Le dirigeant de SYRIZA, Tsipras, soutient l’armée grecque

Mardi, le dirigeant de la Coalition de la Gauche radicale (SYRIZA), Alexis Tsipras, a eu des pourparlers avec le ministère grec de la Défense et le haut commandement de l’armée. Ce faisant, il a clairement indiqué être prêt à travailler en étroite collaboration avec l’armée, au cas où SYRIZA gagnerait les élections prévues le 17 juin.

Après trois heures de réunion, Tsipras a souligné la signification de la réunion et son caractère symbolique. « Défendre l’intégrité territoriale du pays et l’indépendance nationale est pour SYRIZA une priorité non négociable, » a-t-il déclaré en soulignant que la crise économique ne signifiait pas que le pays pourrait négliger ou ignorer les dangers qui exigent une vigilance constante.

Il a poursuivi en disant, « En dépit des sommes exorbitantes qui ont été dépensées, l’on n’a pas créé les infrastructures nécessaires en termes de maintenance et de pièces de rechange dont un système de défense a besoin. La situation doit être inversée sans, toutefois, miner la défense nationale. » Tsipras a aussi proposé de nationaliser l’industrie de l’armement afin d’accroître les capacités de combat des forces armées.

Tsipras a fait référence à la possibilité de réduction du budget militaire mais seulement, a-t-il souligné, pour combattre la corruption, non avec l'idée d’affaiblir l’armée. Il a dit qu’il était opposé à toute réduction de la solde des soldats, ce qui contribuerait à saper le moral des troupes.

Tsipras a fait ces déclarations au moment même où des débats publics se tiennent sur la possibilité d’utiliser l’armée pour réprimer l’opposition populaire de la classe ouvrière grecque contre l’austérité.

Depuis l’imposition des mesures d’austérité de l’UE en 2009, il y a eu une série d’articles sur des manoeuvres de l’armée visant à préparer les troupes en vue d’une confrontation avec la population. Selon un rapport paru la semaine passée dans le quotidien de droite Kathimerini, une sortie de la zone euro de la Grèce aurait lieu dans le contexte d’une mobilisation de l’armée pour réprimer la ruée sur les banques et les protestations populaires. (Voir : L'élite dirigeante grecque se prépare à une épreuve de force avec la classe ouvrière)

Le ministre grec de la Défense, nommé par l’actuel gouvernement intérimaire, est le chef d’état-major des armées, Frangos Frangoulis, et le nouveau ministre pour la Protection de la Population est l’ancien chef de la police et responsable des services secrets, Eleftherios Economou.

Tsipras n’a rien dit au sujet de ces menaces. Au lieu de cela, il se range derrière le haut commandement de l’armée, allant jusqu’à garantir une augmentation de son état de préparation au combat. Cette position est la conséquence logique de l’orientation politique de SYRIZA.

Depuis les élections du 6 mai, le parti a, à maintes reprises, démontré qu’il respectait l’Etat en indiquant sa volonté de soutenir les réformes et les mesures d’austérité. Lors des élections du 6 mai, SYRIZA avait obtenu 17 pour cent des voix, quadruplant son score grâce à ses critiques à l’égard des mesures d’austérité dictées par l’UE et qui ont plongé des millions de Grecs dans la pauvreté.

SYRIZA est sur le point d’émerger comme la force la plus forte dans les nouvelles élections du 17 juin et étant susceptible de former le gouvernement. L’organisation a réagi en renonçant de plus en plus à ses promesses électorales et en prouvant aux puissances européennes qu’elle est la mieux placée pour appliquer l’austérité.

Il y a une semaine, lors de ses visites à Paris et à Berlin, Tsipras a répété que SYRIZA était déterminée à obtenir de nouvelles négociations sur les dettes du pays plutôt que de répudier les dettes ou les conditions définies par l’UE.

Dans une interview parue dans la dernière édition de l’hebdomadaire Der Spiegel, Stipras, s’est clairement prononcé à ce sujet. Au début de l’interview, il souligne qu’un gouvernement SYRIZA ferait tout son possible « pour garantir que la Grèce garde l’euro. » Et ceci en dépit du fait que l’UE a toujours exigé la reconnaissance de toutes les dettes et un strict respect des mesures d’austérité comme condition sine qua non d’appartenance à l’euro.

Tsipras dit clairement qu’il respectera les dettes, regrettant qu’une continuation des mesures d’austérité dans leur forme actuelle rendrait la Grèce « incapable d’honorer le remboursement de ses créanciers. » Il est dans l’intérêt des créanciers d’assurer que la Grèce ne soit pas acculée à faire défaut.

Tout comme le parti social-démocrate PASOK et le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND), Tsipras propose des « réformes structurelles » en échange d’une prorogation de délais de remboursement.

« Nous (les Grecs) avons une lourde part de responsabilité pour notre situation, » a déclaré Tsipras. A la question de savoir s’il était opposé aux licenciements de dizaines de milliers de travailleurs dans le but de parvenir aux réformes « urgemment nécessaires » dans la fonction publique, il a répondu : « Nous ne sommes pas opposés aux réformes, nous disons simplement la même chose que les économistes, les journaux allemands ou même l’ancien chancelier Helmut Schmidt. Et ce qui vient d’être confirmé dans le dernier rapport de l’OCDE : la politique d’austérité que nous avons appliquée ces deux dernières années, cette politique consistant à ne compter que sur des économies considérables, a échoué. »

Sa perspective de marchandage avec les pouvoirs européens pour les convaincre d’assouplir quelque peu la pression et d’accepter un rythme plus lent de réformes structurelles entraînera inévitablement un gouvernement dirigé par Stipras à une confrontation avec la classe ouvrière. Les travailleurs ont voté SYRIZA précisément en raison de son opposition à la politique d’austérité.

C’est cette éventualité qui se cache derrière l’actuel tournant de Tsipras vers l’armée. En cas de besoin, il n’hésiterait pas à utiliser l’armée contre des manifestations ou des grèves.

Même s’il s’est donné beaucoup de mal pour prouver sa fiabilité, de puissantes sections de la bourgeoisie européenne et internationale considèrent qu’un gouvernement SYRIZA, venu au pouvoir sur la base d’un sentiment populaire anti-austérité, serait trop imprévisible. Dans ces conditions, l’armée pourrait, comme en 1967, organiser un putsch pour renverser ou empêcher la mise en place d’un gouvernement dirigé par SYRIZA.

Par la visite qu’il a rendue mardi à l’armée, Tsipras montre qu’il craint bien plus une mobilisation de la classe ouvrière contre l’austérité sociale que le risque d’un putsch militaire.

(Article original paru le 1er juin 2012)

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