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Échange avec un gréviste de Vidéotron
21 février 2003
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Nous publions ci-dessous un échange au sujet du
conflit de travail qui dure maintenant depuis près d'un
an chez le câblo-distributeur québécois,
Vidéotron, filiale du géant des médias et
communications, Quebecor.
À qui de droit,
Je faisais une recherche sur internet et je suis tombé
par hasard sur votre site. Je suis moi-même un employé
de Vidéotron en grève depuis le 8 mai et en mon
âme et conscience je ne peut pas m'empêcher de vous
laisser ce commentaire. Il est très louable que vous essayez
de comprendre le conflit que nous vivons et que vous partagiez
avec vos lecteurs vos opinions. Mais il serait préférable
que vous relatiez des faits vérifiés au lieu d'histoire
ramassés dans le journal du métro. Il n'y a pas
649 techniciens qui ont été vendus à Alentron
mais 649 postes comportant la qualité technique, la répartition
et les techniciens. Lorsque vous dites que nous nous battons
seulement devant les tribunaux et ne sollicitons pas l'aide d'autres
syndiqués peut-être aurait-il été
bon de vérifier au près du SCFP [Syndicat canadien
de la fonction publique] pour avoir la liste des manifestations
tenue avec le support de d'autres centrales (dont plusieurs faisant
parti de l'empire Québecor) ainsi que la liste de l'aide
offerte par nos amis et je pense ici aux travailleurs d'Hydro-Québec,
entre autres, qui nous offrent une aide monétaire et ne
manquent pas de manifester avec nous dès qu'ils en ont
la chance.
Vous parlez du syndicat comme si nous étions pris derrière
lui impuissant et comme si il ne comprenait pas ce que nous vivions
au travail mais notre exécutif fait exactement ce que
nous lui avons demandé de faire et se limite à
ces exigences. Nous nous battons comme nous l'entendons de façon
civilisée. Peut-être n'est-ce pas assez pour vous
mais votre opinion, tant qu'à moi, n'est qu'un amas de
mots sans fondement de quelqu'un qui ne le vit pas et se cache
derrière de grands principes de façon confortable
derrière son ordinateur.
Bien-à-vous,
Un travailleur de Vidéotron
* * *
Cher Martin Desrosiers,
Je présume, étant vous-même directement concerné
par le conflit amer qui fait rage depuis près d'un an
à Vidéotron, que vous êtes disposé
à aborder une discussion là-dessus avec tout le
sérieux que la situation exige.
Après tout, ce qui est en jeu, ce n'est pas la réputation
de tel ou tel syndicat, mais les emplois et conditions de travail
de près de deux mille travailleurs, et de façon
plus large, les conditions de travail et le niveau de vie de
tous les travailleurs. Car il ne faut pas se faire d'illusion
là-dessus: les employeurs à travers le Québec
et le Canada ont sorti leurs antennes pour suivre ce qui se passe
à Vidéotron et ils vont certainement essayer de
suivre l'exemple tracé par Péladeau et Quebecor.
Votre opposition à l'analyse que nous avons présentée
du conflit sur le site du World Socialist Web Site se résume
(si on oublie les invectives du genre «amas de mots sans
fondement») à une défense aveugle de la perspective
et de l'action du syndicalisme.
Mais toute l'expérience des deux dernières décennies
au Canada et à l'échelle internationale, décennies
qui ont vu un assaut ininterrompu de la grande entreprise sur
la position sociale des travailleurs, démontre clairement
que le syndicalisme, en tant qu'organisation et avant tout en
tant que perspective de lutte, est tout à fait inadéquat.
Pire, la bureaucratie privilégiée qui domine les
syndicats a transformé ceux-ci, d'instruments pour la
défense économique des travailleurs dans le cadre
socio-économique existant, en instruments qui servent
à aider la classe capitaliste à imposer concessions,
destructions d'emplois et coupures massives dans les dépenses
sociales.
Ici au Québec, la bureaucratie syndicale subordonne
politiquement la classe ouvrière au Parti Québécois
[PQ], parti de la grande entreprise qui forme le gouvernement
provincial depuis bientôt dix ans et qui a lancé
un assaut sans précédent sur les programmes sociaux.
Non seulement les chefs syndicaux ont-ils activement appuyé
cette politique anti-ouvrière, embrassant avidement le
projet du «déficit zéro» du PQ; mais
lorsque les infirmières de la province se sont révoltées
en 1999 contre le démantèlement du système
de la santé, dans un mouvement de grève très
populaire qui a démontré l'isolement politique
complet du gouvernement péquiste, la direction syndicale
est intervenue pour torpiller ce mouvement qui remettait objectivement
en cause toute la politique pro-patronale du gouvernement.
C'est cette même politique de subordination à l'ordre
économique et politique existant que les syndicats ont
suivie dans le conflit à Vidéotron. Il est impossible
dans le cadre de cette lettre de reprendre toute notre analyse,
mais je rappellerai les points suivants:
1) Le mécanisme utilisé par Quebecor pour éliminer
des centaines d'emplois et baisser les salaires des employés
restants, à savoir la sous-traitance à Alentron,
est directement inspiré de l'action syndicale. En effet,
Alentron est une filiale de la compagnie Entourage, créée
en 1996 par le Fonds de solidarité de la FTQ, pour recueillir
les 1000 techniciens à l'entretien licenciés par
Bell, mais à un salaire beaucoup plus bas. C'est le même
genre d'entente pourrie qui a été conclue avec
Alentron.
2) La FTQ n'a pas dit un mot lorsque Quebecor, après le
début du conflit, a engagé en sous-traitance des
compagnies syndiquées FTQ, cautionnant ainsi l'utilisation
de ses propres membres en tant que briseurs de grève.
3) Alors que Quebecor a bénéficié tout au
long de l'appui direct du gouvernement (d'abord pour l'acquisition
même de Vidéotron aux dépens de l'ontarien
Rogers Communications, ensuite durant le conflit même lorsque
le premier ministre du Québec Bernard Landry a fait l'éloge
de Péladeau en tant que «bon citoyen corporatif»),
le SCFP s'est limité à un appel amorphe aux consommateurs,
sous la forme d'un boycott auquel le syndicat ne croit même
pas, et à quelques manifestations pour la forme.
Autrement dit, et ceci est le point capital, l'assaut de Quebecor
sur les employés de Vidéotron représente
la politique générale de la classe dirigeante et
de son appareil d'état, à savoir: faire payer les
employés pour la crise du système de profit. Cette
crise est particulièrement aiguë dans le secteur
des médias et télécommunications, avec la
concurrence féroce qui y règne et l'effondrement
brutal ces deux dernières années des valeurs boursières
en haute technologie. Les employés de Vidéotron
font face au même type d'assaut patronal impitoyable que
leurs confrères chez le canadien Nortel, ou l'allemand
Deutsche Telekom, ou le français Vivendi Universal, pour
ne prendre que ces exemples.
Dans un tel contexte, l'article intitulé «Il faut
une stratégie de lutte politique» qui a apparemment
attiré vos foudres, indique clairement une voie de l'avant
pour les travailleurs de Vidéotron et la classe ouvrière
en général. Il élabore la seule perspective
capable de dépasser le cadre nationaliste et pro-capitaliste
du syndicalisme. Il trace la voie libératrice de la lutte
politique consciente, basée sur l'unité internationale
de la classe ouvrière internationale dans la lutte contre
l'assaut patronal global, lutte dont l'objectif doit être
l'égalité sociale, c'est-à-dire une société
basée sur la satisfaction des besoins de tous et non la
soif de profits d'une minorité.
Pour une analyse exhaustive de l'évolution historique
des syndicats, voir l'article suivant:
Le
marxisme et les syndicats
Voir aussi
Sincèrement,
Jacques Richard, pour le WSWS
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