Perspectives

Les renflouements bancaires et la crise de la démocratie en Europe

Le premier ministre italien, Mario Monti, a dit lundi que l’Europe se désintégrerait « si les gouvernement étaient entièrement liés par les décisions de leur parlement. » Chaque gouvernement a « le devoir d’éduquer le parlement, » a-t-il ajouté dans un entretien accordé au magazine d’information Der Spiegel.

La déclaration de Monti correspond à l'admission que de nombreux renflouements bancaires organisés pour le sauvetage de l’euro après le krach financier de 2008 et les plans d’austérité lancés pour les faire payer par la classe ouvrière, ont tendu jusqu’au point de rupture la démocratie bourgeoise européenne. La responsabilité du gouvernement devant le parlement et le contrôle du gouvernement par le parlement – que Monti remet en cause – sont un principe fondamental de la démocratie parlementaire.

Monti attaque le parlement, mais sa véritable cible est la classe ouvrière. Pour la grande majorité de la population, il est déjà devenu impossible d’influencer la politique par un scrutin dans l’urne. Les grandes décisions politiques sont prises par les marchés financiers et leurs hommes de main à Bruxelles, Berlin et dans les autres capitales européennes.

Lors des dernières élections en Grèce et en France, des partis qui semblaient promettre de mettre fin, ou du moins de modérer les coupes sociales brutales, ont bénéficié d’un vaste soutien populaire. En France, le Parti Socialiste a remporté les élections pour la première fois depuis 1988. En Grèce, la Coalition de la Gauche radicale (SYRIZA) a émergé comme le deuxième parti le plus fort. Mais rien n’a changé.

Le nouveau président français, François Hollande, poursuit la politique anti-classe ouvrière de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, en n’offrant aucune opposition aux licenciements de masse dans l’industrie automobile. En Grèce, SYRIZA assume le rôle d’une opposition loyale alors que la coalition gouvernementale entre le parti conservateur Nouvelle Démocratie, le PASOK social-démocrate et la Gauche démocratique impose des mesures d’austérité encore plus brutales.

Monti a donné son interview la semaine qui a suivi l’intensification des mesures d’austérité contre la classe ouvrière dans toute l’Europe. Le gouvernement grec s’est prononcé en faveur de nouvelles coupes à hauteur de 11,5 milliards d’euros et qui aggraveront la souffrance des travailleurs et des retraités dont les conditions de vie ont déjà été ravagées. Le gouvernement espagnol a augmenté de 60 pour cent son précédent objectif de réduction du budget et vise maintenant à rayer du budget la somme énorme de 102 milliards d’euros, ce qui va remettre le pays dans la pauvreté de l’ère Franco.

La Banque centrale européenne a décidé de ne soutenir les pays – par le rachat d’obligations gouvernementales – qu’à la condition qu'ils fasse au préalable une demande au fonds européen de sauvetage et qu'ils se soumettent aux mesures d’austérité dictées par l’UE.

Ceci a déclenché une opposition généralisée. En Espagne, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue contre les mesures d’austérité du gouvernement. Les syndicats trouvent de plus en plus difficile de maîtriser cette colère. Ni en Espagne, ni en Grèce, ni dans aucun autre pays européen, les travailleurs ne veulent accepter la destruction de leurs acquis sans lutter.

Dans ces circonstances, le commentaire de Monti souligne le programme fondamental de classes de la bourgeoisie européenne : poursuivre la politique des banques quelle que soit l’issue des élections ou la taille des protestations dans les rues et des grèves contre les mesures d’austérité.

Monti sait parfaitement bien que la contre-révolution sociale exigée par les marchés financiers internationaux est incompatible avec des méthodes démocratiques. Il dirige un gouvernement de technocrates qui n’a aucune légitimité démocratique. Monti – professeur d’économie, conseiller pour Goldman Sachs et membre de plusieurs groupes de réflexion (Bruegel, Conférence de Bilderberg, Commission trilatérale) – est un représentant de confiance du capital financier international. A la demande de ce dernier, et parce que Berlusconi n’avait pas réussi à réduire assez rapidement et fortement le budget il avait pris en novembre dernier le relais du gouvernement Berlusconi sans élections.

Depuis lors, le gouvernement Monti a systématiquement attaqué les acquis sociaux et les droits que les travailleurs italiens ont gagnés depuis la chute de la dictature fasciste de Mussolini à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il a réduit les retraites, augmenté les impôts à la consommation et éliminé les protections légales contre les licenciements et autres droits sociaux.

Il faut tirer les enseignements politiques de la déclaration de Monti selon laquelle on ne peut empêcher l’effondrement de l’Europe que si les gouvernements répudient les procédures démocratiques. La classe ouvrière ne peut pas défendre ses droits et ses acquis sociaux dans le cadre réactionnaire de l’Union européenne.

Les opinions des adversaires directs de Monti en matière de politique financière européenne, à savoir les politiciens allemands qui ont critiqué ses propos comme étant une tentative d’« affaiblir la légitimité démocratique, » aux dires du ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, sont tout aussi hypocrites et réactionnaires. Berlin a constamment cherché à imposer des coupes dévastatrices, en particulier au gouvernement grec, au mépris total de l’opinion populaire en Grèce et dans les autres pays européens. De plus, il a mené une campagne pour la mise en place d’une dictature de fait de l’UE sur la politique fiscale des gouvernements de la zone euro.

Ceci souligne que l’UE, dans son ensemble, est un instrument d'assujettissement de l’Europe à la dictature de cliques concurrentes du capital financier. L'UE ne peut ni être réformée, ni être contrainte à changer de cap au moyen de protestations et de négociations.

Seule une mobilisation indépendante de la classe ouvrière fondée sur la perspective des Etats socialistes unis d’Europe peut stopper ces attaques. Le World Socialist Web Site appelle à l’abolition de l’Union européenne et de ses institutions et lie cette revendication à un programme socialiste international.

Nous luttons pour l’unité de la classe ouvrière européenne et internationale. Les travailleurs en Italie, en Allemagne, en France, en Espagne et en Grande-Bretagne doivent engager la lutte pour le renversement de Monti, de Merkel, de Hollande, de Rajoy et de Cameron. Ils doivent mettre en place un gouvernement ouvrier pour exproprier la richesse des ultra-riches, des banques et des grandes entreprises et réorganiser l’économie dans le but de servir l'ensemble de la société et non les intérêts de profit de l’aristocratie financière.

(Article original paru le 7 août 2012)

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