Les États-Unis violent le droit à un procès équitable

L’administration Obama utilise les informations obtenues par le biais de ses programmes de surveillance illégale pour cibler des Américains faisant l’objet d’enquêtes criminelles non liées au terrorisme.

Selon les rapports publiés la semaine dernière par Reuters, des renseignements recueillis par la National Security Agency (NSA) au moyen notamment d’écoutes électroniques et téléphoniques – sont partagées avec la Drug Enforcement Agency (DEA), une division du département de la Justice. Une obscure unité interdépartementale comprenant le DEA, le FBI et la NSA, appelée la Special Operations Division (SOD), utilise ces informations pour cibler des citoyens américains faisant l’objet d’enquêtes et de poursuites, notamment pour des crimes reliés au trafic des stupéfiants.

En conspiration directe pour subvertir la légalité et la primauté du droit, la DEA et d’autres services de police cachent leur utilisation de ces informations aux procureurs, aux juges et au public. Reuters décrit comment les organismes fédéraux d’application de la loi qui utilisent ces éléments de preuve dans les poursuites pénales sont formés pour « recréer » la piste d’enquête, violant du même coup le droit constitutionnel des accusés à un procès équitable.

Le quatrième amendement de la Déclaration des droits prévoit que « Le droit des citoyens d’être protégés dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé. » Il faut que la police ait une « présomption sérieuse » et obtienne un mandat de la Cour qui « décrive particulièrement le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir » avant qu’une perquisition ou une saisie de documents puisse être effectuée.

Les différents programmes de surveillance dévoilés au cours des dernières semaines par le dénonciateur Edward Snowden impliquent la saisie et l’analyse des enregistrements téléphoniques, des courriels, des messages texte et autres communications de pratiquement tous les Américains et de millions d’autres personnes à travers le monde. Ces programmes sont en violation flagrante du quatrième amendement.

Selon la jurisprudence établie de longue date, les preuves obtenues à partir de perquisitions sans mandat ou illégales sont inadmissibles dans un procès criminel. Les procureurs sont d’ailleurs légalement tenus d’informer les prévenus et leurs avocats de l’existence de toute preuve disculpatoire – telles les preuves forgées. Ces doctrines juridiques, issues de la Déclaration des droits, sont essentielles à la tenue d’un procès équitable. La conspiration DEA-NSA-FBI contourne tout ce système de protections juridiques, envoyant directement les gens en prison sur la base de la fraude et de l’utilisation de preuves obtenues illégalement.

Comment est-ce que cela fonctionne dans la pratique? La NSA pourrait, par exemple, intercepter un message texte contenant le mot « marijuana » dans le cadre de l’un de ses programmes de surveillance de masse. Elle pourrait ensuite révéler l’identité de la personne qui a envoyé le message à la Special Operations Division.

Cette personne pourrait alors être ciblée, sa voiture interceptée et fouillée sous prétexte d’effectuer un simple contrôle routier. La personne n’aurait alors aucun moyen de savoir si elle a été prise pour cible par le biais le la surveillance de la NSA. Si la personne fait ensuite l’objet de poursuites, les autorités pourraient cacher à l’avocat de la défense et, éventuellement, au tribunal, le fait que les preuves inculpatoires sont le résultat d’une opération de surveillance qui a été menée sans mandat.

Ces dernières révélations montrent une fois de plus à quel point l’ensemble de l’establishment politique est plongé dans la corruption et la criminalité. De façon croissante, le gouvernement agit sans tenir compte des contraintes imposées par la Constitution, la Déclaration des droits et la primauté du droit en général.

Il y a tout lieu de croire que ces pratiques vont bien au-delà de la Drug Enforcement Agency, et que le fruit empoisonné de la surveillance menée par la NSA est largement utilisé au sein du système judiciaire. Selon des rapports subséquents, la DEA partage avec d’autres organismes gouvernementaux des renseignements de ce type, ainsi que des techniques pour en dissimuler la source, notamment avec l’Internal Revenue Service (IRS).

Deux tactiques ont été utilisées pour défendre les vastes programmes de surveillance sans retenue du gouvernement américain.

D’abord, Obama, les fonctionnaires du renseignement et les législateurs ont simplement menti sur le degré d’intrusion de l’espionnage, se contentant d’affirmer qu’il ne se déroule principalement qu’à l’étranger, qu’il est soumis à différents contrôles et limitations, et qu’il n’implique pas de regarder le « contenu » des communications.

« Personne n’écoute le contenu des appels téléphoniques des gens », a déclaré Obama en juin, alors qu’il balayait du revers de la main la question d’un journaliste qualifiant ces pratiques d’« hyper-surveillance ». Il est maintenant clair que ces déclarations sont de purs mensonges.

Des documents secrets divulgués par Snowden ont révélé qu’il n’y a pas vraiment de limites quant aux activités des agences d’espionnage américaines. Tous les appels téléphoniques, courriels, messages texte, activités en ligne, dossiers financiers, dossiers médicaux et autres informations d’une personne sont à un clic de souris d’un agent du gouvernement. Ces derniers peuvent même subrepticement activer et utiliser à distance les caméras et micros des ordinateurs et téléphones intelligents.

La deuxième tactique consiste à invoquer la soi-disant « guerre contre le terrorisme ». Citant des considérations de « sécurité nationale », on affirme que l’espionnage gouvernemental ne sert uniquement qu’à prévenir les attaques terroristes.

Ce mensonge a déjà été démasqué par la publication de documents révélant l’espionnage systématique effectué par la NSA sur les communications de personnes partout dans le monde, y compris des gouvernements alliés de nom aux États-Unis, comme l’Allemagne et la France. On apprend maintenant à la suite de nouvelles révélations que les informations obtenues grâce à des activités d’espionnage menées sans mandat sont utilisées dans le cadre de poursuites pénales qui n’ont rien à voir avec le terrorisme.

Comme le World Socialist Web Site expliquait déjà dès le début de la soi-disant « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis, celle-ci est et demeure le prétexte pour mener des agressions militaires à l’étranger et procéder à la destruction des droits démocratiques aux États-Unis. La véritable cible de l’expansion massive des pouvoirs de police exercés dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » n’est pas Al-Qaïda, mais bien le peuple américain.

Le XXe siècle a vu une multitude de régimes – beaucoup d’entre eux soutenus par la CIA – qui ont utilisé le prétexte de la « sécurité nationale » et de la soi-disant lutte contre le « terrorisme » pour justifier leur régime autoritaire. Citons par exemple les dictatures militaires de Pinochet au Chili et de Jorge Rafael Videla en Argentine. Les nazis eux-mêmes ont qualifié l’incendie du Reichstag en 1933 (dont ils étaient en fait responsables) d'acte de « terrorisme », l’utilisant pour justifier la suspension des droits démocratiques.

Au nom de la « guerre contre le terrorisme », le gouvernement américain a déjà affirmé – et appliqué – son « droit » d'effectuer sans restriction la surveillance, la torture, l’emprisonnement sans procès et l’assassinat par drones tant d’étrangers que de citoyens américains. Les préparatifs d’un État policier aux États-Unis sont bien avancés.

Aux États-Unis, les attaques du gouvernement contre les droits démocratiques sont majoritairement impopulaires. Néanmoins, elles bénéficient de l’appui retentissant tant des deux grands partis politiques que des médias.

La classe ouvrière doit prendre ces développements comme un sérieux avertissement.

Les préparatifs pour une dictature sont alimentés par l’immense croissance des inégalités sociales. Les processus démocratiques sont incompatibles avec la vaste concentration des richesses au sommet de la société. Ils sont également incompatibles avec la montée du militarisme et l’expansion d’un complexe militaro-industriel et du renseignement qui devient de plus en plus puissant.

La classe dirigeante est terrifiée par l’émergence d’une opposition populaire à sa politique de guerre et d’austérité. Elle prévoit utiliser son appareil d’espionnage à la Big Brother pour mener à bien une répression massive.

Seul un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière en opposition au système de profit peut garantir les droits démocratiques et arrêter l’évolution vers la dictature.

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