Face à une opposition populaire grandissante

Des budgets d’austérité sont imposés partout en Europe

Les gouvernements français, espagnol et grec ont tous annoncé hier, 28 septembre, des plans d’austérité à hauteur de plusieurs milliards d’euros face à une opposition populaire massive.

Le budget français présenté par le gouvernement PS (Parti socialiste) du président François Hollande est le plus sévère depuis les budgets de rigueur introduits au début des années 1980 sous le président François Mitterrand. Il prévoit une réduction du déficit de 30 milliards d’euros (38,6 milliards de dollars US), dont 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires et 10 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques.

Le budget espagnol exige une réduction de 13,4 milliards d’euros des dépenses publiques pour ce qui est le quatrième plan de rigueur passé cette année après l’élection, en novembre dernier, du Parti Populaire (PP) conservateur. Parmi les ministères dont les budgets seront le plus fortement réduits figurent ceux de l’Agriculture, de l’Industrie et de l’Education.

Le gouvernement de coalition de la Grèce – qui comprend le parti droitier Nouvelle Démocratie (ND), le PASOK social-démocrate et la Gauche démocrate (DIMAR) – a annoncé qu’il dévoilera lundi un plan de réduction de 11,5 milliards d’euros des dépenses publiques. Les projets de ces réductions avaient initialement été annoncés en juillet mais le gouvernement avait d’abord échoué à se mettre d’accord quant à leur répartition.

Dans chaque pays, les nouvelles mesures d’austérité sont imposées au mépris de l’opinion publique. Mercredi, 26 septembre, des millions de travailleurs partout en Grèce ont débrayé et des centaines de milliers ont observé une journée nationale de protestation. Mardi, des dizaines de milliers de manifestants s’opposant aux coupes sociales ont défilé vers le parlement à Madrid et ont été brutalement attaqués par la police anti-émeute.

En France, la cote de popularité de Hollande est tombée à 43 pour cent ; les pertes d’emplois et les mesures d’austérité lui rendent hostiles les électeurs qui l’ont élu en mai.

Ces événements montrent l’impossibilité de lutter contre la rigueur sociale en Europe en soutenant les partis bourgeois de « gauche », l’Union européenne (UE) ou le capitalisme européen. En l’espace de quelques mois, les promesses faites par les partis officiels se sont avérées être sans aucune valeur. .

Hollande avait cyniquement promis que l’austérité n’était pas quelque chose d’inévitable. Le gouvernement de coalition grec avait bénéficié du soutien tacite du parti bourgeois de « gauche » SYRIZA qui s’était présenté contre lui aux élections sur un programme anti-austérité mais qui, par la suite, avait promis d’être une opposition « responsable » qui n’appellerait pas à faire grève et qui continuerait à soutenir l’Union européenne.

Quant au PP – élu sur la base d’une hostilité de masse contre la politique d’austérité du précédent gouvernement social-démocrate du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) – sa prétention de ne pas poursuivre une austérité du type grec en échange d’un renflouement de ses banques par l’UE est en train de s’évaporer rapidement en fumée.

Les réductions opérées par le PP sur les retraites et les dépenses publiques et ses attaques contre les droits du travail sont les plus dures depuis l’effondrement de la dictature fasciste de Franco. Les réductions des dépenses publiques de 16,5 milliards d’euros, 27 milliards d’euros et 65 milliards d’euros adoptées en janvier, en avril et en juillet – en plus des coupes claires dans les dépenses du gouvernement régional – sont en train de faire sombrer l’économie de l’Espagne.

Un quart des travailleurs espagnols et 52,9 pour cent des jeunes sont au chômage et, en dépit des engagements pris pour le renflouement des banques, l’économie se contracte. Le Fonds monétaire International prévoit une contraction de 1,2 pour cent de l’économie espagnole bien que les coupes gouvernementales soient basées sur des prévisions de contraction apparemment trop optimistes de 0,5 pour cent.

L’Espagne paie actuellement plus pour le service de sa dette qu’elle ne dépense en allocations chômage ou pour les budgets de ses ministères nationaux. Depuis le début de la crise économique mondiale en 2008, sa dette publique a plus que doublé, bondissant de 35,5 pour cent à 75,9 pour cent du produit intérieur brut (PIB) et le taux d’intérêt qu’elle paie sur sa dette a fait un bond en raison de la spéculation des banques et des institutions financières contre les obligations espagnoles.

Les banques espagnoles sont sur le point de demander un nouveau renflouement de 60 milliards d’euros vu que l’effondrement de l’immobilier espagnol continue de grever leurs bilans.

L’effet d’une telle politique se manifeste le plus clairement en Grèce. On s’attend maintenant à ce que l’économie grecque fasse cette année une chute de 7 pour cent au lieu des 4,7 pour cent estimés précédemment. Depuis le début de la crise de la dette grecque en 2009, l’économie de ce pays s’est contractée de près d’un quart.

Le magazine allemand Der Spiegel a rapporté qu’en raison de cet effondrement continu, les autorités de l’UE s’attendent à ce que le déficit du budget de la Grèce atteigne 20 milliards d’euros. Elles exigeront alors en Grèce des coupes sociales supérieures aux 11,5 milliards d’euros qu’Athènes propose actuellement. Comme précisé en juillet, celles-ci comprennent 5 milliards d’euros de coupes du budget du ministère du Travail (principalement dans les retraites) et des attaques contre les hôpitaux publics déjà dévastés en Grèce.

Ces coupes massives – les montants correspondant seraient aux Etats-Unis de 802 milliards de dollars, en Grande-Bretagne de 82 milliards de livres sterling et en Allemagne de 136 milliards d’euros – ravageront le tissu d’une société dans laquelle les travailleurs qui ont réussi à garder leur emploi ont déjà subi des réductions de salaire de l’ordre de 30 à 50 pour cent.

La négociation des réductions aura lieu dans le contexte d’un conflit grandissant au sein de l’élite dirigeante grecque. Selon des rumeurs, DIMAR pourrait s’effondrer, étant donné qu’au moins trois de ses 17 députés parlementaires ont déclaré vouloir voter contre les coupes.

La brigade financière grecque (SDOE) a publié dernièrement une liste de trente politiciens dont d’anciens ministres et d’influents parlementaires du ND, de PASOK et de SYRIZA qui sont soupçonnés d’évasion fiscale ou d’autres formes de fraude.

Le plan d’austérité de la France va réduire de 10 milliards d’euros un budget national de 376 milliards d’euros par l’imposition d’un gel des salaires et des embauches de salariés du secteur public, l’imposition d’une réduction générale de 5 pour cent des budgets prévus pour les ministères et une coupe de 2,7 milliards d’euros dans les dépenses des soins de santé. Les ministères de la Défense, des Finance et celui de l’Ecologie seraient tout particulièrement touchés, perdant respectivement 7.234, 2.353 et 1.276 postes.

Quant aux 20 milliards d’euros venant d’une hausse des impôts, une moitié sera réalisée en supprimant un certain nombre de niches fiscales sur les entreprises et l’autre moitié par une augmentation des impôts sur les ménages.

Le gouvernement PS et les médias ont claironné partout que grosso modo la moitié des hausses d’impôts des particuliers sera supportée par les ménages « les plus aisés ». C’est une tentative de dissimuler le caractère anti-ouvrier de la politique du Parti socialiste. Le taux d’imposition pour la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu doit passer à 45 pour cent et les revenus annuels excédant 1 million d’euros seront taxés à 75 pour cent.

Pour pouvoir examiner sérieusement ces mesures, l’on doit brièvement entrer dans l’univers de la politique fiscale française – ce qui signifie aborder ce que Karl Marx appelait, dans Les luttes de classe en France, l’« escroquerie pure », et qui caractérise les affaires financières françaises.

En 2010, les un et dix pour cent au sommet de la population française détiennent respectivement 181 milliards et 515 milliards d’euros. Néanmoins, l’augmentation au sommet de la tranche d’imposition et les impôts sur les revenus supérieurs à un million d’euros combiné ne rapporteront que 530 millions d’euros. Le montant total de 6 milliards d’euros levés en augmentant les impôts sur les nantis, dont la suppression des niches fiscales, ne constitue pas une partie substantielle de leur revenu.

Ceci est dû en partie à un système complexe d’exonération d’impôt et que les mesures de Hollande ne touchent pas sérieusement. Ces exonérations avaient permis en 2010 à Liliane Bettencourt de payer un taux d’imposition effectif de 9 pour cent sur les centaines de millions d’euros gagné sur la base de sa fortune de 24 milliards d’euros.

Et aussi en partie parce que la plupart des revenus de la classe dirigeante est le produit de revenus d’intérêt des avoirs et non de salaires – ce qui signifie que « l’imposition à 75 pour cent » de Hollande n’affecte pas sérieusement la plupart des membres de l’aristocratie financière.

Et pourtant, le budget d’austérité a été dénoncé par une partie de la presse, et le Figaro Magazine d’intituler son éditorial « Trop c’est trop. »

Des sections de la bourgeoisie qui soutiennent le PS affirment que l’actuel budget d’austérité n’est qu’un acompte d’attaques plus profondes contre la classe ouvrière et qui sont planifiées par le gouvernement PS. Celles-ci comprennent des propositions de « réformes » du marché du travail pour faciliter le recrutement, le licenciement et pour obliger les travailleurs à accepter le chômage partiel ainsi que pour réduire de 30 à 50 milliards d’euros le financement de la sécurité sociale par les entreprises.

Un éditorial du Monde a souligné le besoin d’un « véritable ‘choc de compétitivité’ dans le pays. » Il a précisé : « Le budget 2013 n’y contribue pas vraiment. Les réformes promises sur le marché du travail et le financement de la protection sociale seront à cet égard décisives. Le choc budgétaire d’aujourd’hui n’a de sens que s’il est complété rapidement par un puisant choc de compétitivité. Pour provoquer l’électrochoc dont la France a besoin. »

(Article original paru le 29 septembre 2012)

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