L’industrie automobile européenne prépare des licenciements de masse

Jusque là ce furent surtout les employés du secteur public, les retraités, les chômeurs et ceux qui dépendent de prestations sociales qui avaient été touchés par la crise de l’euro et les mesures d’austérité appliquées en réponse à celle-ci par les gouvernements européens. A présent, la récession qui s’ébauche frappe également l’industrie automobile. Ce sont surtout les constructeurs produisant presque exclusivement pour le marché européen qui annoncent des pertes massives et préparent des licenciements de masse, des fermetures d’usines et des réductions de salaire.

Des constructeurs qui engrangent encore des profits dus aux fortes ventes réalisées aux Etats-Unis et en Asie, observent l’évolution internationale avec nervosité. Eux aussi prennent des mesures pour faire porter le poids de la crise à leurs salariés par le biais de licenciements et de coupes dans les salaires.

En Europe, les ventes d’automobiles neuves ont baissé pour atteindre le niveau de 1994. En Espagne, où le taux de chômage est élevé, les ventes ont baissé de 17 pour cent en juillet, en Italie de 21 pour cent et en France de 7 pour cent.

Même en Allemagne, où les ventes étaient légèrement en hausse, le nombre de nouvelles immatriculations a baissé de 5 pour cent en juillet par rapport au mois précèdent. Au premier semestre 2012 (1,9 millions) sont inférieures à celles de l’année dernière sur la même période. Le président de l’Union de l’industrie automobile (VDA), Matthias Wissmann, a dit que l’Allemagne risquait de perdre son rôle de pôle stabilisateur en Europe.

Même le chiffre des ventes des soi-disant marques de classe supérieure, comme Mercedes et BMW, ont vu leurs ventes baisser. Mercedes a enregistré un déclin de 14,6 pour cent et BMW de 17,9 pour cent sur le marché allemand. Le leader sur le marché, Volkswagen, a vu ses ventes baisser de 1,5 pour cent.

La seule exception sur tous les marchés est la filiale de Volkswagen, Porsche. Le constructeur de voitures de sport réalise des bénéfices partout. Le chômage et la pauvreté qui frappe d’autres constructeurs n’affectent pas le constructeur de voitures de sport de luxe.

Il y a quelques semaines Manager Magazine a cité une étude réalisée par la firme de consultants Alix Partners qui prédit une « récession à double creux », une répétition de la récession de 2008-2009. Selon cette étude, les ventes d’automobiles chuteront cette année de un million de véhicules en Europe, tombant au niveau des années 1980.

Les sociétés automobiles se concentrant principalement sur le marché européen annoncent déjà de fortes pertes. PSA Peugeot Citroën a ainsi annoncé une perte de 819 millions d’euros pour la première moitié de l’année.

Les profits de Renault, le second constructeur automobile français ont aussi décliné. Les profits nets ont chuté de plus d’un tiers. Seuls ses parts dans la société japonaise Nissan et chez son partenaire suédois constructeur de poids lourds, Volvo enregistrent encore des profits. Des analystes de la Deutsche Bank estiment que les pertes de Renault en Europe atteignent de 160 à 210 millions d’euros.

Le chef du second constructeur automobile américain Ford, Alan Mulally, s’attend à des pertes d’un milliard de dollars (805 millions d’euros) en Europe cette année. Sur la première moitié de l’année, les ventes de Ford en Europe sont tombées à leur plus bas niveau depuis 20 ans.

General Motors, le plus grand constructeur américain a annoncé un profit de 1,2 milliards d’euros mondialement pour le second trimestre de 2012, ce qui représente cependant une baisse de 41 pour cent par rapport à l’année dernière. Les filiales de GM en Europe, Opel et Vauxhall ont réalisé des pertes de 294 millions d’euros sur la même période. Leurs ventes ont baissé de 13 pour cent par rapport à l’année précédente.

Fiat quant à lui vit des profits de sa filiale Chrysler. Son profit de 358 millions d’euros au second trimestre était en forte baisse par rapport à la même période l’année dernière (1,2 milliards d’euros). Sans Chrysler, Fiat aurait réalisé la perte élevée de 500 millions d’euros dans la première moitié de cette année. Son chiffre d’affaire a chuté de plus de 7 pour cent.

Face à ces pertes en Europe, les constructeurs offrent des rabais de plus en plus importants, ce qui a poussé le chef de Fiat, Sergio Marchionne à accuser récemment, dans le New York Times, le groupe Volkswagen d’organiser « un bain de sang » au niveau des prix.

Durant le crise de 2008-2009, de nombreux gouvernements européens ont essayé d’amortir les effets de la crise des ventes dans l’industrie automobile en introduisant une « prime à la casse » -- subventionnant de fait l’achat de véhicules nouveaux en poussant à se débarrasser des véhicules déjà anciens. Mais à présent, il n’y a plus d’argent pour de telles mesures. En conséquence, les compagnies automobiles préparent des attaques massives contres les emplois et les salaires.

Selon Alix Partners, presque une usine sur deux en Europe marchera en dessous de sa capacité critique l’année prochaine. Depuis la récession de 2008-2009, trois usines automobiles sur cent ont été fermées, et à présent le secteur est menacé de subir une coupe sombre.

PSA Peugeot Citroën a déjà annoncé le mois dernier qu’il allait éliminer 8.000 emplois et fermer son usine d’Aulnay-sous-bois. PSA espère économiser 1,5 milliards d’euros d’ici à 2015. La direction de Renault a elle aussi annoncé que la baisse des ventes signifiait qu’il serait nécessaire de réduire ses capacités de production en Europe occidentale.

Fiat qui a déjà fermé une usine en Sicile et réduit considérablement les salaires dans d’autres usines a prolongé la période de vacances de son usine de Pomigliano, près de Naples, et prévoit d’avoir recours au chômage technique de façon intensifiée. La fermeture d’une autre usine Fiat est considérée comme probable.

Les filiales de GM Opel et Vauxhall, dont on est en train de restructurer entièrement la direction, préparent des coupes massives.

Mais les salariés de Daimler, BMW et Volkswagen ont également du souci à se faire. Jusqu’à présent des bonnes ventes en Asie et aux Etats-Unis ont assuré la croissance de ces trois entreprises. Ce sont actuellement trois voitures sur quatre produites par les constructeurs allemands qui sont exportées. Depuis le début de l’année, Volkswagen et ses marques associées, en particulier Audi, ont livré 1,3 millions de voitures, presque un tiers de toutes les voitures produites, en Chine (une hausse de 17,5 pour cent). En Amérique du Nord, elles enregistrent une hausse de 22,1 pour cent sur les six premiers mois de l’année.

Le directeur du personnel de Volkswagen, Horst Neumann, a toutefois mis en garde contre une euphorie prématurée. Les ventes de Volkswagen étaient bonnes a-t-il dit, mais l’environnement en Europe deviendra plus difficile. « Nous ne devons pas croire que nous sommes arrivés, » dit il au quotidien d’affaires Handelsblatt. La marque de Volkswagen, Seat, ou l’une ou l’autre usine allemande pourrait se trouver menacées écrit à ce propos Manager Magazine

La crise ne s’arrête pas aux frontières de l’Europe. Les signes d’un approfondissement de la crise mondiale se multiplient. En juillet, Daimler a déjà enregistré une baisse de ses ventes en Chine de 0,8 pour cent.

Pour les marques de la firme Daimler : Mercedes, Smart, AMG et Maybach, l’Europe de l’Ouest reste le principal marché. En juillet, les ventes y ont cependant chuté de 3,2 pour cent. « Il est de plus en plus clair que le géant souabe ne peut échapper au tourbillon de la crise de l’euro sur son propre continent européen, » écrit le Handelsblatt.

Les travailleurs de l’industrie automobile en Europe sont confrontés à de très sévères attaques. Le manager d’un fonds américain se plaignait récemment à l’agence de presse Bloomberg de ce que Ford avait fait un « travail remarquable » aux Etats-Unis mais que l’Europe était en train de détruire à nouveau ce succès complètement. Il en était de même pour les autres constructeurs américains GM et Chrysler, dit-il.

Ce « travail remarquable » a consisté à décimer les salaires et les prestations sociales des travailleurs américains de l’automobile. Après la crise de 2008, et avec le soutien de l’administration Obama et des syndicats, les sociétés automobiles américaines ont fermé de nombreuses usines, réduit de moitié les salaires pour les nouvelles embauches et coupé les retraites et les prestations de santé.

Ce sont ces « conditions américaines » qui sont à présent transférées en Europe. La concurrence entre les sociétés automobiles a lieu sur le dos des travailleurs. A la fin de 2008, le chef de Fiat Marchione avait déjà prédit qu’il ne resterait que six sociétés automobiles dans le monde. A l’époque on était parti du fait que la reprise de Chrysler par Fiat signifiait que Fiat allait faire partie de ces six sociétés. L’issue est à présent tout à fait incertaine.

(Article original publié le 13 août 2012)

 

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