wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Les syndicats votent la fin de la grève dans les transports

Par Alex Lantier
25 octobre 2007

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Les dirigeants syndicaux réunis le 22 octobre à Montreuil au siège de la CGT (Confédération générale du travail) en banlieue parisienne, ont voté pour remettre au moins jusqu’au 31 octobre tout nouvel appel à la grève contre le projet de suppression des régimes spéciaux de retraite. De telles grèves ne devraient pas se produire avant au plus tôt la mi-novembre. Cette décision couronne une campagne tenace, menée par les principales confédérations syndicales françaises, pour empêcher toute extension du mouvement de grève.  

Le 18 octobre, 75 pour cent des cheminots (SNCF) et 60 pour cent des travailleurs de la RATP (Régie autonome des transports parisiens), bus et métro, se sont mis en grève, paralysant fortement le pays. Un nombre important de gaziers et d’électriciens, 43 pour cent, selon la direction, à Electricité de France et Gaz de France, 80 pour cent, selon la CGT, était aussi en grève. Ces grèves massives ont été plus importantes que celles de 1995 qui avaient contraint le premier ministre de l’époque, Alain Juppé, à éliminer de nombreuses dispositions de sa réforme des retraites, qui cherchait aussi, en grande partie, à détruire les régimes spéciaux.

Mais, dès lundi les grèves avaient fortement diminué. Il était attendu que les grèves reconduites sur les lignes de chemin de fer de banlieue en région parisienne prennent fin après que la fédération syndicale SUD-RATP ait annoncé qu’elle mettrait fin à son appel à reconduire la grève mercredi. Une puissante mobilisation de centaines de milliers de travailleurs a fondu comme neige au soleil en quelques jours.

Les syndicats et le mouvement de grève

Ces événements sont une démonstration classique de la manière dont la direction syndicale est capable, en l’absence d’une direction du mouvement ouvrier qui soit politiquement indépendante, d’étouffer une lutte de la classe ouvrière. Les principaux objectifs de la bureaucratie syndicale ont été de décourager les grévistes, de les séparer politiquement des autres travailleurs et d’empêcher toute lutte politique contre le gouvernement – avec lequel elle est en fait restée en contact étroit pendant la grève.

Telle est la stratégie politique fondamentale des syndicats depuis l’élection du président Nicolas Sarkozy au début du mois de mai 2007. Durant l’été, Sarkozy a rencontré à maintes reprises les directions syndicales des principales fédérations, CGT, CFDT (Confédération française et démocratique du travail) et FO (Force ouvrière), reconnaissant même avoir eu des déjeuners en tête à tête, dans des restaurants chics, avec le dirigeant de la CFDT François Chérèque et de FO Jean-Claude Mailly.

Les mesures les plus provocatrices de Sarkozy contre les travailleurs du secteur public pendant l’été, soit la suppression de plus de 22 000 postes dans le secteur public et la loi obligeant la mise en place de plans de « service minimum » en cas de grève des transports en commun, ont provoqué des grincements de dents, mais aucun mouvement de grève.

Les syndicats ont été contraints d’organiser la mobilisation actuelle du fait de la déclaration du premier ministre François Fillon le 9 septembre dernier de mettre fin aux régimes spéciaux en une seule réforme rapide, qui, a-t-il affirmé, était « prête et simple à faire ». Sarkozy et Fillon ont essayé par la suite de battre le tambour pour des réductions des retraites en dénonçant de façon démagogique le fait que les retraites des travailleurs du secteur public sont plus élevées que celles des agriculteurs. Mais cela s’est retourné contre eux et renforcé le ressentiment des travailleurs du secteur public.

Mais les dirigeants des syndicats ont continué à soutenir la ligne politique du gouvernement après ces annonces. Le dirigeant de la CFDT, François Chérèque a déclaré que « si on ne fait pas évoluer ces régimes, ils seront en faillite et les retraites des personnels ne seront pas versées ». Le secrétaire de la CGT chargé des retraites, Jean-Christophe Le Duigou, a appelé à négocier « entreprise par entreprise, branche par branche » pour la mise en place de la réforme, espérant ainsi éviter une attaque générale sur les retraites, politiquement plus explosive, au moyen d’une loi ou d’un décret.

Les syndicats ont continué à promouvoir la ligne du gouvernement, même après le discours du 18 septembre de Sarkozy annonçant ses projets de réductions massives des dépenses sociales. Jean-Louis Malys, responsable des retraites à la CFDT, a dit au quotidien du Parti communiste, l’Humanité, le 29 septembre que « Le statu quo sur les régimes spéciaux paraît inimaginable. »

Néanmoins, les fédérations de cheminots se sont rencontrées et ont décidé le 1er octobre de planifier un mouvement de grève pour la mi-octobre, une « journée d’action » le 13 octobre et une grève d’une journée le 18 octobre.

La CGT, majoritaire chez les cheminots, a alors pris les rênes pour limiter la grève, en promouvant l’idée que la popularité de Sarkozy signifiait qu’il était politiquement intenable de s’opposer à l’orientation d’ensemble de ses réformes. Interrogé le 13 octobre, par le Journal du dimanche, sur la possibilité de voir se reproduire des grèves comme en 1995, le secrétaire de la fédération des cheminots CGT a dit : « Nous sommes dans un contexte différent, avec un corps social renouvelé et une opinion politique qui a bougé. » Il a dit toutefois espérer que « tous les ingrédients sont réunis pour que les salariés s'expriment de manière très forte » pendant les grèves.

Mais la CGT a vite subi des pressions de la part des autres syndicats, notamment de SUD-rail, second syndicat parmi les cheminots, pour faire du 18 octobre une grève reconductible. Dans une interview pour le quotidien Libération, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault a critiqué ceux qui prônaient la grève reconductible et a dit qu’ils « manquent d'expérience. » Les représentants de la CGT ont maintenu que l’opinion publique se retournerait contre une grève qui durerait plus de 24 heures.

Pendant les grèves qui ont commencé le 18 octobre, la CGT a oeuvré avec fermeté pour limiter l’étendue des grèves. Notamment dans les plus grands centres urbains (Paris, Lyon, Marseille) les cheminots, y compris ceux syndiqués à la CGT, ont voté le 18 octobre pour reconduire la grève. La bureaucratie de la CGT a boycotté ces assemblées générales.

Vendredi, la Fgaac (Fédération générale autonome des agents de conduite), syndicat des conducteurs de trains, qui avait jusque-là appelé à une grève reconductible, a négocié un accord avec le gouvernement et a mis fin à la grève. Le quotidien conservateur Le Figaro, a commenté, « l'amélioration du trafic n'a été possible que grâce à la sortie du mouvement de la Fgaac ». La CGT a alors publié des critiques hypocrites de la Fgaac dénonçant des « discussions en coulisse » avec le gouvernement.

Comme l’a indiqué le quotidien financier conservateur Les Echos : « Pour la CGT, le jeu est désormais délicat. Si elle a fait mine de s'étonner de ces "discussions en coulisse", elle a aussi profité du retrait de la Fgaac pour "sauver" sa grève carrée. » En un mot, la trahison de la direction de la Fgaac a aidé la CGT à contraindre les travailleurs à mettre fin à la grève.

La réunion du 22 octobre au siège de la CGT à Montreuil a simplement codifié ce qui était clair pour tout observateur politique, à savoir que les dirigeants des huit fédérations syndicales ne veulent pas appeler à la grève, car ils ont très peur qu’elle n’échappe rapidement à leur contrôle.

C’est à Chérèque de la CFDT qu’il a été donné de lancer la dernière salve d’insultes à l’égard des travailleurs. Il a dit lors d’une interview télévisée sur TF1 : « Aujourd'hui, excusez-moi l'expression, mais on emmerde tout le monde pour pas grand chose, on rend désagréable la vie de dizaines de milliers de personnes qui vont travailler, alors qu'en restant plus unis on est plus forts. » Cette « unité » dont il parle signifie l’unité avec la CFDT, qui n’a cessé d’appeler, tout au long de la grève, à davantage de négociations avec Sarkozy pour faire quelques retouches à ses réformes réactionnaires.

La « légitimité » de Sarkozy

On a beaucoup parlé récemment de la « légitimité » de Sarkozy en tant que président élu. Dans une interview au Monde le 17 octobre, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a fait remarquer que Sarkozy a « une légitimité, que personne ne conteste », mais a indiqué que puisque la grève n’était pas une « grève politique », cela ne devrait pas « conduire les syndicats à renoncer à leur mission. »

Dans les faits, des centaines de milliers de cheminots, de gaziers et d’électriciens et de travailleurs du secteur public ont directement mis en question la légitimité de Sarkozy en faisant grève contre la politique sociale de son gouvernement. Ceci a été, qui plus est, reconnu, le 18 octobre, par le dirigeant du parti néofasciste Front national, Jean-Marie Le Pen, qui a dénoncé « les syndicats de l'archéosocialisme [qui] paralysent le pays par une grève préventive et politique. »

Sarkozy a été élu en grande partie par défaut, du fait de l’écoeurement répandu face au Parti socialiste conservateur et impuissant et face à la soi-disant gauche toute entière en France, qui a fait la preuve de son influence néfaste. Sarkozy a promis toutes sortes de choses à toutes sortes de gens durant sa campagne électorale, mais de larges couches de la population n’ont pas voté pour leur propre appauvrissement ou l’appauvrissement d’autres travailleurs, ou pour la destruction de leurs droits sociaux fondamentaux. Sarkozy n’a aucun mandat pour détruire les acquis et les conditions de vie historiquement gagnés par la classe ouvrière française. Une lutte déterminée donnerait une direction à la population tout entière et révèlerait combien le régime est en réalité isolé. Et c’est précisément ce que les staliniens du Parti communiste de la CGT et les autres syndicats veulent éviter.

Les médias français débitent des sondages révélant qu’une majorité de Français (55 pour cent) ne pensent pas que ces grèves sont « justifiées. » Mais d’autres sondeurs ont trouvé que 54 pour cent de la population exprimaient « soutien ou sympathie » pour les grévistes, paradoxe qui s’explique tout simplement par la manière de formuler les questions, d’un sondage à un autre. En fait, la population française a très souvent accordé un large soutien aux grèves politiques de 1995, 2003 et 2005.

La situation politique actuelle, marquée par l’effondrement de la « gauche » officielle française et l’unité quasi totale de l’élite dirigeante derrière les attaques sociales de Sarkozy, a certainement marqué la conscience populaire. Mais en fait cela met encore plus en évidence la faillite de la perspective syndicaliste – la lutte contre les attaques de Sarkozy nécessite à présent un appel clairement politique et une mobilisation des larges couches de travailleurs.

Le vrai danger pour les travailleurs en France, ce n’est pas qu’ils arriveront en retard à leur travail pendant quelques jours, lors des grèves des transports. Le vrai danger, c’est que Sarkozy va réussir à mener à bien une attaque massive sur le niveau de vie – par exemple une réduction des retraites après les élections municipales de 2008, dont (comme Sarkozy l’a reconnu ouvertement dans son discours du 18 septembre) la destruction des régimes spéciaux n’est que le prélude – et les entraîner dans une spirale de guerres et d’agression à l’étranger.

Même si les manoeuvres de la bureaucratie syndicale empêchent les grèves actuelles de cheminots d’aller de l’avant, il y aura d’autres luttes. Il est essentiel que les travailleurs tirent les leçons des luttes d’aujourd’hui – avant tout, la nécessité d’une orientation politique socialiste et une rupture d’avec les syndicats – pour que réussissent les luttes à venir.

(Article original paru le 24 octobre 2007)

Lire aussi :

France : Poursuite de la grève des cheminots malgré les efforts des dirigeants syndicaux pour y mettre fin [22 octobre 2007]

France: La grève dans les transports paralyse le pays [19 octobre 2007]


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés