Le constructeur automobile français PSA va supprimer 8.000 emplois et fermer l’usine d’Aulnay

Le 12 juillet, le constructeur automobile PSA Peugeot-Citroën a officiellement annoncé la suppression de 8.000 emplois partout en France et la fermeture de son usine à Aulnay-sous-Bois, au Nord de Paris – la première usine PSA à fermer en l’espace de deux décennies. Jeudi matin, alors qu’ils étaient au travail, les ouvriers de l’automobile ont officiellement été informés par texto de la fermeture de l’usine. Les contre maîtres leur ont dit, « Vous avez une heure pour prévenir vos familles, et après vous reprenez le travail. » Les travailleurs ont stoppé la production pour se retrouver en assemblée générale et voter à l’unanimité en faveur d’une grève. Ils ont scandé, « PSA patron voyou, » « De l’argent, il y en a dans les caisses de PSA, aucune usine ne doit fermer. »

La fermeture de l’usine et la suppression des emplois avaient été planifiées depuis un certain temps. Des documents divulgués et publiés par les syndicats l’année dernière proposaient la fermeture des usines d’Aulnay-sous-Bois, de Sevelnord à Hordain dans le Nord de la France et en Espagne, notamment à Madrid, avec 3.100 emplois. (Voir : « Le constructeur automobile Peugeot-Citroën va fermer des usines en France et en Espagne ») Jusqu’à hier, toutefois, PSA avait officiellement nié que ces projets étaient définitifs.

Un travailleur a dit amèrement au magazine Le Nouvel Observateur « Depuis un an, on n’a entendu que des mensonges ».

Le plan de restructuration de Peugeot prévoit la suppression de 3.000 emplois à Aulnay ainsi que de 380 emplois intérimaires et 250 dans la sous-traitance, et 1.400 emplois à Rennes. Ce plan lancera aussi un plan de départs volontaires pour 3.600 employés de l’administration. Selon le constructeur automobile, la moitié des 3.000 travailleurs d’Aulnay seront redéployés dans une usine à l’Ouest de Paris, à Poissy. Ces mesures réduiront de près de 10 pour cent l’effectif de 100.000 salariés de Peugeot en France.

PSA agit avec un mépris total à l’égard à la fois de ses salariés et des contribuables français, en licenciant en masse les travailleurs bien que, après le déclenchement de la crise économique en 2008, PSA et Renault avaient reçu 6 milliards d’euros d’aide de l’Etat. Le PDG de PSA, Philippe Varin, a cyniquement dit aux journalistes, « Je mesure pleinement la gravité des annonces faites aujourd'hui ainsi que le choc et l’émotion qu’elles provoquent dans l’entreprise et dans son environnement ». Toutefois, a-t-il dit, PSA « perd 200 millions d’euros [245 millions de dollars] tous les mois, » en ajoutant « Tergiverser plus longtemps nous fait prendre le risque d’un péril plus grand. » Varin s’est révélé être une figure clé dans la détermination à renforcer la compétitivité de la France en réduisant drastiquement les salaires et les dépenses sociales.

En février, il avait dit au Financial Times, « Si vous considérez le coût horaire du travail dans nos usines, il est de 35 euros par heure – plus qu’en Allemagne… La France ne suit pas la bonne voie, notamment au niveau des prestations [telles que] la sécurité sociale. » La réaction de la bureaucratie syndicale à la fermeture des usines et aux suppressions d'emplois est profondément cynique. Bien que les travailleurs à Aulnay aient eu connaissance de la fermeture de l’usine il y a un an, les syndicats n’ont fait aucun effort pour mobiliser un vaste soutien au sein de la classe ouvrière en faveur d’une lutte pour contrer les suppressions chez PSA.

Jean-Pierre Mercier, délégué CGT (Confédération générale du Travail) à Aulnay et porte-parole de la campagne de la candidate présidentielle du groupe petit-bourgeois Lutte Ouvrière (LO), Nathalie Arthaud – a dit après « douze mois de mensonges, la lutte va démarrer maintenant. »

Le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, a qualifié la fermeture de l’usine de « séisme » en disant à France Inter : « Je rappelle qu’il y a un an, nos représentants avaient déjà donné cette information. Sans doute que le contexte électoral ne se prêtait pas à la confirmation de ce séisme. » En d’autre termes, il y a un an, la CGT connaissait ces projets et savait qu’ils suscitaient une opposition massive qui aurait empêché PSA ou les principaux candidats présidentiels d’appuyer ouvertement ces coupes durant la campagne. Néanmoins, la CGT et les autres syndicats français ont accordé leur plein soutien à Hollande. La raison en est que les syndicats soutiennent les projets de fermeture d’usines et la réduction drastique des salaires des travailleurs et de leurs conditions de travail.

Le directeur industriel de PSA, Denis Martin, a dit à Reuters : « Des discussions avec les syndicats et des partenaires potentiels sont sur la ‘bonne voie’ » en ajoutant que « la production dépend maintenant des conditions qui renferment ‘les efforts que nous demandons de faire aux salariés’. »

L’annonce a été faite le lendemain de la « Conférence sociale » organisée par le gouvernement du Parti socialiste (PS) nouvellement élu avec les syndicats et les associations patronales. La conférence a accepté des mesures d’austérité réduisant drastiquement les dépenses publiques, les salaires et les emplois en faveur des grosses entreprises. Hollande a clairement fait comprendre qu’il était déterminé à encourager la compétitivité française en réduisant massivement les coûts de la main d’oeuvre. Les syndicats, qui avaient ouvertement soutenu François Hollande durant l’élection présidentielle, ont félicité la Conférence sociale en approuvant les coupes anti-classe ouvrière du PS. (Voir : « France: La Conférence sociale expose les grandes lignes des attaques massives contre la classe ouvrière »)

Le gouvernement PS a approuvé la fermeture de l’usine, appelant à la direction à collaborer avec les syndicats afin de trouver une solution. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a demandé à la direction de PSA d’« engager sans délai une concertation exemplaire, loyale et responsable avec les partenaires sociaux afin que toutes les alternatives que pourraient proposer les représentants des salariés et leurs experts puissent être étudiées et discutées, avec comme objectifs premiers la préservation durable de l’emploi et le maintien d’une activité industrielle sur tous les sites français. »

Entre-temps, le gouvernement s’apprête à octroyer une nouvelle aide publique aux constructeurs automobile pour stimuler les profits alors qu’ils réduisent les emplois, les salaires et les prestations sociales. Ayrault a dit que les mesures pour le financement des constructeurs automobiles seraient présentées au conseil des ministres le 25 juillet. La fermeture de l’usine et les suppressions d’emplois ont lieu après que PSA a fusionné en mars avec le constructeur automobile américain General Motors (GM). La fusion entre les deux groupes vise à imposer aux travailleurs français de l’automobile les fortes baisses de salaires et les considérables suppressions d’emplois que GM et le syndicat United Auto Workers (UAW) ont imposées aux travailleurs américains de l’automobile.

En 2009, le gouvernement Obama avait déclaré GM et Chrysler en faillite, permettant à ces entreprises d’appliquer des mesures de réduction des coûts – fermetures d’usines, baisse de 50 pour cent des salaires pour tous les salariés nouvellement embauchés, ainsi que des réductions des soins de santé et des allocations retraite. Les constructeurs automobiles français veulent imposer des mesures identiques. Le président de l’UAW, Bob King, a été élu, avec le soutien du syndicat allemand IG Metall, au conseil de surveillance d’Opel pour superviser les attaques contre les travailleurs de GM en Europe. GM a déjà fermé son usine Opel à Anvers, en Belgique, en licenciant 2.500 travailleurs. Ils menacent à présent d’arrêter leurs usines à Bochum, en Allemagne (3.100 emplois) et à Ellesmere Port (2.100 emplois) en Angleterre.

Ceci souligne le fait que la lutte contre les fermetures d’usine et les suppressions d’emplois ne peut se faire qu’indépendamment des syndicats qui soutiennent politiquement le gouvernement Hollande alors que celui-ci supervise les attaques continues contre les travailleurs chez PSA et contre l’ensemble de la classe ouvrière.

(Article original paru le 13 juillet 2012)

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