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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Des divisions éclatent au sein du Parti socialiste

Par Antoine Lerougetel et Peter Schwarz
2 juillet 2007

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Suite à la défaite aux élections présidentielles et législatives, on est à couteaux tirés au Parti socialiste (PS). Le Conseil national du parti qui s’est tenu le week-end dernier à Paris a été dominé par de vives divisions entre le camp de la candidate présidentielle Ségolène Royal et l’appareil du parti, conduit par son ancien compagnon François Hollande, premier secrétaire du PS. De nombreux délégués parmi les 306 présents au Conseil ont attaqué Royal qui, quant à elle, a désavoué le parti en refusant d’assister à la réunion de sa plus haute instance.

Durant la campagne présidentielle, Royal a conduit le Parti socialiste encore plus à droite. Elle a accueilli à bras ouverts le nationalisme et la rhétorique sécuritaire de son rival gaulliste Nicolas Sarkozy et fait des avances au politicien de centre droit François Bayrou, ancien allié des gaullistes. Elle est allée jusqu’à suggérer qu’elle pourrait nommer Bayrou premier ministre si elle venait à gagner l’élection présidentielle.

Après sa défaite du 6 mai, son programme est apparu avec encore plus de clarté : rupture avec les alliés traditionnels de « gauche » du Parti socialiste, à la faveur d’une alliance avec le parti nouvellement formé de Bayrou, le Mouvement démocratique (MoDem), et changement de la ligne officielle du parti dans une direction plus ouvertement pro-capitaliste et blairiste.

La semaine dernière, Royal est allée encore plus loin et a répudié publiquement son propre programme électoral. Elle a dit aux médias que deux points centraux de sa plateforme – le smic (salaire minimum mensuel ) à 1500 euros brut et la généralisation de la semaine de 35 heures n’étaient « pas crédibles » et n’avaient été inclus dans sa campagne qu’à l’insistance du parti.

Manuel Valls, l’un des rares délégués à défendre Royal au Conseil national, n’a laissé aucun doute quant à l’orientation politique du camp de Royal. Dans un discours qui aurait pu être prononcé par Sarkozy, il a attribué la défaite du PS à son orientation insuffisamment droitière.

« Faute d’avoir un discours réaliste sur la mondialisation, le PS a perdu sa crédibilité auprès des classes populaires qui se sentent les plus menacées par les délocalisations économiques et les flux migratoires » a dit Valls. « Sur la question du travail, nous n’avons pas saisi l’essentiel, le besoin de valorisation, de juste rétribution du travail en fonction du mérite que Nicolas Sarkozy a capté. »

Il a continué en exaltant le tout sécuritaire et en attaquant les immigrés. « L’anti-sécuritaire, l’empathie avec les déviances nous ont profondément éloignés de notre électorat populaire qui est la victime directe de la violence. L’anti-sécuritaire ne doit plus être le signe de ralliement de notre famille », a-t-il déclaré au conseil national et « Il faut arrêter de croire que l’immigration non maîtrisée ne participe pas aussi à la déstructuration des plus modestes, Français et immigrés compris. » Il s’est opposé aux « régularisations massives » et a appelé à « la vigilance sur les procédures de mariage » parmi les immigrés.

Il avait vraiment fallu attendre longtemps avant de voir pointer une opposition, même faible, de la part de la direction du Parti socialiste à cette ruée à droite. Royal, soutenue par les médias, se préparait à prendre la direction du parti. Le quotidien conservateur Le Figaro a écrit que Royal « est désormais engagée dans la course pour la direction du PS, et plus largement, pour le leadership de l’opposition à Nicolas Sarkozy. »

Royal a fait campagne pour un renouvellement immédiat de la direction du PS, au lieu d’attendre le nouveau congrès qui se tiendra à l’automne 2008 après les élections municipales. Elle a fait savoir qu’elle-même était prête à prendre le poste de premier secrétaire du PS, occupé actuellement par Hollande. Elle a aussi demandé que le candidat du PS aux prochaines élections présidentielles de 2012 soit nommé immédiatement, se proposant à nouveau comme meilleure candidate.

Contournant la hiérarchie du parti, Royal a invoqué l’adhésion et le soutien des médias pour appuyer sa revendication de leader du parti. Un grand nombre des 300 000 nouveaux membres allégués ont adhéré au parti via Internet durant la campagne électorale de Royal. Il leur suffisait de payer 20 euros. Ils seraient partisans de Royal. La plupart ne se sont cependant pas manifestés depuis et n’existent que sur le papier.

Les officiels du parti ont finalement réagi à l’offensive de Royal après le second tour des élections législatives du 17 juin. Il y a là bien sûr un élément d’auto-préservation — la réaction d’un appareil contre un politicien qui, tout à fait dans le style américain, agit tout à fait indépendamment de toutes décisions du parti. Mais il y a aussi des raisons politiques profondes expliquant les raisons pour lesquelles la campagne de Royal s’est soudain embourbée.

Le second tour des élections législatives a révélé l’opposition de masse à la politique sociale droitière de Sarkozy. L’annonce imprudente, faite par le ministre de l’Economie Jean-Louis Borloo, du projet gouvernemental d’augmenter la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) de 5 pour cent a suffi à faire basculer toutes les prévisions du résultat des élections. Au lieu des plus de 400 sièges attendus, l’UMP gaulliste n’en a recueilli que 323 sur les 577 que compte l’Assemblée nationale. Le Parti socialiste, avec ses 205 sièges, a fait bien mieux que prévu.

Cela a servi d’avertissement, ou de rappel, que le Parti socialiste qui a si bien servi à contrôler la classe ouvrière, ces trois dernières décennies, pour la classe dirigeante française, peut encore servir. Liquider le parti suivant la ligne proposée par Royal créerait le danger de l’émergence d’un mouvement de la classe ouvrière en dehors du cadre politique actuel et qui prendrait une tournure révolutionnaire. 

La plupart des discours faits au Conseil national ont attaqué Royal sous cet angle. Martine Aubry, ancienne ministre, a dit : « Je ne crois pas que nous avons perdu parce que nous avons défendu le smic à 1500 euros, je crois que nous avons perdu parce que nous ne l’avons pas assez défendu, parce que nous n’avons pas assez défendu la répartition juste des richesses dans notre pays. » Henri Weber, fabiusien, à la « gauche » du PS, a attaqué les avances de Royal à François Bayrou. Il l’a réprimandée pour s’être opposée au smic à 1500 euros, qui « fut discuté et adopté à l’unanimité ».

Les différentes factions dans ce « parlement » des dirigeants et permanents nationaux et régionaux du PS ainsi que le bureau national se sont unies derrière Hollande. Il n’y aura pas d’élection anticipée pour la direction et Hollande restera à la tête du parti jusqu’à l’automne 2008. Une motion a été adoptée à cet effet avec seulement deux ou trois voix dissidentes. La plupart des sympathisants du camp Royal ont fait profil bas et voté en faveur de la motion de Hollande.

Pierre Mauroy, ancien premier ministre, a dit: « Le Parti socialiste est une grande organisation et ne sera pas pris d’assaut. » Jean-Luc Mélanchon, de la « gauche » du PS a déclaré : « le putsch a été avorté ».

Reconnaître que le Parti socialiste joue un rôle inestimable de soupape de sécurité dans la vie politique française ne devrait pas laisser penser qu’il a fait un virage à gauche. En fait, toutes les interventions les unes après les autres ont affirmé l’engagement du parti à défendre le capitalisme.

Hollande s’est exclamé : « Quand j’entends qu’il faudrait que nous fassions notre aggiornamento sur le marché ! Cela a été fait depuis longtemps, et sans doute depuis le début des années 80. » Bertrand Delanoë, maire de Paris, a assuré les délégués qu’« Etre socialiste aujourd’hui, c’est admettre que l’économie de marché n’est plus un objet de débat, c’est un fait. » Il a poursuivi, prenant la défense de l’immense accumulation de richesse déjà en possession de la classe capitaliste : « Oui, nous sommes pour le partage des richesses, mais nous savons qu’avant de les partager, il faut d’abord vouloir en créer, et, donc, s’en donner les moyens. »

Aubry s’est vantée de ce que le PS avait su « réconcilier la France et les Français avec le marché ». Et Weber a prôné un capitalisme mondialisé à visage humain : « Tous les socialistes européens ont à résoudre le même problème : comment maîtriser et humaniser le nouveau capitalisme, un capitalisme non plus national et industriel comme au siècle dernier, mais un capitalisme mondialisé et dominé par la finance. »

Alors que les personnalités du Parti socialiste se chamaillent sur la meilleure tactique à adopter pour empêcher la classe ouvrière de s’affranchir de la politique bourgeoise, Nicolas Sarkozy recrute dans son gouvernement des membres bien en vue du PS pour les confrontations à venir avec de larges couches de la population.

Suite à la défection du Parti socialiste de Bernard Kouchner, fondateur de Médecins sans frontières et à présent ministre des Affaires étrangères de Sarkozy, Fadela Amara, conseillère municipale PS de Clermont-Ferrand et militante sociale bien connue de la communauté immigrée, et Jean-Marie Bockel, blairiste auto-proclamée et maire PS de Mulhouse et sénateur du département du Haut Rhin, ont à présent rejoint le cabinet du premier ministre François Fillon.

Alors que Kouchner avait été immédiatement exclu du Parti socialiste, il n’y a pas eu de tollé au Conseil national contre les autres qui ont poussé les arguments de Royal jusqu’à leur conclusion logique en rejoignant le gouvernement de Sarkozy. Catherine Hoffart, déléguée PS de Mulhouse, a rapporté que « le départ de Jean-Marie Bockel a été pour nous un véritable séisme », mais que néanmoins la majorité municipale PS de Mulhouse « reste fidèle à Jean-Marie Bockel ».

Sarkozy lui-même a envoyé un message clair à ses sympathisants selon lequel recruter au gouvernement d’anciens membres du Parti socialiste ne signifie pas abandonner sa politique de droite. Prenant une mesure sans précédent, il a invité Jean-Marie Le Pen, dirigeant du Front national, à un entretien au palais présidentiel de l’Elysée, et ce, en dépit du fait que le Front national a fait son plus mauvais score électoral depuis le début des années 1980 et n’a pas de représentation au parlement. Les précédents présidents avaient toujours rejeté tout contact avec Le Pen. Il s’agit de la première invitation de cet ordre en 30 ans.

Par cet entretien à l’Elysée avec le néo-fasciste Le Pen, Sarkozy fait clairement passer le message à ses sympathisants de droite et aux forces de sécurité, parmi lesquelles le Front national compte de nombreux partisans, que le recrutement de personnalités de « gauche » ne signifie en rien un affaiblissement de son programme réactionnaire.

(Article original anglais publié le 30 juin 2007)

Lire aussi :

France: Sarkozy essuie un revers au deuxième tour des élections législatives [20 juin 2007]

Elections législatives en France : l’effondrement de la « gauche » [9 juin 2007]


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