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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Une conférence internationale souligne le sort des réfugiés irakiens

Par James Cogan
25 avril 2007

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Une conférence internationale sur la crise humanitaire qu’a provoquée l’invasion de l’Irak a eu lieu le 17 et 18 avril à Genève, en Suisse. Ce forum a discuté d’un document préparé par des organisations non-gouvernementales (ONG) qui ont recensé les besoins en « aide et en protection immédiate » de plus de huit millions d’Irakiens.

Ce document se lit comme un acte d’accusation envers l’occupation américaine. « Alors qu’une violence horrible domine la vie de millions de gens ordinaires en Irak, la vie de centaines de milliers d’autres est touchée durement par le déplacement, la malnutrition, la pauvreté chronique et la maladie, en augmentation depuis quatre années. L’absence de sécurité qui caractérise la plus grande partie de l’Irak a eu pour résultat d’immenses privations et un déni des droits fondamentaux. Le peuple de l’Irak a droit à l’aide humanitaire, mais ce droit a été négligé », déclare-t-il.

Les données présentées à la conférence sont ahurissantes si l’on considère que l’Irak était une des nations les plus développées du Moyen-Orient. Plus de 50 pour cent de la population dispose de moins d’un dollar par jour. Au moins quatre millions de personnes sont déclarées comme « ayant une alimentation incertaine », ce qui signifie qu’elles sont au bord de la famine. Il est estimé que 28 pour cent des enfants irakiens souffrent de malnutrition et que 10 pour cent souffrent de maladies, chroniques ou non. L’Irak a maintenant le taux de mortalité le plus élevé au Moyen-Orient pour les enfants de moins de cinq ans.

Si le document mentionne la violence à laquelle font face les Irakiens, il ne parle pas concrètement du nombre de morts ou de blessés causé par l’occupation américaine. Tant les forces américaines que le gouvernement irakien ont refusé de rassembler ou de publier de telles données statistiques. Un sondage indépendant réalisé par l’Université John Hopkins était lui, arrivé à un estimé de 655 000 morts entre mars 2003 et juin 2006, soit environ 2,5 pour cent de la population d’avant l’invasion.

Les troupes d’occupation sont directement responsables d’un tiers environ de ces morts. L’invasion américaine est aussi responsable des conflits religieux qui ont entraîné en Irak la mort de centaines de milliers de personnes. Les extrémistes parmi les sunnites, le groupe dont les membres formaient la majorité des classes hautes et moyennes avant l’invasion et qui a été marginalisé sous le régime américain, ont entrepris une campagne meurtrière contre les chiites, leur faisant porter la responsabilité du gouvernement fantoche de Bagdad, dominé par les partis chiites. Les milices chiites, plusieurs d’entre elles intégrées aux forces de sécurité irakiennes entraînées et équipées par les Etats-Unis, se vengent en tuant des sunnites sans distinction.

Le danger quotidien d’être tué ou blessé, conjugué à la catastrophe sociale qui pèse sur le peuple irakien, a poussé deux millions de personnes au moins à fuir le pays. Il est estimé que 1,9 million de personnes, forcées à quitter leur domicile par la violence et la pauvreté, sont déplacées à l’intérieur du pays même.

La majorité de ceux qui ont quitté le pays sont des personnes ayant des ressources financières. On pense que près de 40 pour cent de la classe moyenne irakienne, des professions à formation universitaire telles que médecins, enseignants, ingénieurs et cadres, auraient quitté le pays plutôt que de continuer à risquer leur vie dans les villes irakiennes. Les Irakiens sont ceux qui déposent actuellement le plus de demandes d’asile au monde.

On pense que près de 1,2 million d’Irakiens auraient trouvé refuge en Syrie, un pays voisin où, jusqu’à maintenant, il avait été possible d’entrer assez facilement et d’avoir accès à certains services sociaux. La Jordanie, qui borde aussi l’Irak, a accueilli, elle, plus de 750 000 émigrés. Plus de 100 000 Irakiens ont trouvé refuge en Egypte. 200 000 autres ont fui dans les Etats du Golfe comme l’Arabie Saoudite, le Koweït, les Emirats arabes unis et le Qatar. Près de 50 000 vivent présentement en Iran et 40 000 au Liban.

La Syrie, un pays de seulement 16 millions d’habitants, se voit transformée par l’émigration irakienne. Selon le vice-premier ministre syrien pour les Affaires économiques, Abdallah Dardari, l’immigration des réfugiés irakiens a fait augmenter la population de 7 pour cent. La consommation d’électricité a bondi de 16 pour cent à Damas durant les douze derniers mois. On a donné à certains quartiers de la capitale syrienne des surnoms comme « Petit Fallouja » ou « Petit Mossoul », du nom des villes d’où sont originaires les milliers d’exilés irakiens qui s’y sont fixés.  

Près de 40 000 Irakiens passent la frontière syrienne chaque mois. Dardari a déclaré à la BBC : « Cet afflux a un effet négatif sur l’économie syrienne et a intensifié la pression sur les ressources nationales. » Plus de 75 000 enfants irakiens sont inscrits dans les écoles syriennes. Le gouvernement syrien évalue que les soins et l’éducation des réfugiés lui coûtent un milliard de dollars par an. Lors de cette conférence qui s’est tenue la semaine dernière, il a lancé un appel pour une aide d’urgence de 256 millions de dollars.

Le gouvernement de la Jordanie a lui aussi lancé un appel pour qu’on lui octroie une aide financière. Les réfugiés irakiens ont fait grossir la population de ce pays de plus de 10 pour cent. Nombreux sont ceux dont les visas temporaires sont échus et qui vivent dans la crainte de se faire déporter. Le régime jordanien prend des mesures de plus en plus punitives alors que le flot des réfugiés intensifie les pressions économiques. Beaucoup ont épuisé leurs ressources et sombrent inexorablement dans la pauvreté. On empêche maintenant les Irakiens âgés entre 20 et 40 ans d’entrer dans le pays. Ceux à qui l’on permet d’entrer doivent prouver qu’ils ont assez d’argent pour se soutenir. Un permis de travail de douze mois, pour ceux qui peuvent se le procurer, coûte 225 dollars, soit l’équivalent du salaire mensuel payé par beaucoup d’emplois, ce qui est inabordable pour beaucoup de réfugiés.

La majorité des réfugiés en Syrie et en Jordanie sont des Arabes sunnites fuyant l’Irak suite à leur marginalisation sous l’occupation américaine. L’inquiétude que la population de plus en plus volatile de réfugiés irakiens ne vienne déstabiliser les pays du Moyen-Orient est un facteur majeur dans l’attention accordée à cette crise au niveau international.

En novembre dernier, Kenneth Pollack et Daniel Byman de l’Institut Brooking des Etats-Unis ont écrit en collaboration un article pour l’Atlantic Monthly intitulé « Les réfugiés irakiens: le déplacement des conflits ».

Cet article disait : « Trop souvent, lorsqu’un grand nombre de réfugiés se déplace, l’instabilité et la guerre suivent de près… La plupart des réfugiés irakiens ne sont pas dans des camps, mais dispersés au sein de la population locale. Mais les réfugiés, qu’ils soient dans des camps ou non, peuvent aussi éroder le pouvoir de l’intérieur, en fomentant la radicalisation des populations locales et en encourageant la rébellion contre le gouvernement d’accueil. Le fardeau de la prise en charge de centaines de milliers de réfugiés est lourd, épuisant les capacités administratives du gouvernement et pouvant même saper le soutien de la population pour les régimes perçus comme faibles, indifférents ou insensibles. Et la présence soudaine de combattants armés ayant des aspirations révolutionnaires peut mener les clans locaux mécontents ou des coreligionnaires à se joindre aux réfugiés contre leur propre gouvernement, en particulier lorsque l’afflux de groupes ethniques ou religieux bouleverse un équilibre démographique délicat, comme ce serait vraisemblablement le cas chez certains pays voisins de l’Irak. »

Pollack et Byman mettent aussi en garde contre le fait que le régime baasiste syrien, la monarchie pro-américaine de Jordanie et la monarchie saoudienne pourraient s’avérer particulièrement vulnérables face au défi posé par les extrémistes sunnites si ceux-ci gagnaient le soutien des émigrés irakiens. L’élite sunnite du Koweït est potentiellement menacée par l’afflux de réfugiés chiites en provenance du sud de l’Irak et qui « pourraient inciter les chiites du pays à se soulever contre l’élite dirigeante sunnite ».

Au cours des derniers mois, le New York Times et le Financial Times de Grande-Bretagne ont publié des éditoriaux demandant que les gouvernements Bush et Blair fournissent les ressources nécessaires pour que les organisations d’aide aux réfugiés puissent ne serait-ce que commencer à fournir une assistance à la population déplacée de l’Irak. Le haut-commissariat pour les réfugiés de l’ONU, par exemple, a demandé un fond d’urgence de 60 millions, un montant qui, comme le note le Financial Times, correspondrait à la somme dépensée en cinq heures par le Pentagone pour une occupation qui n’est même pas en mesure d’assurer la sécurité et une reconstruction qui permet tout juste de rétablir la lumière. »  

Ces avertissements sinistres et les énormes problèmes auxquels font face les Irakiens tels qu’ils furent décrits à la conférence, contrastent fortement avec l'aide pitoyable offerte aux réfugiés irakiens. Sur 60 millions de dollars seulement 9,1 millions ont été versés.

L’administration Bush, responsable de ce désastre humanitaire, n’a pas répondu à l’appel à l’aide de la Syrie et de la Jordanie.  Durant les quatre dernières années, les Etats-Unis n’ont relocalisé que 466 réfugiés irakiens. En réponse aux condamnations tant intérieures qu’internationales, l’administration Bush a annoncé en février 2007 que 7 000 Irakiens seraient admis aux Etats-Unis cette année, soit moins que le nombre adopté par la Suède en 2006.

(Article original paru le 23 avril 2007)

Lire aussi :

Des centaines de milliers de personnes manifestent en Irak pour obtenir la fin de l’occupation américaine [12 avril 2007]

La guerre en Irak et le développement de crises politiques et sociales [11 avril 2007]


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