Un certain nombre d'aiguilleurs du ciel espagnols ont contacté le World
Socialist Web Site pour décrire le terrorisme d'Etat utilisé contre eux en
vertu des mesures d'urgence imposées par le parti socialiste ouvrier
espagnol (PSOE) au pouvoir.
Les aiguilleurs du ciel ont paralysé les aéroports espagnols vendredi, en
appelant leur employeur pour dire qu'ils étaient souffrants. Un peu plus tôt
ce jour-là, le gouvernement avait approuvé la législation ouvrant la voie à
une privatisation partielle de l'autorité de l'aviation, AENA, ainsi que la
gestion d'aéroports individuels par des opérateurs privés. Cette loi
comprend un nouvel allongement de la durée de travail des aiguilleurs du
ciel.
Par leur mobilisation, les aiguilleurs du ciel s'opposent aux mesures
d'austérité plus larges du gouvernement. Les scènes provoquées par
l'opération militaire ordonnée par le gouvernement pour briser la grève font
froid dans le dos.
Un aiguilleur du ciel a raconté par courriel au WSWS samedi que les
travailleurs sentaient qu'ils devaient agir étant donné qu'ils avaient déjà
dépassé les 1 670 heures légales de travail qu'ils doivent à présent faire
et qu'on leur demandait d'en faire plus encore.
Il poursuit, « Les tours de contrôle sont à présent sous les ordres de
l'armée. Pour le moment ce sont des civils qui travaillent, juste pour le
service minimum, mais nous ne savons pas jusqu'à quand. C'est comme si on
vivait à présent sous Franco, Pinochet, Staline, Mao, Pol Pot ou tout autre
dictateur. »
Décrivant la situation dans laquelle il se trouvait au moment où il
écrivait, il dit, « Maintenant, nous sommes tous dans un hôtel sous
protection policière pour notre sécurité, attendant que l'AENA vienne ici
avec la police militaire pour nous ramener au travail ou en prison. »
Un peu plus tard il a envoyé un autre courriel, après avoir été forcé de
reprendre le travail sous la surveillance de la police armée. Déclarant
« Nous n'avons pas les mêmes droits que n'importe quel autre pays libre, car
nous ne sommes pas libres, »a-t-il poursuivi, « La Stasi est de retour en
Espagne. Ils ont menacé de prendre quelques uns d'entre nous et de nous
emmener nous faire interroger un par un par la police militaire. [Ils ont
dit qu'ils] les menaceraient de peines de prison de dix ans et de la
confiscation de tous leurs biens et, si cela ne suffisait pas, de la perte
de leur famille en leur montrant des photos de leurs enfants. »
Un de ses collègues a ajouté dans un autre courriel, « J'ai la tristesse
de vous dire que nous nous sentons mal depuis février dernier. On n'arrive
pas à dormir correctement. On n'arrive pas à se reposer correctement. On
nous change nos vacances et nos jours de congé et on nous réquisitionne pour
travailler n'importe quel jour et dans n'importe quelle équipe. On nous
force, ce n'est pas du volontariat. »
« On est fatigué, épuisé, brisé, » poursuit-il. « On veut en finir avec
cette situation, mais on ne sait pas comment... De nouveaux décrets sont
inventés jour après jour.
« Cette grève sauvage c'était à cause d'un sentiment de désespoir et
d'agitation qui a commencé à Madrid et qui a reçu le soutien de tous les
centres et tours de contrôle. »
Il a conclu par un appel: « S'il vous plaît, aidez-nous. On travaille
sans se reposer, nous contrôlons le trafic aérien dans des conditions
mentales très mauvaises. Je supervisais le travail quand 12 gardes civils
[police militaire] et un capitaine sont entrés dans la tour de contrôle pour
nous intimider... S'il vous plaît aidez-nous. »
C'est la première fois depuis la fin de la dictature de Franco en 1975
qu'un gouvernement déclare l'état d'alerte. Les lois permettant l'imposition
de tels pouvoirs d'urgence avaient été laissés dans les textes de lois après
que la constitution soi-disant démocratique eut été rédigée en 1978 par le
gouvernement d'Adolfo Suarez, ancien partisan de Franco. Cela avait été
possible grâce aux efforts déterminés du Parti communiste et du PSOE pour
stabiliser le régime capitaliste et de démobiliser la classe ouvrière.
L'état d'alerte permet au gouvernement d'arrêter le personnel des
« industries stratégiques » qui refusent de travailler. Loin de s'opposer à
cette attaque contre la classe ouvrière, les syndicats espagnols et l'IU (Izquierda
Unida, la Gauche unie) conduite par le Parti communiste ont soutenu le
gouvernement en isolant les aiguilleurs du ciel et en répétant les calomnies
selon lesquelles ce serait une élite privilégiée prenant l'Espagne en otage
tandis que les autres travailleurs subissent les coupes budgétaires.
Le premier ministre Jose Luis Rodriguez Zapatero a menacé de prolonger la
législation d'urgence qui a placé les aéroports sous régime militaire et
contraint les aiguilleurs à reprendre le travail sous la menace des armes.
Zapatero a déclaré que l'état d'alerte resterait actif pendant 15 jours puis
a ajouté, « Mais suivant la manière dont la situation évolue, le
gouvernement prendra la décision de prolonger cette mesure et le fera bien
sûr en tenant compte de l'opinion publique et en collaboration avec les
partis politiques. »
La manière dont sont traités les aiguilleurs du ciel établit un précédent
pour des attaques similaires contre d'autres groupes de travailleurs se
mettant en grève pour protester contre les mesures d'austérité du
gouvernement.
Le ministre espagnol des Travaux publics et du Transport, Jose Blanco a
instigué une campagne de victimisation de masse, visant 442 aiguilleurs sur
les 2 300 employés par l'autorité des aéroports espagnols. Blanco a appelé à
ce qu'une sanction « appropriée » soit appliquée à ce « comportement
irresponsable » dont des amendes et des licenciements.
Le PSOE, tout comme ses homologues socio-démocrates de par le monde s'est
une fois de plus révélé être l'outil politique de l'oligarchie financière.
Les syndicats ont, pour leur part, confirmé leur rôle de principal obstacle
à une contre-offensive des travailleurs contre la destruction de leur
gagne-pain et de leurs droits démocratiques. La rapidité avec laquelle les
directions syndicales ont accepté le recours à des mesures d'Etat policier
contre les aiguilleurs du ciel montre qu'ils ne reculeront devant rien pour
défendre le patronat des menaces venant d'en bas: Ils iront jusqu'à
approuver une dictature policière et militaire.