.

Notes :
[1] Centre local de services communautaires
[2] Centrale des syndicats nationaux - Fédération des travailleurs du Québec

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