Le G7 tient une réunion d’urgence dans le contexte de l’aggravation de la crise bancaire européenne

Les ministres des Finances du groupe des Sept (G7) pays industrialisés ont tenu hier des consultations d’urgence, au milieu de signes montrant une nouvelle récession économique mondiale et une intensification de la crise en Europe – en particulier la crise bancaire espagnole et les craintes d’une sortie de la Grèce de la zone euro.

Les marchés boursiers européens ont fermé principalement à la hausse en raison de la nouvelle que toutes les puissances du G7 avaient accepté la réunion. Le ministre japonais des Finances, Jun Azumi, a rapporté que les pays du G7 avaient déclaré vouloir coopérer pour traiter de la crise bancaire espagnole. Ils n’auraient pas débattu de la possibilité d’une sortie de la Grèce de la zone euro.

La presse économique a rapporté que les investisseurs suivraient de près les communiqués publiés aujourd’hui par la Banque centrale européenne (BCE). La décision de la BCE de refuser une demande de renflouement de la banque espagnole Bankia a joué en mai dernier un rôle majeur dans le déclenchement de la panique actuelle dans le contexte de l’effondrement du marché de l’immobilier espagnol.

La réunion s'est tenue au milieu d’une multiplication des discussions dans les capitales européennes sur les plans d’action à adopter pour répondre à l’aggravation de la crise de la dette européenne en regroupant les ressources.

Les experts estiment que les banques espagnoles ont besoin d'un total de 100 milliards d’euros pour couvrir leurs pertes. Bankia, qui a été reprise par l’Etat au début de mai, a, à elle seule, un besoin urgent de 23 milliards d’euros. Pour cette raison, le gouvernement espagnol n’est plus en mesure d’acquérir des obligations internationales. Les marchés financiers ont été littéralement bouclés pour ce pays, a reconnu mardi le ministre espagnol des Finances Cristobal Montoro.

Si l’Espagne, comme l’Irlande, le Portugal et la Grèce, demandait de l’aide au Fonds de secours européen, les ressources du fonds seraient rapidement épuisées. En tant que quatrième plus grande économie de la zone euro, l’Espagne garantit quelque 12 pour cent du fonds qui diminuerait d’autant. La propagation de la crise à l’Italie, la troisième plus grande économie de la zone euro, deviendrait aussi plus probable.

Alors que la crise bancaire espagnole constitue pour le moment le plus grand risque pour l’euro, les gouvernements et les marchés financiers continuent d’observer nerveusement les élections grecques du 17 juin. La Coalition de la Gauche radicale (SYRIZA) a annoncé qu’en cas de victoire électorale, elle annulerait unilatéralement les mesures d’austérité convenues avec la troïka – l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.

Bien que le dirigeant de SYRIZA, Alexis Tsipras, insiste pour dire que son parti veut rester dans la zone euro, collaborer avec la troïka et rembourser à long terme les dettes grecques, il y a peu de preuves jusqu’à présent que la troïka soit encline à engager une renégociation des paquets financiers de soutien pour la Grèce. Ceci créerait un précédent qui rendrait difficile de dicter des mesures d’austérité à d’autres pays. Si la troïka supprimait le crédit à la Grèce, un défaut et une sortie de la zone euro seraient presque inévitables.

L’agence de notation Standard & Poor’s évalue à présent la probabilité que la Grèce quitte la zone euro à une chance sur trois. Tous les gouvernements de la zone euro, ainsi que Beijing, sont en train de préparer des plans d’urgence dans le cas d’une telle éventualité.

Les experts se querellent quant aux conséquences de tels développements. Alors que certains supposent que la Grèce plongerait l’ensemble de la zone euro dans l'abîme, d’autres pensent que les effets seraient gérables.

Dans le Financial Times, l’ancien responsable des activités de banque d’investissement de Lehman Bothers en Grande-Bretagne, Michael Tory, préconise une faillite de la Grèce parce que ce serait un choc salutaire pour l’Europe. Tout comme la faillite de Lehman en 2008 avait procuré aux gouvernements « une bonne contemplation de l’abîme » en « mobilisant la volonté politique » pour soutenir les banques au moyen de centaines de milliards de dollars, une faillite grecque générerait en Europe une volonté politique « d’instituer des obligations de la zone euro soutenues conjointement et étayées par une discipline fiscale centralisée inflexible et contraignante. »

Jusque-là, une approche commune pour savoir comment prévenir l’effondrement imminent de l’euro n’a été trouvée ni en Europe ni internationalement. C’est avant tout le gouvernement allemand qui a précédemment insisté sur une stricte austérité en refusant de fournir une aide financière supplémentaire, que ce soit par des euro bonds ou par la planche à billet de la Banque centrale.

Mais Berlin est à présent de plus en plus isolé. La plupart des gouvernements européens, aux côtés des Etats-Unis, prônent une politique d’assouplissement quantitatif et d’émission d'euro-bonds communs afin de fournir au système bancaire suffisamment de fonds.

Maintenant, la position allemande a commencé à changer. La principale raison est que l’Allemagne elle-même est de plus en plus affectée par la crise. Environ 40 pour cent des exportations allemandes vont à la zone euro où de nombreux pays connaissent une récession. La croissance a baissé en Chine, en Inde et aussi dans les pays émergents où les exportations de l’Allemagne ont enregistré leur plus forte augmentation ces dernières années.

En conséquence, en Allemagne les indicateurs économiques ont fortement chuté. Le DAX, principal indice boursier allemand, a perdu 16 pour cent de sa valeur au cours de ces dix dernières semaines. Entre-temps, des appels se font entendre pour réclamer un changement de cap de la part du gouvernement fédéral.

Sous le titre, « La fin de l’illusion allemande, » Spiegel Online écrit : « A présent, le nouveau déclin économique et la chute des marchés boursiers montrent que l’Allemagne est tout à fait vulnérable – et doit donc faire des sacrifices. »

Dans le journal Süddeutsche Zeitung, l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer (du parti des Verts) a averti en termes dramatiques que la maison européenne était en feu. Dans les mois à venir, le pays sombrera dans l’abîme, « à moins que l’Allemagne et la France ne changent de cap ensemble. »

La chancelière Merkel a, à présent, exprimé sa volonté de faire des concessions. Mais, il n’est plus question de parler de « croissance », de relance économique ou autre. Le gouvernement allemand est plutôt prêt à porter une part plus grande du fardeau pour secourir les banques européennes si, en échange, les gouvernements concernés cèdent la souveraineté fiscale à Bruxelles (et donc indirectement à Berlin.)

Lundi, Merkel a discuté de la mise en place d’une union bancaire européenne avec José Manuel Barroso, le président de la Commission de l’UE. Ceci placerait certaines grosses banques européennes sous tutelle européenne en introduisant un mécanisme commun de garantie de dépôts. Dans ces conditions, les banques bénéficieraient d’injections de capital du fonds européen et non pas comme précédemment d’un fonds national.

Un autre modèle qui est actuellement en discussion est le soi-disant fonds de remboursement de la dette. Tous les pays placeraient dans un tel fonds toutes leurs dettes qui dépassent la limite de Maastricht de 60 pour cent du produit intérieur brut (PIB). Ce fonds émettrait ensuite des obligations communes à un taux d’intérêt relativement bas et rembourserait la dette dans une période de 25 ans.

Comme condition pour de telles propositions, le gouvernement allemand exige de nouvelles mesures allant dans le sens d’une union fiscale et politique. Ceci signifierait que les institutions européennes auraient de plus en plus de contrôle sur les développements survenant au sein des Etats-nations.

Ce que Merkel veut faire, c’est transférer le genre de coupes sociales qui ont dévasté la Grèce à l’ensemble de l’Europe. L’UE aiderait les pays endettés en remboursant leurs dettes et en sauvant leurs banques ; en échange, elle dicterait leur politique budgétaire, de l’emploi et sociale.

De tels projets se heurtent non seulement à une opposition de la Grande-Bretagne qui rejette toute ingérence de l’Union européenne dans son secteur financier, mais aussi de l'Italie et de la France. « Aucun de ces pays ne veut se trouver dans la position d’avoir à rendre des compte à des autorités fiscales et bancaires qui, à tort ou à raison, seraient considérées être un bras du gouvernement allemand, » a commenté le New York Times.

La victime de tous les plans qui sont en discussion est la classe ouvrière européenne qui est menacée d’une nouvelle série de coupes sociales.

(Paru en anglais le 6 juin 2012)

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