Allemagne: Une nouvelle capitulation du syndicat IG Metall devant la direction d’Opel

Lors des négociations sur l’avenir d’Opel, le syndicat de la métallurgie IG Metall (IGM) a fait de nouvelles concessions à la direction de l’entreprise. La demande de prolonger la production automobile à Bochum au-delà de 2016 a été omise de la résolution soumise par la commission tarifaire du syndicat. Au lieu de cela, les négociations d'IGM se concentrent actuellement sur la période « après l’expiration de l’actuelle production de véhicules, » conjointement avec des « emplois de remplacements » à Bochum.

L’on doit « gérer les réalités créées par la direction [de l’entreprise] », a annoncé Armin Schild, principal porte-parole d'IG Metall pour le Land de Hesse (Allemagne) et membre du conseil de surveillance d’Opel. « Et donc, tout ce qui nous reste à faire est de dire à l’entreprise quelles sont nos demandes minimales pour le maintien de tous les sites, y compris le site de Bochum, même sans production automobile là-bas, » a dit Schild. Telle a été la réponse d'IG Metall à la décision de Stephen Girsky de faire chanter les travailleurs.

Girsky, vice-président de GM, président intérimaire de GM Europe et président du conseil de surveillance d’Opel, a récemment publié un ultimatum aux travailleurs d’Opel : soit accepter une nouvelle dégradation des salaires soit la fermeture l’usine de Bochum deux ans plus tôt que prévu.

Girsky a dit: « Nous devons continuer à réduire les coûts. » Pour atteindre ce but, « tous les salariés doivent assumer leur part. » Tant qu’Opel fait des pertes, « nous ne pouvons pas, par exemple, nous permettre une hausse des salaires. » Girsky a poursuivi en avertissant : « Ce dont nous avons besoin ce sont des économies plus substantielles », sinon, l’usine Opel de Bochum fermera à la fin de 2014 après l’expiration du soi-disant accord de garantie du site (« Standortsicherungsvertrag »).

La demande de Girsky pour « des économies plus substantielles » signifie en fait la démolition de plusieurs milliers d’emplois dans toutes les usines Opel et celles de ses fournisseurs. D’ici 2015, la direction d’Opel veut réduire les frais fixes de 375 millions d’euros supplémentaires (512 millions de dollars US). Au nom de la « compétitivité » et de la « flexibilité », les travailleurs d’Opel doivent renoncer à une portion significative de leur salaire avant d’être jetés à la rue.

Les attaques agressives perpétrées par la direction sont rendues possibles du fait de son étroite collaboration avec IG Metall et les comités d’entreprise. Il s’agit d’un arrangement fondé sur un partage du travail qui a fait ses preuves entre le chef du comité d’entreprise à Bochum, Rainer Einenkel, d’une part, et IG Metall et le comité central d’entreprise, de l’autre. En public, Einenkel s’indigne continuellement contre l’évolution humiliante des négociations et – dans le cas des récentes concessions qui ont été faites – contre une « situation inédite ». Il n’arrête pas de dire « n’avoir jamais vu » une pareille chose.

En réalité, toutes les parties agissent en harmonie et se serrent les coudes. Elles travaillent main dans la main pour appliquer aux travailleurs les réductions exigées par GM. En tant que membre du conseil de surveillance, Einenkel doit avoir été au courant par avance de l’intention de Girsky de faire chanter les travailleurs mais en a gardé le secret jusqu’au dernier moment. Lorsque Girsky a envoyé sa lettre aux salariés, Einenkel a parlé de « déclaration de guerre » en demandant en même temps de mettre bas les armes. Pris à parti sur l’organisation d’une grève et le lancement d’une contre-attaque, il a répondu : « C’est tout à fait absurde, de la folie pure ».

Des décennies durant, Einenkel, et d’autres responsables syndicaux ont vanté le soi-disant partenariat social comme étant le meilleur moyen de promouvoir les intérêts des travailleurs. Ils ont insisté pour dire qu’un compromis valait mieux qu’une confrontation. Mais, maintenant que la situation économique a miné le « partenariat social » et que la direction de l’entreprise est en train d’organiser une attaque frontale contre les travailleurs, Einenkel et consorts disent qu’on ne peut rien faire pour défendre les emplois et se rangent fermement du côté de l’entreprise, contre les travailleurs.

Le résultat de cette perspective en faillite peut se voir à l’usine Opel de Bochum. En décembre 2004, lorsque Einenkel était élu président du comité d’entreprise, quelque 10.000 personnes travaillaient encore à l’usine Opel de Bochum.

Durant les presque 10 ans que Einenkel dirige le comité d’entreprise, il a refusé de mettre sur pied une sérieuse opposition contre les projets de la direction en réduisant les travailleurs à l’état de simples quémandeurs. Près de 70 pour cent des travailleurs ont été licenciés. Les salaires ont été drastiquement réduits durant cette période. Les salariés d’Opel ont été exhortés à renoncer à leurs primes de vacances et de Noël. L’augmentation de salaire de 4,3 pour cent de l’année dernière a été « différée. »

Mais, les concessions de Einenkel ne vont pas assez loin pour le président du conseil central d’entreprise, Wolfgang Schäger-Klug. Offusqué, il avait, y a deux semaines, rejeté l’affirmation de Einenkel selon laquelle la lettre de Girsky aux salariés correspondait à une déclaration de guerre. Il a exigé que de telles menaces soient évitées à l’avenir parce qu’elles risquaient de nuire à la direction. Cela pourrait, a-t-il dit, faire courir le risque que la direction mette fin aux négociations en cours concernant le site de Bochum.

Schäfer-Klug est un cas typique de ces permanents d’IG Metall qui profitent de leur rôle pour trahir les intérêts des travailleurs pour grimper les échelons et obtenir un poste au sein de la direction de l’entreprise. Il y a 13 ans à peine, cet universitaire avait été recruté par le président de l’époque, Klaus Franz, en tant que conseiller pour les comités d’entreprise. Il se hissa rapidement au poste de coordinateur de la branche européenne du comité d’entreprise de General Motors. Sa tâche était le développement de réseaux syndicaux couvrant GM en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie et en Europe centrale et orientale. Il a joué un rôle clé pour faire en sorte que chaque site « défende » ses intérêts en se mettant en concurrence contre tous les autres, en empêchant ainsi l’émergence d’une lutte commune de tous les employés de GM contre la direction.

En janvier dernier, il devint le président des comités d’entreprise d’Opel à l’usine de Rüsselsheim et le président adjoint du conseil de surveillance. Il a aussi repris la gestion du comité européen d’entreprise en devenant le président des comités d’entreprise et du comité central d’entreprise du groupe GM. A présent, il est en train de faire ses preuves pour une nouvelle ascension.

Il travaille comme agent de la direction et est un ami proche de Girsky. Girsky est également étroitement lié aux syndicats. Il fut analyste chez JP Morgan Stanley et travailla pour GM avant d’être recruté par Bob King, le président du syndicat américain de l’automobile (American United Auto Workers, UAW), pour devenir conseiller syndical. Il travaille toujours pour l’UAW, gérant son fonds de pension qui se chiffre à plusieurs milliards de dollars.

GM avait été tellement satisfait du travail effectué par Girsky pour le fonds que la firme le fit entrer au conseil de direction de l’entreprise. Il fut finalement placé à la tête du conseil de surveillance d’Opel, ce qui lui permit d’engranger des revenus à la fois des comités d’entreprise d’IG Metall et aussi d’Opel tout en accélérant drastiquement l’exploitation des travailleurs.

Le patron d’IG Metall, Berhold Huber, entretient aussi des liens étroits avec Girsky et a été fortement impliqué dans le changement de direction chez Opel. Dernièrement, il a été confirmé que le responsable de Volkswagen, Karl-Thomas Neumann, deviendrait le 1er mars PDG d’Opel. Le conseil de surveillance, où Einenkel siège aussi, a confirmé sa nomination.

C’est ainsi que le président d’IG Metall sélectionnera lui-même le personnel qui appliquera la prochaine série de coupes, de licenciements et de fermetures d’usine. Cette évolution montre que le syndicat se trouve intégralement du côté de la direction de GM. Et cela souligne aussi la réalité que les travailleurs ne pourront défendre leurs emplois chez Opel qu’en rompant avec IG Metall et le comité d’entreprise.

(Article original paru le 4 février 2013)

Loading