En prévision d'une récession et d'un chômage plus forts, l'UE demande davantage d'austérité

La Commission européenne (CE), bras administratif de l'Union européenne (UE), a publié un rapport économique lugubre vendredi. Ses prévisions d'hiver annoncent que 2013 marquera la deuxième année de suite de croissance négative dans les 17 pays de la zone euro et une augmentation de tout juste 0,1 pour cent du produit intérieur brut (PIB) de l'ensemble des 27 pays de l'UE.

Le chômage atteindra un nouveau record de 10,7 pour cent pour l'UE en 2013, en augmentation par rapport aux 10,3 de 2012, et augmentera encore en 2014 à 11 pour cent, d'après la CE. Le chômage dans les nations utilisant l'euro atteindra 12,2 pour cent cette année, avec le taux de chômage espagnol s'élevant à 26,9 pour cent. 

Toutes les projections de croissance économique ont été revues à la baisse par rapport à celles du rapport de novembre, et les taux de chômages annoncés ont été relevés. Ces chiffres ne sont qu'un pâle reflet de la misère sociale et de l'appauvrissement qui ont déjà atteint des proportions que l'on n'avait plus revues depuis les années 1930, et qui vont encore empirer. 

Admettant que ce ralentissement économique de plus en plus profond a été causé essentiellement par une consommation en forte baisse suite aux mesures d'austérité sévères, ce qui rend inatteignables les objectifs de réduction des déficits pour des pays comme la France, Olli Rehn, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, a néanmoins exigé que les Etats membres de l'UE « maintiennent le cap des réformes et évitent toute perte de l'élan qu'ils ont pris. » 

Rehn ne s'est pratiquement pas donné la peine de cacher son rôle de porte-parole des banques et des intérêts financiers, déclarant qu'un assouplissement du démantèlement des services sociaux et des réductions d'effectifs, de salaires et des retraites « risquerait de saper le retour de la confiance qui est en marche. » Il a qualifié les prévisions hivernales de la CE de « composante » de l'effort entrepris pour regagner la confiance des investisseurs. 

La CE a prédit que le PIB de la zone euro va se contracter de 0,3 pour cent en 2013, au lieu de la croissance de 0,1 pour cent anticipée précédemment. Le PIB de la zone euro s'est contracté de 0,6 pour cent en 2012, démentant les prédictions qu'avait faites la CE d'une expansion de 0,1 pour cent. 

Les nouvelles prévisions donnent une croissance économique se hissant péniblement en 2014 à 1,6 pour cent pour l'UE dans son ensemble et 1,4 pour cent pour la zone euro.

Dans sa déclaration, Rehn a identifié l'Espagne, le Portugal et la France comme n'étant pas parvenus à réduire leur déficit suivant les objectifs qu'ils avaient acceptés. La CE a affirmé que l'économie en ralentissement de la France entraînerait un déficit budgétaire de 3,7 pour cent du PIB pour 2013, certes en baisse comparé aux 4,6 de 2012, mais bien au-dessus de la limite officielle de 3 pour cent.

La France va se voir accorder une année supplémentaire pour réaliser les coupes nécessaires pour ramener son déficit au niveau qu'elle s'était engagée à atteindre. Mais la CE prédit qu'elle ne réalisera qu'un petit 0,1 pour cent d'augmentation du PIB cette année, et non les 0,4 annoncés précédemment. 

La prédiction de la CE pour l'Espagne est que les déficits vont continuer à dépasser largement les objectifs – 6,7 pour cent cette année contre un objectif de 4,5, et 7,2 en 2014 contre un objectif de 2,8 pour cent. 

L'économie du Portugal s'est contractée de 3,2 pour cent en 2012. Elle devrait se contracter de 1,9 pour cent cette année et aura besoin d'une année supplémentaire de mesures d'austérité pour répondre aux exigences de l'UE. 

La CE a prévenu que l'économie de l'Italie se réduira de 1 pour cent en 2013, soit le double des 0,5 pour cent anticipés auparavant. 

Chypre est confronté à une catastrophe et peut-être à un renflouement, avec une contraction de 3,5 pour cent du PIB, soit le double des estimations précédentes.

L'Allemagne, fer de lance économique de l'Europe, ne devrait avoir que 0,5 pour cent de croissance cette année.

La Grande-Bretagne, qui ne fait pas partie de la zone euro, s'est vue dire qu'elle devrait imposer des mesures d'austérité supplémentaires car son plan de réduction du déficit ne respecte pas les objectifs. Même si la France est décrite comme « le grand malade » de la zone euro, les dépenses excédentaires de la Grande-Bretagne sont les pires d'Europe, en dépit de coupes brutales. Les dépenses liées à la dette devraient se monter à 7,4 pour cent du PIB en 2013, contre 6,3 pour cent en 2012. 

Au total, sept pays de la zone euro devraient voir une contraction de leur économie en 2013, la Hollande rejoignant l'Italie, l'Espagne, la Grèce, le Portugal, Chypre et la Slovénie. L'économie hollandaise devrait se contracter de 0,6 pour cent cette année, alors que ce sera 4,4 pour cent pour la Grèce. 

La commission a prévenu que la crise du chômage en Europe est un problème désespérément sérieux, mais n'a proposé que de nouvelles mesures d'austérité qui ne feront qu'empirer la situation.

Le mois dernier, le Fonds monétaire international a prévenu, « la zone euro constitue toujours un risque important pour la situation mondiale… En particulier, les risques d'une stagnation prolongée de la zone euro dans son ensemble augmenteront si l'élan des réformes n'est pas maintenu. »

Ce message est maintenant amplifié par Rehn et la CE. C'est un message que les partis dirigeants de toute l'Europe sont plus que prêts à entendre. 

Réduire les déficits afin de remplir les coffres des banques et des grandes entreprises est un impératif mondial qu'ils partagent tous – quelle que soit l'orientation politique de pure forme des gouvernements. En effet, la déclaration de Rehn, la veille, selon laquelle il faut faire plus attention à une reprise à long terme, et sa proposition, dans la droite ligne des recommandations du FMI, que le calendrier des remboursements soit prolongé d'une année pour certains pays, a été critiquée par la Banque centrale européenne, l'Allemagne et l'Autriche.

Le social-démocrate allemand Jörg Asmussen, qui siège au comité de direction de la Banque centrale européenne, a insisté pour que la France ne soit pas épargnée, parce qu'elle n'avait pas réalisé le genre de coupes imposées en Espagne et ailleurs. 

La France a été qualifiée d'« enfant à problèmes », par Michael Fuchs, du parti d'Angela Merkel, l'Union Chrétienne-démocrate. Il a dit à la radio Deutschlandfunk, « Les Français doivent faire leurs devoirs – ils sont très, très loin, derrière les autres pays et c'est inquiétant parce que la France est la deuxième plus grosse économie d'Europe. » 

S'opposant à tout ralentissement dans l'imposition des coupes, Harald Waiglein du directoire des politiques économiques au ministère des finances autrichien a dit, « il pourrait y avoir de bons arguments macro-économiques, mais je pense que ce serait hautement dommageable pour notre crédibilité. Nous courons le risque d'être considérés comme des mous encore une fois. » 

L'aggravation de l'austérité a déjà produit des tensions sociales explosives dans tout le continent, avec des manifestations massives impliquant des millions de gens en Grèce, en Espagne et au Portugal ainsi que la chute de gouvernements associés à la plongée de la classe ouvrière dans un cauchemar de pauvreté et de chômage de masse.

Les dirigeants de l'Europe se sont appuyés entièrement sur les services des bureaucraties réformistes et syndicales ainsi que sur les formations de la pseudo-gauche comme SYRIZA en Grèce pour dissiper les oppositions sociales et politiques aux coupes, aux pertes d'emplois et à la diminution des services publics. Rehn lui-même l'a reconnu, insistant dans un discours le mois dernier à la conférence de la Fédération européenne des syndicats sur le fait que « les syndicats ont un rôle essentiel à jouer dans la reprise économique de l'Europe. » 

Rehn a dit que l'Europe a besoin « de réformes pour une croissance soutenable et des créations d'emplois, et de réformes pour renforcer la compétitivité de l'industrie européenne. » Il faisait allusion non seulement à l'abandon des programmes sociaux, mais aussi aux « réformes » du marché de l'emploi qui élimineront les protections contre les licenciements et l'accélération des cadences de travail.

« un dialogue social constructif » entre les employeurs et les syndicats « a été une composante clef de la gestion réussie des crises économiques et des changements structurels, » a-t-il continué, appelant à la création d'un format d'UE tripartite impliquant les gouvernements, les entreprises et les syndicats.

Cependant, plus les syndicats et les partis de pseudo-gauche avec lesquels ils forment un tandem politique seront associés à l'austérité, plus la situation deviendra politiquement explosive. Cette semaine, le gouvernement de droite du Premier ministre Boiko Borisov en Bulgarie a démissionné face aux manifestations massives contre la baisse du niveau de vie, entraînant de nouvelles élections. 

Le Financial Times a appelé cela un « avertissement aux autres pays européens » que les « troubles sociaux peuvent éclater avec suffisamment de force pour faire tomber des gouvernements même dans les pays qui ne sont pas directement frappés par la crise. » Il a poursuivi en prévenant que « le risque existe que des partis radicaux en soient les bénéficiaires dans un Parlement fragmenté. » 

Pour l'instant, c'est la droite qui a capitalisé sur le soutien de la prétendue « gauche » à l'UE et aux « coupes nécessaires. » Mais les conditions existent maintenant pour que le sentiment anticapitaliste orienté vers la gauche de dizaines de millions de personnes commence à trouver une expression politique de masse. 

(Article original paru le 23 février 2013)

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