Perspectives

La contre-révolution sociale à Detroit

L'administrateur d'urgence de Detroit, Kevyn Orr, a annoncé vendredi un plan pour éliminer les pensions de retraite et l'assurance santé de tous les travailleurs actuels ou retraités de la ville, condamnant près de 20 000 personnes et leurs familles à la pauvreté et à une mauvaise santé. Ce dictateur de fait de Detroit demande l'élimination de 9 milliards de dollars en dépenses de santé pour les travailleurs d'un seul trait de plume.

Orr a présenté une attaque contre la classe ouvrière sans précédent dans l'histoire moderne. Même le gouvernement Grec, agissant pour le compte de l'Union européenne et des banques pour imposer des mesures d'austérité brutales, n'a pas proposé des attaques aussi vastes contre la santé et les retraites.

Cette mesure marque une nouvelle étape dans la campagne de l'élite dirigeante américaine qui se sert de la crise économique ayant éclaté en 2008 et du chômage de masse qui en résulte pour détruire tous les gains obtenus par les travailleurs durant tout un siècle de luttes. Cela, comme a insisté le World Socialist Web Site, n'est rien de moins qu'une contre-révolution sociale. Detroit est censé établir un précédent pour d'autres attaques du même genre aux États-Unis et ailleurs.

Orr, un avocat spécialisé dans les procédures collectives et nommé – pas élu – à ce poste, a proposé, dans un plan soumis aux créanciers de la ville vendredi dernier, de payer moins de 10 pour cent des sommes destinées aux retraites. D'après ce plan, la ville abandonnerait la couverture santé de ses travailleurs actuels et en retraite, les forçant à s'inscrire dans le programme fédéral Medicare ou à trouver un autre contrat sur le marché privé qui devrait être créé dans le cadre de la « réforme » de la santé d'Obama.

Cela signifiera des coupes drastiques dans la couverture santé des travailleurs, des retraités et de leurs familles et une énorme augmentation des coûts à porter par les assurés eux-mêmes. Les prestations au titre de la retraite seront quasiment supprimées.

En outre, le système de collecte des déchets de la ville sera privatisé et le service des éclairages publics sera confié au géant DTE, qui est responsable des coupures d'électricité à des milliers de résidents de Detroit, ce qui entraîne des dizaines de morts par incendies domestiques et d'autres accidents. Près de la moitié des éclairages de la ville seront supprimés.

L'eau et le service de traitements des eaux usées, qui créent des revenus importants pour la ville, seront confiés à une autorité régionale et tous les employés seront licenciés et remplacés par des salariés gagnant beaucoup moins.

Même avec ces coupes draconiennes, Orr a dit qu'il réfléchit toujours à la possibilité de vendre les œuvres d'art du Detroit Institute of Arts, ainsi que les animaux du Zoo de Detroit. Si les créanciers de la ville ne sont pas d'accord avec ces propositions, Orr menace de placer la ville en procédure de faillite, il serait alors le seul représentant de la ville à négocier avec le juge des faillites.

La Constitution de l'état du Michigan protège les retraites des employés du gouvernement, mais Orr insiste pour dire que cela n’a aucune importance. On ne permettra à aucune constitution ou droit contractuel des employés à s'opposer à la volonté des créanciers, des banques et des fonds d'investissement de la ville, de piller la trésorerie de la ville et d'en faire payer le prix à la classe ouvrière.

Orr a cherché à présenter sa proposition comme un appel à « des sacrifices partagés » équitablement entre les créanciers de la ville et les travailleurs. C'est un mensonge. Les créanciers principaux sont assurés et ne vont subir que des pertes minimes, pendant que des dizaines de milliers de travailleurs et leurs familles seront abandonnés à la pauvreté et privés des bénéfices pour lesquels ils ont travaillé toutes leurs vies.

Toute la politique officielle de Detroit – le Parti démocrate, les médias, les syndicats, les dirigeants des mouvements de défense des « droits civiques » - s’alignent sur les propositions de Orr.

La presse locale et les médias louent son approche « dure » pour « changer complètement » la ville. L'idée fondamentale qu'aucun d'eux ne remet en cause est que la classe ouvrière doit payer pour que les criminels financiers qui ont créé la crise économique puissent s'enrichir encore plus eux-mêmes.

Orr se sent capable de proposer des attaques aussi cruelles parce qu'il sait que les syndicats ne feront rien pour s'opposer à lui. Ces organisations accepteront tout ce que proposera Orr, tant que leurs intérêts institutionnels et leur capacité à collecter les contributions des salariés sera protégée.

« Il demande à tout le monde de contribuer, pas seulement aux syndicats qui n'ont plus rien à donner, » a déclaré Carl Anderson, président du local 488 du syndicat des services publics, qui représente les travailleurs du service des eaux, au Detroit Free Press. Le journal a paraphrasé Anderson qui dit que « Orr joue franc jeu, et les coupes arriveront comme prévu et seront définitives. »

Qui sont ces gens qui demandent que les travailleurs de Detroit retournent aux conditions vues pour la dernière fois dans les années 1930 ?

Orr, un riche avocat de Wall Street, est bien introduit dans le Parti démocrate et le gouvernement Obama. Durant la restructuration de 2009 de l'industrie automobile menée par Obama, il a joué un rôle clef dans la destruction des salaires et des bénéfices des travailleurs de l'automobile, représentant Chrysler durant la procédure de faillite. Orr parle pour les hyènes de Wall Street qui considèrent qu'un dollar dépensé pour la santé ou la retraite des travailleurs est un dollar volé de leur poche.

Le viol de Detroit va de pair avec l'assaut national d'Obama contre la classe ouvrière. La décision d'Orr d'abandonner les travailleurs de la ville au système au rabais mis en place par Obama souligne le caractère réactionnaire et anti-ouvrier de sa réforme de la santé, qui comprend des incitations pour les employeurs à mettre fin à leurs programmes d'assurance santé.

L'attaque de Orr contre les allocations des travailleurs est une expression de la dictature exercée par l'oligarchie financière aux États-Unis sur tous les aspects de la vie. Ni les besoins de la société, ni l'opinion publique, ni la loi n'ont aucun effet sur leur campagne pour s'enrichir.

Les travailleurs ne peuvent pas rester inactifs pendant qu'ils se font voler tout ce qu'ils ont ! Le Socialist Equality Party et son candidat à la mairie, D'Artagnan Collier, se battent pour construire un mouvement de masse de la classe ouvrière en opposition aux attaques contre les emplois et le niveau de vie.

Collier appelle les travailleurs à se mobiliser pour faire partir Orr et mettre fin à la dictature des banquiers. Il appelle également au remplacement du conseil municipal corrompu et contrôlé par le patronat, par un conseil ouvrier.

L'affirmation qu'il n'y aurait pas d'argent pour la santé, les retraites ou des salaires décents est un mensonge. Le SEP demande la saisie de la richesse mal acquise des arnaqueurs de Wall Street et l'allocation de milliers de milliards de dollars à la reconstruction de Detroit et des autres villes de tout le pays.

Le programme socialiste de Collier comprend la nationalisation des banques et des entreprises et leur transformation en des institutions publiques sous contrôle démocratique. Ce n'est que de cette manière qu'une vie décente – y compris le droit au logement, à la santé, à l'éducation, à une retraite garantie et à la culture – pourra être garanti pour tous.

Nous incitons tous ceux qui soutiennent cette lutte à contacter le Socialist Equality Party et à devenir actif dans la campagne électorale de D'Artagnan Collier.

(Article original paru le 17 juin 2013)

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