Des manifestations accueillent les débats parlementaires en France sur le traité européen pro-austérité

Quelque 50.000 personnes ont défilé dimanche, 30 septembre, à travers Paris pour protester contre le Traité européen de stabilité et la politique d’austérité du gouvernement du Parti socialiste (PS) de François Hollande.

La veille, des dizaines de milliers de travailleurs, de jeunes, de chômeurs et de retraités avaient défilé dans des manifestations de par le Portugal et l'Espagne pour protester contre la politique d’austérité qui est imposée par les banques et les gouvernements de l’Union européenne (UE.)

La manifestation a eu lieu au milieu d’une opposition croissante contre la politique d’austérité que Hollande poursuit depuis qu’il a battu, en mai dernier, lors des élections présidentielles françaises le conservateur sortant, Nicolas Sarkozy.

Le quotidien Les Dernières Nouvelles d’Alsace a commenté que « pour une partie de son électorat et même de sa base, » Hollande représente « une sorte de continuité avec le précédent gouvernement » et évoque « le désenchantement. »

Ceci est tout particulièrement évident dans le cas du traité européen. Après avoir cyniquement fait campagne avec la promesse électorale que l’austérité n’était pas une fatalité, Hollande est en train de promouvoir un traité qui obligera les gouvernements à réduire les déficits et à rembourser les banques tandis que les mesures d’austérité qui ont déjà appauvri une grande partie de la classe ouvrière européenne seront intensifiées.

Le gouvernement a soumis le traité hier, 2 octobre, au parlement avec le plein soutien de l’UMP (Union pour un mouvement populaire) conservatrice de Sarkozy. Connu sous le nom de traité Merkozy, il a été en grande partie rédigé conjointement par la chancelière allemande Angela Merkel et Sarkozy.

Le vendredi, 28 septembre, Hollande avait aussi annoncé un budget d’austérité pour 2013 avec l'engagement de réduire de 30 milliards d’euros (39 milliards de dollars) le déficit. Le gouvernement PS n’a pas bronché non plus contre les fermetures d’usines et les licenciements de masse pratiqués par les grands patrons dont le constructeur automobile PSA, le groupe sidérurgique Arcelor Mittal et le groupe pharmaceutique Sanofi.

De nombreux manifestants ont exprimé dimanche leur déception des quatre premiers mois de Hollande au gouvernement en disant avoir été « floués ». Nombre d’entre eux avaient voté pour Mélenchon au premier tour des élections et pour Hollande au second.

Jordi, de Nantes a dit à Libération : « Hollande s’était engagé à renégocier le traité Merkozy, mais pas une virgule n’a été changée. » D’autres ont dit : « Ce traité va provoquer la paupérisation des citoyens… La France va finir par ressembler à l’Espagne ou à la Grèce. »

Christine, enseignante dans un lycée parisien, a exprimé la déception grandissante de tous ceux à qui Mélenchon avait dit qu’on pouvait contraindre un gouvernement PS à s’opposer aux dictats des banques. Elle a regretté que certaines propositions, tel le droit de vote pour les immigrés aux élections locales n’ait pas été appliqué : « Hollande avait promis qu’il gouvernerait autrement… A vrai dire, quand il est arrivé au pouvoir, je m’attendais à quelque chose de mou, mais pas d’aussi mou. »

En fait, Hollande poursuit impitoyablement l’application des dictats de la classe dirigeante. S’il semble être « mou », c’est parce que les forces petites bourgeoises de « gauche » en France – qui ont appelé à manifester – promeuvent l’illusion que Hollande cherche à aider les travailleurs. Hollande semble alors « mou » parce qu’il adopte une politique qui n’aide pas la classe ouvrière mais lui nuit, car elle est en phase avec les intérêts du capital financier.

La manifestation parisienne a été appelée par Jean-Luc Mélenchon – candidat présidentiel du Front de Gauche, une alliance entre le Parti communiste (PCF) et le Parti de gauche (PG), une scission du PS – et a été soutenue par 60 partis et associations pseudo-gauches. Parmi eux on compte le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), le mouvement anti-mondialisation Attac et la Confédération générale du Travail (CGT) dominée par le PCF.

La décision de ces organisations d’appeler à manifester est profondément cynique. Elles soutiennent le PS et elles avaient appelé à voter inconditionnellement pour Hollande lors des élections présidentielles de mai en sachant pertinemment que la priorité de Hollande était l’austérité sociale et l’adoption de la législation réactionnaire européenne. Elles n’ont lancé cet appel à manifester que pour qu'elle serve de soupape de sécurité au milieu d’une colère populaire grandissante et afin de masquer le fait qu’elles soutiennent le gouvernement Hollande dans ses efforts pour poursuivre son programme d’austérité.

Leur crainte primordiale est que sinon la classe ouvrière pourrait entamer une lutte politique incontrôlée contre le gouvernement PS, les banques et les mesures d’austérité européennes, et qui aurait des implications révolutionnaires.

Les organisateurs de la manifestation ont affirmé qu’ils espéraient qu'elle influencerait les débats sur le traité européen qui ont débuté hier, 2 octobre, au parlement. Mélenchon lui-même a affirmé que l’« on y verra plus clair » après la manifestation bien qu’il ait catégoriquement refusé de se déclarer être lui-même un « adversaire » du PS.

Ceci n’est qu’une fanfaronnade malhonnête de plus de Mélenchon. Vu que le PS dispose d’une majorité et qu’il bénéficie du soutien de l’UMP, les 10 députés du Front de Gauche – tout comme le menu fretin parlementaire des Verts et les quelques députés dissidents du PS – n’auront absolument aucun impact. Ils fourniraient tout au plus un soutien politique à d’éventuels changements que le PS déciderait d'apporter lui-même au traité.

En effet, bien que le Conseil fédéral des Verts ait voté en septembre contre la ratification du traité, la direction a promis de voter le budget. La dirigeante des Verts, Cécile Duflot, a déclaré jeudi dernier, 27 septembre, que le traité était le choix d'une voie menant à la réduction de la dette, dans une situation insoutenable.

Mélenchon met en avant la conception réactionnaire et utopiste que l’UE, qui est constituée de gouvernements bourgeois de droite ou de la « gauche » bourgeoise, est capable de construire une « Europe sociale » par opposition à une « Europe de l’austérité. »

Il est significatif de noter que le rassemblement à Paris a été salué par un autre promoteur bien connu de cette conception : Alexis Tsipras, dirigeant du parti petit-bourgeois de « gauche », SYRIZA, et pour lequel Mélenchon ne tarit pas d'éloges. Durant les élections de cette année en Grèce, Tsipras avait assuré à maintes reprises aux médias internationaux qu’il veillerait à ce que la dette grecque soit remboursée aux banques. (Voir : « En tournée européenne, le dirigeant du parti grec SYRIZA, Tsipras, promet de rembourser les banques »)

(Article original paru le 3 octobre 2012)

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