Le discours du président chinois indique l'incertitude et des crises à venir

Le secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC) sur le départ, Hu Jintao, a prononcé le discours d'ouverture du 18e congrès national hier, établissant les grandes lignes de l'action de la prochaine direction, qui sera dirigée par le Vice-président Xi Jinping. La notion principale du discours était l'expansion et l'amélioration de la situation juridique du secteur privé dans l'économie, tout en maintenant une politique étrangère de « développement pacifique » dans une tentative d'appaiser les États-Unis.

Le discours de Hu était un résumé de son rapport, approuvé la semaine dernière par le plenum final du Comité central. C'était une tentative de trouver un équilibre entre les factions rivales du parti et de mettre fin aux divergences aigues qui ont émergé cette année. Pour envoyer un signal au monde entier sur l'unité du parti, Hu, de la faction Ligue des jeunes communistes, est entré dans le Grand hall du peuple avec juste derrière lui l'ex-président Jiang Zemin, de la « clique de Shanghai ».

Quelques 2700 journalistes étaient présents au congrès, dépassant en nombre les 2300 délégués. C'est une indication de l'importance de la Chine, et donc de sa direction, pour le capitalisme global. Hu ne s'est pas donné la peine de prétendre que le congrès était un rassemblement de communistes – le terme « classe ouvrière » n'est pas apparu dans le discours, et sa référence au « Socialisme à caractéristiques chinoises » était un euphémisme pour le capitalisme chinois. Son discours s'adressait à « tous les compatriotes chinois » — en premier lieu les sections de l'élite fortunée et des classes moyennes — avec un appel nationaliste « pour la grande rénovation de la nation chinoise. »

Les rodomontades de Hu sur la Chine principale exportatrice du monde et deuxième plus grande économie ne pouvaient pas dissimuler les énormes contradictions du pays. Sans admettre explicitement le ralentissement de la croissance chinoise, ni le gouffre de plus en plus large entre riches et pauvres, ou le risque de conflit avec les États-Unis et le Japon, Hu a admis que le PCC était confronté à « des risques et des défis inconnus jusqu'à présent. »

Derrière la croissance en baisse en Chine, il y a la dépression continue dans ses principaux marchés d'exportation, notamment aux États-Unis, en Europe et au Japon. Hu en a appelé à une « dure bataille » pour « renforcer la demande intérieure » et « libérer le potentiel de la consommation individuelle » afin de doubler le PIB par habitants entre 2010 et 2020. Mais la promotion d'une croissance emmenée par les consommateurs est confrontée à un obstacle majeur. Toute augmentation significative des salaires réels est incompatible avec l'émergence de la Chine comme plus grande plate-forme mondiale de travail au rabais après que le PCC se soit lancé dans la restauration capitaliste en 1978.

La direction sous Hu parle depuis des années de « rééquilibrer » la croissance emmenée par les exportations et l'investissement vers la consommation intérieure. Pourtant, le niveau de la consommation des ménages en Chine reste parmi les plus bas du monde, représentant tout juste 37 pour cent du PIB, comparé à 70 pour cent aux États-Unis. En réalité, la promesse de Hu de doubler le revenu moyen en 2020 signifiera un nouvel assaut contre le niveau de vie de la classe ouvrière, visant à enrichir encore plus les riches et les classes moyennes.

Le président Hu et le Premier ministre Wen Jiabao ont préparé un programme de restructurations « libérales » à grande échelle, conjointement mis au point avec certaines sections du capital occidental, sous la forme du rapport « Chine 2030 » publié par la Banque mondiale en février.

Dans son discours, Hu a déclaré que la Chine devrait « s'assurer que le secteur privé de l'économie est en compétition à armes égales » avec le secteur public et « permet à la propriété publique d'adopter des formes plus variées. » Un grand nombre des 100 000 entreprises encore publiques dans le pays, dont la plupart sont déjà partiellement détenues par des intérêts privés, vont être vendues à des entreprises privées et étrangères, et, surtout, aux officiels du PCC qui sont pour le moment leur PDG ou président.

En même temps, Hu a appelé au maintien de la protection des grandes entreprises publiques dans des secteurs « stratégiques » comme la défense et l'énergie, ainsi que dans les industries « piliers » comme l'automobile, les machines et l'acier. Il a dit que le régime « investira plus de capitaux publics dans les grandes industries et les secteurs-clefs qui constituent la ligne de vie de l'économie et sont vitales pour la sécurité nationale. » Cette référence visait à rassurer des factions rivales dont la puissance, la richesse et les privilèges sont liés aux industries protégées par l'état.

Hu a laissé entrevoir les tensions sociales énormes qui parcourent la Chine en prononçant un avertissement plus direct qu'à son habitude au sujet de la corruption endémique du PCC. « Si nous ne parvenons pas à régler ce problème [la corruption] comme il le faut, cela pourrait se révéler fatal au parti, et même causer l'effondrement du parti et de l'état, » a-t-il dit.

La corruption est devenue très visible avec l'expulsion de dirigeants de haut niveau du parti – Bo Xilai et Lui Zhijun – dont les fortunes privées ont été publiquement exposées une fois qu'ils ont perdu les luttes intestines entre factions. La crainte exprimée par Hu est que la colère populaire contre la corruption à tous les niveaux du PCC puisse générer une opposition politique active au régime.

L'appel de Hu à une nouvelle tournée de restructurations pro-libérales, visant à ouvrir de nouvelles opportunités aux multinationales, vise également à apaiser les grandes puissances, notamment les États-Unis. Juste avant que le congrès du PCC n'ouvre, Hu s'est précipité pour féliciter Barack Obama pour sa réélection à la tête des États-Unis et appeler à une relation de coopération.

Hu a construit la politique étrangère de la Chine au cours de la décennie écoulée sur la doctrine d'une « montée pacifique » - se servir de la puissance économique de la Chine pour tisser des liens diplomatiques en Asie et au-delà. Mais cette stratégie est de plus en plus critiquée par les factions opposées à Hu et certaines sections de l'armée chinoise, en raison de l'offensive diplomatique et stratégie appelée "pivot" lancée par l’administration Obama en Asie et qui a fortement contré l'influence de la Chine dans la région.

Hu a souligné le besoin « de paix et non de guerre », ainsi que « d'être amis avec nos voisins » comme fondements de la diplomatie globale chinoise. Néanmoins, il a pris à son compte une « défense active pour la nouvelle période » et le besoin « d'intensifier la préparation militaire » pour gagner la guerre locale à l'ère de l'information. » Il a également appelé à des mesures qui « augmentent notre capacité à exploiter les ressources maritimes, sauvegarder résolument les droits maritimes et les intérêts chinois, et établir la Chine comme puissance maritime. »

Ces mots visent clairement à rassurer ceux qui ont critiqué Hu pour être trop faible en réaction aux conflits maritimes avec les Philippines, le Vietnam et le Japon qui ont été délibérément ravivés par le gouvernement d'Obama. L'armée chinoise, en particulier, est inquiète des efforts des Etats-Unis pour renforcer leur domination navale sur des voies de communication clefs en Asie du Sud-Est et dont dépend la Chine pour l'importation d'énergie et de matières premières depuis le Moyen-Orient et l'Afrique.

La tentative de Hu d'établir une trajectoire moyenne à travers les divergences internes au parti sur la politique étrangère et économique ne peut créer qu'une unité temporaire, le régime étant confronté à une crise économique qui s'approfondit, des tension sociales et la confrontation avec les États-Unis.

(Article original paru le 9 novembre 2012)

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