Perspectives

Le débat Obama-Romney: Des questions ignorées et laissées sans réponse

Le débat du mardi 16 octobre entre le président Barack Obama et son opposant républicain, Mitt Romney, fut présenté comme une réunion à l’hôtel de ville, où les deux candidats doivent répondre à des questions posées par de « vrais Américains » sur les sujets les plus importants entourant l’élection. L’évènement avait en apparence pour but « de se rapprocher du peuple ».

Cependant, autant dans la forme que dans le contenu, il a illustré combien toute l’élection était préparée et qu’aucune question sérieuse ne pouvait être posée, sans parler d’obtenir des réponses. Le caractère ritualisé de la politique américaine est devenu tellement omniprésent que rien de spontané ne peut être permis, au cas où cela briserait la façade et ferait s’écrouler tout l’édifice de mensonges.

Afin de s’assurer du contrôle, l’agence de sondage Gallop a premièrement sélectionné 82 personnes pour représenter les « électeurs indécis », une catégorie de la population qui, tout comme la « grande classe moyenne américaine » est largement une fiction politique et médiatique. Les millions de gens qui détestent les deux candidats ou qui sont si dégoûtés et aliénés qu’ils ne prennent même pas la peine de voter sont exclus de cette catégorie.

Ces 82 personnes ont soumis des questions au préalable à la modératrice, Candy Crowley, la correspondante politique en chef de CNN et une commentatrice fidèle à l’establishment. Crowley a déterminé quelles questions seraient posées en décidant lesquels des 82 auraient droit de parole.

Ceux qui posent les questions sont essentiellement des accessoires dans la production médiatique. Lorsqu’ils lisent leurs questions approuvées d’avance, on sent que si l’un d’eux ose s’éloigner de son texte, il sera interrompu et emmené d’urgence dans les coulisses pour un « interrogatoire musclé ». Afin de s’assurer qu’il n’y ait pas d’improvisation non autorisée, le microphone était coupé dès que le questionneur avait fini de lire sa question.

Plus significatif que les questions posées étaient celles qui ne l’ont pas été, et qui ne pouvaient pas l’être.

Comme celles-ci :

* Monsieur le Président, quel est précisément votre justificatif pour assassiner les citoyens américains sans recours à un procès judiciaire ? Lorsqu’il lui a été demandé si le droit prétendu de l’administration de cibler des gens pour les tuer s’applique aussi aux citoyens qui vivent aux États-Unis, le directeur du FBI, Robert Mueller, a dit plus tôt cette année qu’il n’était « pas certain ». Est-ce que vous considérez qu’il est justifié de tuer un citoyen américain d’après votre seule décision ?

* Président Obama, est-ce que c’est vrai, comme il a été rapporté dans le New York Times, que vous tenez une réunion tous les mardis afin de décider personnellement qui sera tué par les drones américains à travers le monde ? Combien d’exécutions avez-vous ordonnées ? Pourquoi votre administration s’oppose-t-elle à la poursuite des responsables de l’administration Bush pour la torture et l’espionnage au pays ?

* Pour les deux candidats. Quelles nouvelles guerres sont en train d’être préparées à l’insu du peuple américain ? Quelles garanties ont été données à Israël que les États-Unis vont attaquer l’Iran l’année prochaine ? Est-ce que les États-Unis sont prêts à aller en guerre contre la Russie et la Chine s’ils s’opposent à une telle action ? Est-ce que les États-Unis vont utiliser l’arme nucléaire dans l’un ou l’autre de ces conflits ?

* Président Obama et gouverneur Romney, comment se fait-il qu’aucun banquier ou gestionnaire de fonds spéculatif n’ait été tenu responsable du krach sur Wall Street qui a déclenché la crise économique mondiale? Pouvez-vous expliquer comment les actions en bourse et les profits des entreprises montent en flèche tandis que la pauvreté et de chômage de masse atteignent des taux records?

* Les démocrates et les républicains négocient actuellement la mise en oeuvre de billions de dollars de coupes dans les programmes sociaux. Quelles coupes êtes-vous prêt à effectuer? N’est-ce pas un objectif essentiel de vos politiques communes de réduire les dépenses en santé et d’abaisser l’espérance de vie de millions d’Américains ordinaires?

Et l’on pourrait en poser bien d’autres...

Dans leurs réponses aux questions qui ont été véritablement posées, les candidats et le modérateur ont fait bien attention de ne pas soulever les sujets les plus importants. Dans une discussion sur les politiques énergétiques où les deux candidats ont tenté de montrer qui allait rendre le plus de territoire fédéral accessible à l’exploitation de pétrole et de gaz naturel, personne n’a mentionné l’explosion, en 2010, de la plateforme de forage de BP qui a tué 29 travailleurs et causé la plus importante catastrophe environnementale de l’histoire des États-Unis.

Les échanges sur la Libye et le meurtre d’un ambassadeur américain ont ignoré le fait que les États-Unis, supposément en pleine « guerre contre le terrorisme », se sont alliés à des djihadistes islamiques qui entretiennent des liens avec Al-Qaïda pour renverser les gouvernements de la Libye et de la Syrie. Avant le débat, le New York Times avait rapporté que les armes envoyées aux « rebelles » syriens, avec l’aide de la CIA, allaient principalement aux forces d’Al-Qaïda. Mais cela ne peut être discuté car le prétexte central de la politique étrangère américaine des 11 dernières années, celui utilisé pour justifier des guerres sans fin et la destruction des droits démocratiques, serait complètement anéanti.

Un commentaire de Romney a bien résumé le premier débat: peu importe qui allait être élu, les riches allaient être en bonne position. Le deuxième débat a été illustré par le commentaire final d’Obama : « Je crois que le système de libre entreprise est le plus grand moteur de prospérité que le monde ait connu. Je crois en l’autonomie et en la récompense de l’initiative individuelle et de ceux qui prennent des risques. »

Voilà la question la plus importante. Les deux candidats défendent sans réserve le système capitaliste et les intérêts de l’élite financière et patronale. Ils parlent tous deux au nom d’une classe dirigeante qui a entraîné le monde dans la plus grande crise depuis les années 1930.

En plus de tous les sujets vides proposés par les médias, le cynisme de toute l’affaire s’est exprimé le plus clairement dans un slogan d’ABC News : « Votre voix, votre vote. » Un slogan plus approprié pour l’élite patronale et financière serait : « Votre argent, votre candidat. Vous décidez. »

Les travailleurs et les jeunes ont un choix important à faire. Il ne s’agit pas de décider pour lequel de ceux deux partis de la grande entreprise ils devraient voter, mais plutôt établir ce qui doit être fait avec tout l’ordre politique établi et le système économique.

Le Parti de l’égalité socialiste et ses candidats Jerry White et Phyllis Scherrer interviennent dans les élections américaines afin de lutter pour la construction d’une nouvelle direction politique dans la classe ouvrière. Le PES organise des conférences ce mois-ci et en novembre pour tirer les leçons des élections et discuter du programme socialiste qui est nécessaire pour la construction de cette nouvelle direction. Nous pressons les travailleurs et les jeunes à assister à ces conférences.

(Article original paru le 18 octobre 2012)

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