Inde : Des milliers de manifestants pour soutenir les travailleurs de Maruti Suzuki persécutés

Des milliers de travailleurs ont rejoint les manifestations qui ont eu lieu dans toute l'Inde le 5 février pour exprimer leur soutien aux travailleurs persécutés de l'usine d'assemblage automobile Maruti Suzuki (MSI) à Manesar dans l'État de l'Haryana. Les travailleurs ont été soumis à une chasse aux sorcières brutale de la part de la police d'État et de la direction de la compagnie avec le soutien plein et entier du gouvernement de l'État de l'Haryana dirigé par le Parti du congrès.

Omprakash, membre de la Commission provisoire du MSWU – établi après que ses dirigeants ont été emprisonnés et torturés – s'adresse à un rassemblement à Chennai dans le cadre de la «Journée nationale d'action» en soutien aux travailleurs persécutés de Maruti Suzuki.

Des manifestations ont été organisées dans près de 15 États, dont Delhi, le Bengale occidental, le Karnataka, le Gujarat, le Maharastra, le Tamil Nadu, Pondichéry, le Rajasthan, le Pendjab, le Madhya Pradesh, l'Uttar Pradesk, le Bihar et l'Haryana.

La «journée de manifestation nationale» du 5 février était une réaction à un appel lancé par la Commission provisoire du Syndicat des travailleurs de Maruti Suzuki (MSWU), le syndicat indépendant qui représente les travailleurs de MSI de l'usine de Manesar. Le MSWU a demandé la libération immédiate des 150 travailleurs de Maruti Suzuki emprisonnés, parmi lesquels l'intégralité de la direction élue du MSWU, ainsi que d'Imaan Khan, un membre de la Commission provisoire qui a été arrêté le 24 janvier alors qu'il attendait des journalistes pour faire un communiqué de presse. Ils demandent également la fin des arrestations et du harcèlement des travailleurs et de leurs familles, ainsi que la réembauche de 546 travailleurs en CDI et de près de 2000 travailleurs en contrats temporaires que la compagnie a licenciés l'été dernier.

Une altercation provoquée par la compagnie, le 18 juillet entre les travailleurs et une équipe de la direction, qui avait entraîné la mort de l'un des cadres que les travailleurs considéraient comme sympathique à leur cause, a été utilisée par la direction pour lancer une offensive contre les travailleurs militants de l'usine Manesar. Les attaques de la compagnie ont le plein soutien du gouvernement de l'Haryana dirigé par le Parti du Congrès. Utilisant une liste fournie par la direction, la police de l'Haryana a arrêté 150 travailleurs, principalement fin juillet et début août et les a accusés de délits graves. Les travailleurs emprisonnés ont été soumis à des tortures brutales pour leur arracher des "confessions" les impliquant dans l'incident du 18 juillet. En réalité la plupart d'entre eux n'étaient même pas présents à l'usine ce jour-là.

La participation de milliers de travailleurs aux manifestations du 5 février reflète une inquiétude croissante dans la classe ouvrière sur le sort de ces travailleurs persécutés et une compréhension de plus en plus nette du fait qu'ils ont été pris pour cible parce qu'ils remettaient en cause les conditions de travail déplorables qui dominent dans toute l'Inde, y compris dans les usines des grandes multinationales comme Maruti Suzuki India (MSI) et ses fournisseurs.

Avec le ralentissement de l'économie indienne sous l'effet de la récession mondiale, les grandes entreprises sont déterminées à intensifier l'exploitation de la classe ouvrière. Elles poussent à des réductions massives des dépenses, à brader encore plus les entreprises publiques, et à l'abandon des restrictions aux licenciements et aux fermetures d'usines. Ces demandes trouvent un écho dans les récentes déclarations du ministre des Finances Palaniappan Chidambaram, ainsi que du vice-président de la Commission du plan, Montek Singh Ahluwalia. Tandis que Chidambaram jure de réduire de dizaines de milliards les dépenses de l'année fiscale en cours, Ahluwalia incite à un «amincissement» des subventions pour les prix du carburant, de la nourriture et des engrais.

La responsabilité première de la persécution continue des travailleurs de Manesar se trouve dans les principales confédérations syndicales de la zone de Gurgaon-Manesar, le Hind Mazdoor Sabha (HMS), le Congrès syndical pan-indien (AITUC) et le Centre des syndicats indiens (CITU).Ces deux dernières organisations sont respectivement les vitrines syndicales des deux principaux partis staliniens au Parlement, le Parti communiste de l'Inde (CPI) et le Parti communiste de l'Inde (marxiste) ou CPM.

Au cours de ces deux dernières années de lutte militante de la part des travailleurs du MSI, l'AITUC et le CITU sont intervenus de manière répétée pour inciter les travailleurs à «faire des compromis», c'est-à-dire accepter les termes de la compagnie, et pour demander au gouvernement local du Parti du Congrès lié au grand patronat d'intervenir en leur faveur. Lorsque la compagnie a lancé sa chasse aux sorcières actuelle contre les travailleurs en juillet dernier, ces fédérations syndicales ont refusé d'organiser une action pour défendre les travailleurs de MSI. Les dirigeants syndicaux ont préféré faire des apparitions occasionnelles aux manifestations des travailleurs de Maruti Suzuki, où ils ont fait des promesses creuses de «solidarité.»

Le rôle traître des syndicats staliniens est lié à la politique pro-capitaliste des partis avec lesquels ils sont alignés. Au cours des deux dernières décennies, le CPI et le CPM ont soutenu à plusieurs reprises les gouvernements du Parti du Congrès à New Delhi qui ont mené sans état d'âme les «réformes» néo-libérales de la bourgeoisie, tout en appliquant eux-mêmes ce qu'ils appellent une politique «pro-investissement» dans les États où ils ont eu des postes ministériels – le Bengale occidental, le Kerala et le Tripura.

Les syndicats affiliés aux groupes maoïstes et aux autres formations politiques de la pseudo-gauche, les organisations libérales de défense des droits de l'Homme, les groupes féministes et les organisations étudiantes ont pris part aux manifestations du 5 février. L'orientation politique de ces organisations n'est pas fondamentalement différente de celle des CPI et CPM staliniens. Au mieux, elles appellent à des manifestations plus militantes et plus bruyantes, visant à faire pression sur les appareils syndicaux et sur le monde politique indien. Tous s'opposent à faire le lien entre la lutte pour défendre les Maruti Suzuki persécutés et la lutte pour une mobilisation indépendante sur le lieu de travail et politique de la classe ouvrière contre les conditions de travail insupportables, le travail temporaire et pour un gouvernement ouvrier.

Un intervenant du Inquilabi Mazdoor Kendra (Centre des travailleurs révolutionnaires) qui s'est adressé à un rassemblement de solidarité le 5 février a dit que les travailleurs devraient se battre et si nécessaire remplir les prisons pour obtenir les droits que leur garantit la constitution. Un autre porte-parole du groupe maoïste Bigul Mazdoor Dasta (BMD), tout en critiquant les syndicats principaux, a appelé à une manifestation du genre «Occupy» dans un endroit central de la ville pour forcer les syndicats à les rejoindre.

Le BMD a également encouragé les travailleurs de MSI à faire appel aux politiciens liés au grand patronat pour qu'ils les soutiennent. «Nous avons envoyé des mémos aux premiers ministres de tous les 15 États, y compris le premier ministre de l'Haryana» s'est vanté le porte-parole du BMD Subhasini lors d'une des manifestations du 5 février.

Une équipe de reporters du WSS a couvert l'un des rassemblements qui s'est tenu près du Memorial Hall à Chennai, capitale de l'État du Tamil Nadu au sud de l'Inde. La manifestation était organisée par le Nouveau Front démocratique ouvrier (DWF) maoïste. La manifestation comprenait environ 50 travailleurs auxquels s'est adressé Omprakash de la Commission provisoire du MSWU.

Les partisans du WSWS ont distribué des copies de la déclaration intitulée Defend auto workers victimised by Maruti Suzuki and Indian authorities. Un des responsables maoïste de l'organisation a demandé à l'équipe du WSWS pourquoi ils prenaient des photos du rassemblement. Quand nous lui avons demandé pourquoi il ne contestait pas le fait que la police filmait toute la manifestation plutôt que de harceler le WSWS qui défendait et couvrait régulièrement la lutte des travailleurs de Maruti Suzuki, il s'est éloigné.

Sous l'influence du CPM, du CPI et des maoïstes, le MSWU persiste dans une campagne de protestations qui ne vise pas à mobiliser la force indépendante de la classe ouvrière, mais à faire pression sur le Parti du Congrès et le gouvernement de l'Haryana. Dans sa déclaration sur la manifestation du 5 février, le MSWU a concédé, «Nous n'avons entendu que des promesses creuses» de la part des politiciens. Pourtant, il a enchaîné en célébrant le fait que «des manifestations massives ont été suivies d'envois de représentants, de mémos et de rassemblements aux élus locaux et à Bhupinder Hooda, premier ministre de l'Haryana.»

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[15 janvier 2013]

(Article original paru le 19 février 2013)

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