Lupe Fiasco viré de la scène lors des célébrations pour l'investiture d'Obama alors qu'il chantait une chanson anti-guerre

Lupe Fiasco, musicien nominé aux Grammy Awards et qui a gagné de nombreux disques de platine, a été viré de scène samedi lors du concert officiel célébrant, un jour avant, l'investiture d'Obama alors qu'il interprétait “Words I Never Said” (des mots que je n'ai jamais prononcés), une chanson anti-guerre.

A l'occasion de l'investiture présidentielle de 2013, parmi les célébrations et les fêtes, préparées d'avance et où chacun s'auto-congratule, le premier signe d'opposition politique a été traité comme un acte criminel et étouffé par les agents de la sécurité.

La décision de l'artiste d'interpréter cette chanson, qui dénonce le militarisme, l'attaque contre les droits démocratiques et l'austérité, est non seulement un acte de courage personnel mais se fait aussi l'écho des sentiments de millions de gens s'opposant à la politique du gouvernement Obama.

La chanson, deuxième single issu du troisième album de Lupe Fiasco, intitulé Lasers, dénonce la “ guerre contre le terrorisme ” et les attaques actuelles contre les droits démocratiques.

Les paroles de la chanson disent :

“ Je pense vraiment que la guerre contre le terrorisme, c'est une grosse connerie,

Juste une mauvaise excuse pour utiliser toutes vos balles. ”

La chanson établit un lien entre le développement de la guerre, la politique d'austérité et l'attaque contre les droits démocratiques en proclamant : “ L'avenir de ton enfant c'est la première chose qui a été détruite avec les coupes budgétaires. ”

Puis il s'ensuit une critique d'Obama :

“ La Bande de Gaza se faisait bombarder, Obama n'a pas ouvert sa gueule,

C'est pourquoi, j'ai pas voté pour lui, ni pour le prochain

Je fais partie du problème, mon problème c'est que je suis pacifique

Et je crois dans le peuple. ”

(Voir la video)

Apparemment ces paroles ont dépassé les bornes pour les organisateurs du concert qui ont essayé de mettre fin à la chanson. Lorsque l'artiste a refusé, il a été viré de scène, bien qu'il fût la vedette du concert et que son image ait été utilisée comme moyen promotionnel principal pour le concert. Non seulement on l'a empêché de chanter mais il a aussi été escorté vers la sortie.

HyperVocal, l'une des entreprises organisant l'évènement, a tacitement reconnu, un peu plus tard sur Twitter, la motivation politique derrière la répression de sa prestation . “ Déçu qu'un artiste profite d'un évènement célébrant innovation/startups à des fins politiques, ” pouvait-on lire dans le tweet de l'entreprise.

Plus tard, ayant apparemment pris conscience de la colère largement partagée provoquée par leur acte, les organisateurs du concert ont fait une déclaration officielle prétendant qu'il n'avait pas été “ viré de scène ” pour une “ diatribe anti-Obama. ” Ils ont hypocritement ajouté : “ Nous sommes d'ardents défenseurs de la liberté de parole et de la liberté d'expression politique. Cela n'avait rien à voir avec ses opinions. Au contraire, après un concert bizarrement répétitif et discordant qui a laissé le public visiblement insatisfait, les organisateurs ont décidé de passer au numéro suivant. ”

Une vidéo du concert semble indiquer tout le contraire, montrant le public acclamant l'artiste pendant le concert ainsi que pendant son expulsion de la scène.

L'événement a déclenché une vague de soutien sur la page YouTube de la chanson.

“Vraiment ravi de voir quelqu'un à Hollywood qui n'a pas peur des pouvoirs en place”, a écrit l'un d'eux. “Mettons notre espoir dans le peuple et non dans ces criminels qui dirigent ce monde en donnant de faux espoirs.”

“Pays de la liberté d'expression?” a commenté un autre. “C'est drôle comment les Etats-Unis combattent au Moyen-Orient pour la “liberté” et pourtant il n'y a pas de liberté d'expression.”

Lupe Fiasco, dont le vrai nom est Wasalu Muhammad Jaco, a répondu aux commentaires par une citation de Martin Luther King: “On n'est pas seulement responsable de ce que l'on dit, mais aussi de ce que l'on ne dit pas.”

L'artiste, bien qu'étant l'un des principaux noms des palmarés de radios commerciales a eu de nombreux conflits avec les maisons de disques. Il a annoncé la semaine dernière qu'il laissait tomber son prochain album et quittait Twitter. Dans une interview à la radio l'année dernière, Jaco a réitéré sa critique d'Obama faite en 2011 lors de la sortie de “Words I Never Said”.

“On a là quelqu'un qui est un excellent orateur, mais qui tue des petits enfants: notre président,” a-t-il dit. “Je ne parle pas d'un accident,” a-t-il ajouté. “Je parle d'ordonner une attaque par drones. Ordonner des attaques par drones qui vont tuer des mères, des passants innocents, des enfants. Des militaires aussi, mais ça, c'est les dommages collatéraux. De ça aussi on en est responsable.”

Quand l'animateur de l'émission a justifié la mort de civils comme étant accidentelle, Jaco a répondu qu'un “dealer de drogues peut dire la même chose... “Je ne voulais pas tuer tous les gens du restaurant. J'essayais juste de viser ce mec qui a tué mon cousin. Il se trouve que cette petite fille était là.” C'est pareil.”

Dans une interview pour CBS en 2011 suite à la sortie de “Words I Never Said”, Jaco a dit, “Dans ma lutte contre le terrorisme, pour moi, le plus grand terroriste c'est Obama et les Etats-Unis d'Amérique. J'essaie de lutter contre ce terrorisme qui est, en fait, la cause des autres formes de terrorisme. La source du terrorisme ce sont ces choses, qu'en tant que gouvernement, on autorise et les politiques étrangères mises en place dans différents pays.”

La prestation de Jaco, l'hostilité officielle avec laquelle elle a été accueillie, et le soutien largement partagé que son acte de résistance a reçu, ont permis de briser la tentative des médias officiels de faire passer l'investiture comme l'occasion pour une journée d'unité nationale et de célébrations. Cela a également démasqué les vaines tentatives d'identifier Obama aux sentiments de la jeunesse.

En interprétant la chanson et en résistant aux tentatives de la réduire au silence, Lupe Fiasco a exprimé l'hostilité populaire grandissante à l'égard du gouvernement Obama, qui est de plus en plus souvent identifié aux assassinats par drones et aux atteintes aux droits démocratiques et sociaux.

(Article original publié le 22 janvier 2013)

Loading