Le Parti québécois, les associations étudiantes et la supercherie du sommet de l’éducation

La préparation du Sommet sur l’enseignement supérieur du Parti québécois, auquel participent activement les syndicats et les fédérations étudiantes, révèle de plus en plus clairement le rôle du nouveau gouvernement minoritaire au Québec : continuer et intensifier le programme d’austérité des libéraux qui l’ont précédé.

Sous le couvert de thèmes tels que la «qualité de l’enseignement» ou «l’accessibilité aux études supérieures», le véritable contenu du sommet qui doit se tenir en février prochain est clairement aligné sur les politiques de rigueur du gouvernement péquiste, à commencer par le budget d’urgence exceptionnellement déposé en novembre qui a été acclamé par l’élite patronale et financière du Québec pour ses plus importantes coupes dans les dépenses sociales en 15 ans.

Début décembre, le gouvernement de Pauline Marois a ordonné aux universités de la province de réduire leurs dépenses de 124 millions de dollars avant la fin de l’exercice financier courant qui se termine le 31 mars prochain. Les recteurs jugent que cet effort budgétaire supplémentaire est impossible à respecter et affirment que la qualité des universités en sera profondément affectée.

L’adoption rapide de mesures d’austérité par le gouvernement du PQ ne devrait être une surprise pour personne : il répond, tout comme l’ensemble des gouvernements du Canada et de par le monde, aux exigences du capital financier en termes de coupes draconiennes dans les dépenses publiques dans le cadre de la pire crise du système capitaliste mondial depuis la Grande Dépression des années 1930. Lors de son précédent mandat, entre 1994 et 2003, le PQ avait effectué les pires coupes sociales de l’histoire de la province sous le thème du «déficit zéro». Avant de prendre le pouvoir cette année, le PQ de Marois, en tant qu’opposition officielle, se faisait un devoir de critiquer l’insuffisance des coupes budgétaires du gouvernement libéral.

Néanmoins, durant les élections provinciales en septembre dernier, le PQ a été en mesure de se donner des allures de gauche avec l’appui indispensable de la bureaucratie syndicale et son slogan «Après la rue, les urnes» et de la pseudo-gauche et Québec solidaire, qui envisageait – et qui envisage toujours d’ailleurs – d’établir une alliance avec le PQ.

Les fédérations étudiantes ont-elles aussi joué un rôle crucial pour isoler et étouffer le mouvement de grève. La FEUQ et la FECQ, alliées étroitement avec la bureaucratie syndicale et le PQ, ont tout fait pour saboter la grève et rallier le mouvement derrière le PQ. En faisant explicitement campagne pour «se débarrasser des libéraux» et en ordonnant aux étudiants de se conformer aux injonctions décrétées pour criminaliser la grève, elles ont servi de courroie de transmission pour imposer aux étudiants les politiques réactionnaires des syndicats.

L’élection récente de l’ancien président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin, au PQ et sa nomination comme adjoint du ministre Duchesne à la tête du sommet de l’Éducation supérieure révèlent hors de tout doute l’orientation politique de ces fédérations étudiantes. Et on peut dire la même chose de leur boycott de la manifestation étudiante du 22 novembre dernier – qui se voulait un mouvement de protestation contre la marchandisation de l’éducation – sous le prétexte que les étudiants devaient plutôt concentrer leurs énergies sur le sommet à venir.

La CLASSE, même si elle ne partageait pas aussi directement ce lien avec le PQ et les syndicats, s’est adaptée pleinement à leur campagne, affirmant que l’élection du PQ constituerait une victoire pour les étudiants.

Lors de la manifestation du 22 novembre, qui avait été organisée par l’ASSÉ, l’ex-porte-parole de la CLASSE, Jeanne Reynolds, a soutenu que la hausse des frais de scolarité avait été vaincue, mais que la lutte contre la marchandisation de l’éducation devait se poursuivre. Apparemment, le budget d’austérité déposé par le PQ seulement quelques jours plus tôt n’était pas digne de mention.

Opposée à une mobilisation de la classe ouvrière, la seule force capable de défendre les droits sociaux devant l’assaut de la bourgeoisie, l’ASSÉ (CLASSE) a présenté la question des droits de scolarité comme le seul enjeu de la lutte. Elle a contribué à isoler les étudiants des travailleurs.

L’actuel gouvernement montre maintenant que l’annulation de la hausse radicale des frais de scolarité des libéraux, loin de représenter une «victoire» pour les étudiants, a été en fait un moyen utilisé pour mettre un terme à leur mouvement d’opposition et préparer le terrain à plus de coupes sociales.

L’actuel ministre péquiste de l’Éducation supérieure, Pierre Duchesne, a affirmé à maintes reprises, en empruntant essentiellement le discours provocateur du précédent gouvernement de Jean Charest, qu’il ne fallait pas retourner à la situation de l’été dernier : «Les Québécois souhaitent que nous nous entendions. Ils ne veulent pas subir de nouveau l'instabilité et le chaos.»

Yves-Thomas Dorval, du Conseil du patronat, a soutenu que personne ne souhaitait aujourd'hui une augmentation aussi «brusque» [des frais de scolarité] à la suite du mouvement d’opposition étudiant. Plutôt, à travers un sommet, le PQ tente de créer un «consensus» réunissant le gouvernement, le patronat et les syndicats pour donner un air de légitimité à des politiques d’austérité hautement impopulaires. Le Parti québécois a l’expérience de telles manœuvres, ayant adopté une stratégie similaire pour la mise en oeuvre du déficit zéro.

Sur la question des droits de scolarité, le PQ prône à ce point-ci une hausse par indexation. Le montant de cette indexation est toutefois loin d’être fixé. Le gouvernement a récemment affirmé qu’il avait mandaté l’économiste Pierre Fortin pour qu’il évalue différents scénarios de hausse des droits de scolarité. Un, basé sur le coût de la vie, entraînerait une hausse de 46 $ par année, par étudiant. Un autre, basé plutôt sur les coûts de fonctionnement des universités, envisagerait une hausse de 84 $.

En acceptant le cadre financier de droite créé par des années de baisses d'impôt pour la grande entreprise et les riches et en étant opposées à toute remise en question de l'ordre social établi, les associations étudiantes ont défendu une série de propositions réactionnaires, dont le gel des subventions accordées aux universités, et ont offert au gouvernement de l'aider à dégager des «économies» dans les dépenses universitaires.

Ainsi, lors de la première rencontre sur le thème de la «qualité de l’enseignement», la FEUQ a appuyé l’idée de la création d’un organisme de contrôle de l’enseignement supérieur. Selon la Fédération étudiante universitaire du Québec, le rôle de cet «agent de régulation» serait de définir des indicateurs de qualité de l'enseignement et de «garder un œil» sur le développement du réseau.

En fait, l’idée de la création d’un tel organisme avait été suggérée par la présidente de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ), Luce Samoisette. Selon la CREPUQ, cet organisme «d'étude et de conseil» serait composé de 21 membres nommés par le gouvernement qui évaluerait la qualité de l'enseignement universitaire et son «adéquation» avec les besoins de la société. Autrement dit, son but serait d’orienter davantage l’éducation vers les besoins du marché.

À la deuxième rencontre tenue les 13 et 14 décembre, l’ASSÉ a présenté un contexte budgétaire pour démontrer la faisabilité de la gratuité scolaire dans le cadre capitaliste actuel, sans remettre en question la domination de tous les aspects de la vie sociale par une minuscule couche extrêmement riche. Bien sûr, le ministre Duchesne a déjà affirmé que la gratuité scolaire était hors de question.

On peut maintenant voir le contenu politique véritable du «radicalisme» de l’ASSÉ. Plutôt que de lutter pour que les étudiants mobilisent les travailleurs à une échelle nationale, et même internationale, contre l’austérité qui a été adoptée en force par la bourgeoisie de par le monde, l’association étudiante participe à un sommet qui s’inscrit totalement dans les politiques de rigueur du tout nouveau gouvernement de la grande entreprise.

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