Grandes manifestations et violences policières en Grèce

Pendant que les dirigeants de l'Union européenne réunis à Bruxelles pour discuter de la manière de procéder avec la crise de l'euro, des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés à Athènes et dans d'autres villes grecques pour protester contre les mesures d'austérité de l'UE et leurs conséquences désastreuses pour la grande majorité de la population.

Rien qu'à Athènes, quelque 80 000 travailleurs se sont rassemblés dans divers lieux pour se rendre vers la place centrale Syntagma. La grande majorité des chemins de fer, des ferries et des bus ont été touchés par les actions de grève, ainsi que le trafic aérien. « Trop c'est trop, » déclarait à Reuters un employé de la compagnie des eaux. « Ils ont creusé nos tombes, nous ont poussés dedans et maintenant on attend que le prêtre lise les derniers sacrements. » D'autres manifestants scandaient « Assez, assez de l'UE et du FMI ! »

Les manifestations de jeudi 18 octobre étaient les troisièmes manifestations de masse contre les mesures d'austérité en un mois. Les précédentes avaient eu lieu durant la récente visite d'Etat de la chancelière allemande Angela Merkel, où plus d'une centaine de milliers de gens s'étaient rassemblés à Athènes. Les travailleurs grecs sont de toute évidence opposés à des coupes supplémentaires après deux ans d'attaques sociales brutales.

Les syndicats, qui avaient officiellement appelé à manifester, voulaient au départ les limiter à de petites actions décentralisées. Ils étaient déterminés à isoler les grèves en limitant la durée des arrêts de travail des ouvriers dans les secteurs-clefs de l'économie ou de l'administration. Les grèves dans les aéroports ont été limitées à une prolongation de trois heures de la pause déjeuner. La direction de la principale fédération syndicale, la GSEE, s'est réunie mardi avec le président du pays Karolos Papoulias pour discuter de la manifestation en détail.

Les syndicats ont essayé de rendre les grèves et les manifestations aussi peu efficaces que possible. Idéologiquement, ils ont été soutenus par divers groupes de pseudo-gauche comme la Coalition de la gauche alternative (SYRIZA), qui a cherché à détourner toutes les résistances contre les mesures d'austérité vers des voies iniffensives, favorables à l'UE. Une fois de plus lundi, le dirigeant de SYRIZA, Alexis Tsipras, a demandé à la radio que la Grèce reste dans l'UE et négocie correctement dans ce cadre.

Tandis que ces organisations perdent de plus en plus le contrôle sur ces manifestations, avec des masses de travailleurs se rassemblant en dépit des stratégies syndicales, le gouvernement réagit par une violence ouvertement assumée contre les manifestants. Le Guardian rapporte que de nombreux manifestants n'étaient même pas autorisés à se rendre sur la place Syntagma. Mais comme plusieurs milliers sont quand même venus se rassembler, 4000 policiers ont utilisé des gaz lacrymogènes, des grenades incapacitantes et des matraques pour déloger les manifestants de la place.

Le prétexte utilisé pour cette offensive étatique ont été les actions d'un groupe d'individus masqués qui lançaient des bombes incendiaires et des pierres sur les policiers lourdement armés. Ce jeu du chat et de la souris est bien connu des observateurs des précédentes organisations et sert invariablement à donner une raison à la police pour intervenir et vider la place.

Mais cette fois, la police a interrompu la manifestation avant qu'elle n'ait réellement débuté. Le Guardian a cité un manifestant disant que moins de la moitié des manifestants avait atteint la place avant que la police ne commence à utiliser des lacrymogènes pour évacuer les manifestants. Un manifestant de 67 ans est mort. Les médias grecs ont rapporté qu'il avait eu une crise cardiaque après avoir été aspergé de lacrymogènes.

Ces derniers mois, la police est intervenue agressivement contre de multiples grèves et manifestations de travailleurs. En même temps, des indices de plus en plus clairs montrent qu'elle collabore étroitement avec le parti néo-fasciste Chrysi Avgi (Aube dorée) dans ses attaques et intimidations contre les travailleurs et les immigrés. Les attaques sociales brutales dictées par l'UE mènent inexorablement à l'imposition de formes de gouvernement ouvertement autoritaires en Grèce.

Pendant que la police attaquait les manifestants avec des gaz lacrymogènes à Athènes, les dirigeants de l'UE entamaient leurs délibérations à Bruxelles sur l'avenir de l'UE et de la Grèce. Durant les préparatifs du sommet, des divisions aigües ont émergé entre les principaux membres de l'UE, mais en même temps, tous les dirigeants réunis s'accordent sur la nécessité d'accentuer les attaques contre les travailleurs.

Avant ce sommet, les pays de l'euro avaient signalé qu'ils étaient prêts à verser à la Grèce les crédits d'aide déjà promis de 31,5 milliards d'euros, sans lesquels le pays serait insolvable courant novembre. En retour, cependant, les dirigeants européens insistent sur la nécessité pour le gouvernement grec d'imposer davantage de coupes budgétaires et d'attaques sociales.

Pas un centime sur les milliards d'aide promis ne finira chez les millions de travailleurs grecs et leurs familles qui luttent pour joindre les deux bouts. Beaucoup n'ont pas perçu leur salaire ou leur retraite depuis des mois. Mais "l'aide" n'ira que dans les coffres et les comptes des banques et des spéculateurs, dont les avoirs et les profits sont garantis. D'après des comptes-rendus de la presse, le gouvernement allemand a proposé vendredi de transférer les prêts d'urgence directement vers un compte spécifique auquel le gouvernement grec n'aura pas accès. Cela vise à empêcher que cet argent ne serve à tout autre chose que le paiement de la dette et le remboursement des intérêts.

Bien que les salaires et les retraites aient été réduits de 60 pour cent ces deux dernières années, pendant que les taxes affectant les masses ont été augmentées et que le chômage a augmenté jusqu'à plus de 24 pour cent, le gouvernement grec a largement accepté les exigences de la troïka. Il resserre une fois de plus l'écrou de l'austérité avec des coupes budgétaires supplémentaires entre 13,5 et 14,5 milliards d'euros. Ces mesures impliqueront des réductions supplémentaires de salaires et de retraites allant jusqu'à 20 pour cent et des licenciements dans le secteur public.

Le gouvernement a pendant un certain temps cherché à éviter ce dernier pas, non seulement parce cela viole la constitution grecque, mais également parce que l'appareil d'Etat en sera déstabilisé. Un certain nombre de lois et d'édits n'ont pas été appliqués par les chefs de services ou leurs équipes qui ne sont pas d'accord avec leur contenu. D'après les derniers plans publiés, deux à trois mille fonctionnaires devraient être licenciés avant la fin de l'année, et 11 000 l'an prochain.

La troïka avait organisé ces dernières mesures d'austérité au dernier moment et mis la pression sur le gouvernement en retenant les paiements d'une tranche de crédit qui devait, à l'origine, être payée en juin. Une fois que le gouvernement grec s'est plié à ses diktats, la troïka est venue avec une nouvelle liste de demandes qui ont moins à voir avec les coupes budgétaires qu'avec les besoins des compagnies internationales et des investisseurs.

Ces nouvelles propositions comprennent l'extension des heures de travail, l'intensification des trois-huit, et une réduction des garanties d'emplois. Bien que certains représentants du gouvernement aient annoncé qu'ils ne sont pas prêts à soutenir entièrement de telles mesures, on peut s'appuyer sur les expériences précédentes pour prédire qu'elles seront toutes appliquées à la lettre.

Voilà la politique de l'UE imposée actuellement à la population grecque par la police à l'aide de lacrymogènes et de matraques. Pour lutter efficacement contre cet assaut, la priorité des travailleurs est de rompre politiquement avec les groupes de la pseudo-gauche et les syndicats qui tentent de subordonner leurs manifestations à ces institutions mêmes de l'UE qui mènent ces attaques.

Les travailleurs doivent adopter un programme socialiste international s'appuyant sur l'unité des travailleurs de toute l'Europe, pour renverser le capitalisme et établir les États socialistes unis d'Europe.

 

(Article original paru le 19 octobre 2012)

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