Allemagne : Die Linke défend les services secrets

Le parti Die Linke ("La gauche") est monté au créneau pour défendre les services secrets qui sont de plus en plus en difficulté suite aux révélations sur leur implication dans la surveillance de masse. Leur défense de l'Etat allemand et des services secrets dans diverses commissions parlementaires et institutions publiques montre le caractère réactionnaire de la politique de Die Linke.

Après la révélation du programme de surveillance de masse de la NSA par le lanceur d'alerte Edward Snowden, des détails supplémentaires ont fait surface concernant l'implication des services secrets allemands. Non seulement l'Agence allemande du renseignement étranger (la BND) est bien informée des activités de ses homologues américains, mais elle-même mène un programme de surveillance d'envergure et échange régulièrement des quantités massives de données avec la NSA.

Comme aux États-Unis, en Allemagne aussi cette affaire a montré que face à une polarisation sociale croissante, l'infrastructure d'un Etat policier est discrètement mise en place. Les mouvements et les communications de chaque citoyen sont systématiquement enregistrés et évalués. Les mêmes organisations qui collectent ces données sont également étroitement liées aux forces fascistes, comme l'a révélé l'affaire dite NSU, qui avait révélé les nombreux liens entre diverses agences de l'Etat et le groupe d'extrême-droite Nationalsozialistischer Untergrund, responsable de 10 meurtres.

Dans cette situation, Die Linke se rapproche de l'appareil d'Etat et a entrepris de couvrir la BND et les services d'espionnages intérieurs. De temps en temps, Die Linke lance une critique ponctuelle contre les services secrets et demande qu'ils soient mieux réglementés. De cette manière, ils cherchent à créer l'illusion que les services de renseignement peuvent être contrôlés et réformés par des moyens parlementaires. En fait, le parti travaille en étroite collaboration avec les services de renseignement.

Die Linke était et est toujours impliqué dans divers organes de l'Etat et est donc directement responsable de la gestion de diverses branches des services de renseignement. Leur membre Steffen Bockhahn siège à la Commission parlementaire de contrôle (PKG) à l'échelon fédéral. La PKG fournit une couverture pseudo-démocratique aux agences de renseignement allemandes. Ses membres peuvent visiter toutes les installations des services secrets, demander des inspections des fichiers et interroger le personnel ; cependant, ils sont tenus à une stricte confidentialité. En d'autres termes, la PKG est utilisée pour intégrer les députés dans les activités des agences de renseignement.

Bockhahn participe régulièrement aux réunions de la PKG et a dû par conséquent être informé à l'avance des intrigues des services secrets allemands. Contrairement à Edward Snowden, il adhère strictement aux protocoles de confidentialité. Dans un entretien figurant sur son site web, Bockhahn dit que quand cela concerne « des informations vraiment sensibles, » il faut accepter la confidentialité.

Dans le même article, il défend l'existence des agences de renseignement et fournit des suggestions sur la manière dont leur travail pourrait être organisé plus efficacement. « La BND et l'Office fédéral de protection de la Constitution [c'est le nom officiel des services secrets intérieurs] ont pour tâche de nous protéger contre l'espionnage, » dit Bockhahn. Pour mener à bien cette tâche, les deux agences de renseignement devraient « finalement comprendre que les espions ne sont pas des partenaires de confiance, peut importe ceux pour qui ils travaillent, » affirme-t-il. Par conséquent, les responsables allemands du renseignement devraient faire moins confiance à leurs collègues étrangers et travailler de manière plus indépendante, affirme-t-il.

Bockhahn est un carriériste et un parvenu typique de Die Linke. Dans sa jeunesse, il était attiré par le mal nommé Parti du socialisme démocratique (PDS), qui avait succédé au parti d'Etat stalinien officiel de l'ancienne Allemagne de l'Est. Derrière sa rhétorique sur la démocratie et la liberté, le PDS prônait la restauration de l'économie de marché capitaliste. Il avait adhéré au PDS au lycée à 16 ans et avait longtemps été dans l'équipe du responsable fédéral du PDS, Dietmar Bartsch avant de prendre la direction de la section de Mecklembourg-Poméranie occidentale du parti.

Le représentant de Die Linke à la commission G10, Ulrich Maurer, a été encore plus clair à propos du travail des services secrets. Fin juin, s'exprimant à la radio Deutschlandfunk, il a dit qu'il supposait que les services secrets allemands opéraient dans le respect de la loi, et qu'ils fourniraient par conséquent les informations appropriées à la commission G10. « C'est-à-dire, leurs demandes pour surveiller une personne doivent être bien fondées et présentées individuellement, et ensuite elles seront approuvées ou non. » En examinant les demandes, la commission G10 n'« opère pas sur la base de la méfiance, » a-t-il affirmé.

La Commission G10 est plus petite que le PKG, et est nommée par celle-ci pour examiner les demandes des trois agences de renseignement pour surveiller les télécommunications et la poste. De cette manière, la participation de Maurer à cette institution directement et « en confiance » l'implique dans le travail des agences de renseignement.

Le positionnement clair des représentants les plus importants du parti Die Linke dans les organes décisionnels n'est pas un hasard. Die Linke est un parti institutionnel qui a prouvé, à plusieurs reprises, qu'il veut appliquer des attaques sociales dures pour défendre les intérêts des banques. Ayant pour base les sections aisées des classes moyennes, et étant hostile à la classe ouvrière, Die Linke se rapproche encore plus de l'appareil d'Etat, et le défend face à l'intensification des antagonismes sociaux.

Quand les services secrets se sont trouvés en mauvaise posture suite aux révélations de leurs liens étroits avec le milieu de l'extrême-droite, celui qui représentait alors Die Linke au PKG, Wolfgang Neškovi&;, a défendu les services secrets en disant que c'était une « brigade de pompiers » que l'on ne pouvait pas tout simplement abolir. Peu après, le parti a invité le chef des services secrets, Hans-Georg Maassen, à participer à un échange d'idées en public.

Die Linke attaque le gouvernement fédéral depuis la droite, accusant la chancelière de ne pas en faire assez pour représenter les intérêts allemands. La vice-présidente du parti, Sarah Wagenknecht, a demandé à Angela Merkel de passer à l'offensive contre les États-Unis, et a demandé la fin des négociations sur l'accord de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis, en conséquence des activités d'espionnage des États-Unis.

(Article original paru le 19 juillet 2013)

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