La réélection d’Obama

À la fermeture des bureaux à travers le territoire continental des États-Unis, le président Barack Obama était en voie d’être réélu avec une marge confortable au collège électoral, tout en prenant de l’avance dans le vote populaire après minuit, alors que les résultats de la côte ouest ont commencé à arriver.

Le candidat républicain Mitt Romney a appelé Obama pour concéder la victoire juste avant 1 h, puis a fait une déclaration télévisée de concession devant les partisans réunis au siège de son parti à Boston. Il a déclaré l’élection terminée et appelé à une collaboration bipartite avec la nouvelle administration.

Ce geste visait à rassurer Wall Street et les marchés financiers mondiaux qu’il n’y aurait pas de vide politique comme après l’élection de 2000 contestée, et que les deux partis de la grande entreprise agiraient rapidement pour réduire le déficit fédéral.

Le discours de victoire d’Obama, prononcé juste avant 2 h du matin, reprenait les mêmes thèmes. Ce dernier a minimisé l’idée que sa victoire électorale puisse représenter le moindre mandat, parlant plutôt des « compromis difficiles » qui s’annoncent.

Il s’est engagé à « s’asseoir avec le gouverneur Romney pour parler des enjeux sur lesquels nous pouvons travailler ensemble ».

« Je suis impatient de rejoindre et de travailler avec les dirigeants des deux partis pour réduire le déficit et réformer le système fiscal, a déclaré Obama, ajoutant : Vous avez voté pour l’action, pas pour les politiques habituelles ». Cela doit être compris comme une promesse que le président réélu va agir rapidement pour arriver à un accord avec les républicains au Congrès pour proposer un budget en conformité avec les exigences de Wall Street.

Obama va remercier ses électeurs en appliquant des mesures qui dévasteront leur emploi, leur niveau de vie et leurs conditions sociales. Le « grand marchandage » qu’il a promis de négocier avec les républicains se fera au détriment de la classe ouvrière et comprendra des milliers de milliards de dollars en compression dans la sécurité sociale, Medicare, Medicaid et autres programmes sociaux.

Obama a également salué l’armée américaine, en mentionnant spécifiquement les troupes des forces spéciales qui ont tué Oussama Ben Laden. Il a également affirmé que son administration allait « mettre fin à la guerre ». En cela, il faisait référence à l’Afghanistan. Or les troupes américaines y resteront en force pendant des années encore, tandis que celles qui seront déplacées seront en fait redéployées pour intervenir en Syrie, en Iran ou contre d’autres objectifs dans des attaques militaires impérialistes.

Tous les grands réseaux de télévision ont prédit entre 23 h et minuit la victoire d’Obama dans les États clés chaudement disputés tels le New Hampshire, l’Ohio, le Wisconsin, l’Iowa, le Colorado et le Nevada. Obama a également obtenu des victoires claires, mais serrées en Floride et en Virginie, et on prévoyait des victoires probables pour le candidat démocrate dans ces deux États pour mercredi matin. Romney ne l’a remporté que dans un seul des États avec un écart minime : la Caroline du Nord.

Obama a obtenu 303 votes électoraux, contre 206 pour Romney, un total de 270 étant requis pour l’emporter. Obama était susceptible de remporter les 29 votes électoraux de Floride, ce qui n’influera pas sur le résultat de la course à la présidence de toute façon.

Bien que les aides de la campagne républicaine et les experts de droite des médias ont suggéré que Romney pouvait faire une percée finale en Pennsylvanie, au Michigan ou au Minnesota, Obama l’a remporté dans ces trois États avec des marges importantes. En fin de compte, Romney n’a réussi à gagner que deux États de plus que John McCain, le candidat républicain en 2008 : l’Indiana et la Caroline du Nord.

Obama a balayé les États densément peuplés du Nord-Est, du Maine au Maryland, tous les États du Midwest industriel à l’exception de l’Indiana, ainsi que la côte ouest, dont la Californie, l’État le plus peuplé du pays. Romney a remporté la majeure partie du Sud et les États des plaines faiblement peuplés, de même qu’une partie des États des Rocheuses.

Le vote est une expression de profonde hostilité populaire envers à la fois la couche sociale incarnée par Romney, l’ex-PDG de Bain Capital, c’est à dire, les parasites financiers responsables du krach de 2008 et de la récession économique qui a suivi, et également à la politique ultra-droitiste du Parti républicain. Il montre aussi que des illusions subsistent au sein de la classe ouvrière qui voit en Barack Obama, en dépit de sa feuille de route des quatre dernières années, une alternative à Romney et à l’élite financière, bien que le soutien populaire pour Obama ait considérablement diminué depuis 2008.

Beaucoup de ceux qui ont voté pour Obama l’ont fait pour empêcher la victoire de Romney et des républicains, et non pas parce qu’ils étaient enthousiastes à l’idée d’un second mandat d’Obama.

Un sondage mené par NBC à la sortie des urnes a donné un aperçu de ces sentiments populaires, montrant qu’une large majorité des personnes interrogées (54 %) pensent que le système économique américain favorise les riches plutôt que d’être juste envers tous; 52 % ont dit que Romney favorisait les riches, tandis que 35 % ont dit qu’il serait favorable à la classe moyenne et 2 % aux pauvres. La même question à propos de Barack Obama a suscité une réaction très différente : seulement 10 % ont dit qu’Obama favorisait les riches, 43 % la classe moyenne, et 31 % les pauvres.

Les résultats du vote du 6 novembre ont souligné le fossé entre la représentation du paysage politique américain par les médias et l’establishment politique – dont le Parti démocrate – et les sentiments réels de la population. La présentation considérablement gonflée de la popularité et de la force de la droite républicaine s’est dégonflée avec la défaite des candidats dans les grandes courses soutenues par le Tea Party. Dans les États chaudement disputés, Romney a fait beaucoup moins bien que prévu.

Les républicains ont essuyé une débâcle au Sénat américain, où ils avaient pourtant prévu faire des gains significatifs, étant donné que les démocrates avaient à défendre 23 des 33 sièges à pourvoir. Au lieu de cela, les démocrates ont augmenté leur marge.

Les candidats démocrates (et dans le cas du Maine, un candidat indépendant allié aux démocrates) ont remporté presque toutes les courses serrées, remportant les sièges républicains dans le Massachusetts, le Maine, et l’Indiana, tout en conservant les sièges démocrates du Connecticut, de la Virginie, de la Floride, de la Pennsylvanie, de l’Ohio, du Missouri, du Wisconsin, du Dakota du Nord, du Montana et du Nouveau-Mexique.

Les résultats dans le Missouri et l’Indiana sont particulièrement frappants, alors que les républicains soutenus par le Tea Party y avaient remporté les primaires âprement contestées, pour ensuite perdre les campagnes électorales générales alors qu’ils étaient fortement favorisés pour gagner.

Plus que jamais, il est clair que le Tea Party a été créé par certaines sections des médias et de l’élite entrepreneuriale à la suite de l’effondrement républicain en 2008 comme un instrument pour faire passer des politiques d’extrême droite et déplacer le spectre politique officiel vers la droite. En dépit de l’énorme publicité donnée à ce groupe d’extrême droite, son soutien populaire reste négligeable.

Les véritables positions du Tea Party – le chauvinisme anti-immigrant, le militarisme, l’élimination des programmes sociaux gouvernementaux, la suppression de tous les règlements sur le monde des affaires – répugnent la grande majorité de la population.

Les sondages effectués à la sortie du scrutin ont montré, par exemple, que 65 % de ceux qui ont voté en 2012 favorisaient l’octroi du statut légal aux travailleurs immigrés sans papiers, alors que seulement 28 % d’entre eux favorisaient leur déportation massive.

Comme toujours, les démocrates vont interpréter leur victoire dans les termes les plus sobres et conservateurs. La dernière chose qu’ils veulent, c’est bien un mandat pour s’opposer à la ploutocratie, car ils servent les mêmes intérêts des entreprises. Ils vont tendre le rameau d’olivier aux républicains et permettre à la Chambre contrôlée par ceux-ci de fixer l’ordre du jour à Washington, comme c’est le cas depuis ces deux dernières années.

Le résultat des élections aux 435 sièges à la Chambre n’a pratiquement rien changé, les démocrates ayant regagné quelques sièges perdus en 2010, en particulier dans le Nord-Est, en Illinois, en Floride et en Californie, tandis qu’ils en ont perdu quelques autres éparpillés ailleurs dans le Sud et dans le Midwest. Ils ont certes terminé avec un gain net d’une poignée de sièges, mais ils restent loin des 25 sièges supplémentaires requis pour gagner le contrôle de la Chambre.

La Maison-Blanche n’a fait pratiquement aucun effort pour élire une Chambre contrôlée par les démocrates, le président s’étant limité à préparer un appel téléphonique enregistré pour offrir son soutien personnel à un seul candidat démocrate au Congrès.

La réaction des porte-paroles des deux partis a démontré l’agressivité continue de la droite républicaine, en dépit de la défaite présidentielle, de même que le désir intact des démocrates de s’entendre avec les républicains : John Boehner, président de la Chambre et républicain le plus important à Washington, a déclaré que l’élection ne constituait « pas un mandat pour augmenter les impôts » ; Julian Castro, choisi par Obama en tant que conférencier d’honneur lors de la convention démocrate, a pour sa part déclaré que l’élection était « un mandat pour le compromis ».

(Article original paru le 7 novembre 2012)

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