Allemagne: le socialisme et la lutte contre la fermeture de GM-Opel

Environ 3.300 travailleurs de l’usine Opel de Bochum sont actuellement en train de faire des expériences politiques qui ont une grande signification pour l’ensemble de la classe ouvrière. Dans le but de défendre leurs emplois, il est indispensable d’entamer une lutte intransigeante contre les syndicats, de rompre avec le Parti social-démocrate (SPD) et Die Linke (La Gauche – l’homologue allemand du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon) et de construire un nouveau parti révolutionnaire.

Bochum est un avertissement de ce qui va arriver. Pour la première fois en Allemagne depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale toute une usine automobile doit être fermée. La direction internationale du groupe de General Motors à Detroit et les directeurs d’Opel à Rüsselsheim sont en train d’œuvrer en étroite collaboration avec le syndicat IG Metall et les comités d’entreprise. Les détails de la fermeture ont été élaborées par le bureau central d'IG Metall à Francfort.

Il y a un an, le président d'IG Metall, Berhold Huber, avait présenté, conjointement avec le président du comité central d'entreprise d’Opel, le Dr Wolfgang Schäfer-Klug, ce qui porte le nom de plan Allemagne. Le propre plan de restructuration du syndicat pour Opel indiquait que tout devait être fait pour obtenir « un renforcement de la marque Opel. » Le « plan Allemagne » d'IG Metall renfermait des mesures de rationalisation, dont la destruction des emplois, les coupes dans les dépenses sociales et les réductions des salaires.

Dietmar Gaisenkersting

La direction du groupe avait salué l’initiative mais avait exigé encore plus de réductions et la fermeture de l’une des usines de la société. Le choix en avait été discuté en étroite coopération avec les syndicats. La direction d'IG Metall avait suggéré Bochum. Les travailleurs combatifs de la ville allemande de la région de la Ruhr qui avaient précédemment organisé plusieurs grèves contre la volonté des syndicats, ont longtemps été considérés comme une épine dans le pied du syndicat. La fermeture de l’usine de Bochum visait à briser la résistance des travailleurs de l'automobile et à imposer une réduction massive des coûts et la destruction des emplois dans d’autres usines, chez les équipementiers et ailleurs dans l’industrie.

Une fois la décision de la fermeture de l’usine prise, IG Metall a organisé l’isolement systématique des travailleurs de Bochum. C’était l’objectif même de «l'accord cadre ». De vagues promesses d’éventuels investissements futurs avaient été faites aux travailleurs d'Opel des autres sites pour les inciter à soutenir un accord salarial axé sur la fermeture de l’usine de Bochum.

Lorsque les travailleurs à Bochum ont refusé de l’accepter, ils ont été critiqués et attaqués par les responsables d'IG Metall et des comités d’entreprise des autres usines. Comme punition, la date de fermeture a été avancée pour la fin de l’année prochaine.

Le comité d’entreprise de Bochum et son président, Rainer Einenkel, ont joué un rôle particulièrement répugnant dans les tractations en coulisses. Einenkel avait fait semblant d’appuyer une lutte tout en veillant à toujours démobiliser les travailleurs en qualifiant ceux qui étaient prêts à lutter de têtes brûlées mettant en péril les négociations pour un « plan social » (c’est-à-dire des mesures amortissant l’impact de la fermeture) tout en supprimant toute résistance véritable. Le parti La Gauche (Die Linke) a soutenu Einenkel qui est un membre du parti et le SPD a soutenu les activités du syndicat.

Les travailleurs de GM-Opel à Bochum sont confrontés à un complot manifeste de la direction du groupe, du syndicat et des comités d’entreprise et qui est appuyé par tous les partis traditionnels. Pour combattre ceci, une perspective politique est requise qui rejette la logique du capitalisme et adopte un programme socialiste.

Telle est la signification de la campagne électorale du PSG (Parti de l’Egalité sociale, - Partei für Soziale Gleichheit, PSG). En tant que candidat du PSG, je lance un appel à tous les travailleurs d’Opel et autres travailleurs et aux jeunes qui ne sont pas prêts à accepter la suppression des emplois et des conditions de vie fondamentales de milliers de familles, sans mener une lutte.

Il faut comprendre les événements de Bochum dans un contexte social plus vaste. Je récuse fermement l’affirmation démoralisée des comités d’entreprise qui disent que rien ne peut être fait face à la crise économique internationale et à son impact dans l’industrie automobile, mis à part aller quémander l’aumône dans des pourparlers concernant un plan social.

Les travailleurs d’Opel ne sont pas seuls. Loin de là ! Partout dans le monde, des millions de travailleurs sont confrontés aux mêmes problèmes. La fermeture de l’usine Opel de Bochum fait partie d’une contre-révolution sociale qui est actuellement imposée partout en Europe et dans le monde. L’aristocratie financière au pouvoir et le gouvernement allemand sont en train d’utiliser la crise économique mondiale pour démonter toutes les concessions sociales qu’elle avait été contrainte d’accepter après la Deuxième guerre mondiale du fait de l’existence de l’Union soviétique.

Ceux qui veulent savoir où cela va mener devraient aller voir du côté de Detroit. Dans l’ancienne « capitale mondiale de l’automobile » on peut voir toute l’ampleur du déclin et de l’échec du capitalisme. Il y a quelques semaines, le directeur financier de la ville, qui n’est élu par personne, a déposé le bilan afin de sauvegarder, pour les grandes banques et les spéculateurs financiers, les milliards de dollars de dettes de la ville. La loi sur la faillite prime sur les droits contractuels, les accords salariaux sont déclarés invalides, les obligations de retraite et les prestations de santé sont réduites ou généralement remises en question. Les services publics, à commencer par l’éclairage public, le traitement des eaux, la fourniture d’énergie, les transports publics ainsi que les animaux du zoo de Detroit pourraient être privatisés. La collection, célèbre dans le monde entier, des œuvres du Detroit Institut of Arts risque d’être bradée.

Le déclin historique de la ville de l’automobile américaine est étroitement lié à la transformation du syndicat United Auto Workers (UAW). Pendant plus de trois décennies, le syndicat a étouffé chacune des luttes des travailleurs de l’automobile. Il a créé les conditions pour la désindustrialisation systématique de la ville en préparant le terrain pour le pillage, par des spéculateurs, des ressources de la municipalité en la poussant à la faillite. Chez General Motors, le syndicat a étroitement collaboré avec la direction du groupe et le gouvernement pour réduire de moitié le salaire des employés nouvellement recrutés et pour supprimer les programmes sociaux.

La transformation d'IG Metall est aussi perceptible à Bochum. Comme ailleurs, le syndicat a réagi à la crise économique mondiale en se transformant en cabinet de conseil de la direction et du gouvernement. IG Metall n’a jamais contesté les rapports parus dans les médias selon lesquels il engrange 460 millions d’euros par an de ses membres tout en disposant d’une fortune estimée à 2 milliards d’euros. De plus en plus, ce capital est investi en parts dans d’autres entreprises faisant ainsi du syndicat lui-même une entreprise à but lucratif.

Quelque 1.700 représentants d'IG Metall siègent auprès des conseils d’administration de diverses sociétés où ils perçoivent de juteux salaires en se fondant aux membres de la direction. Pour défendre leur statut social privilégié, ces responsables syndicaux confrontent les travailleurs avec une hostilité évidente. Ils montent les uns contre les autres les travailleurs des différents sites en utilisant l’appareil syndical pour réprimer toute opposition dès que celle-ci émerge.

Bochum et Detroit, tout comme de nombreuses autres villes, montrent que la défense des emplois exige une rébellion contre les syndicats. Ceci rend aussi indispensable une lutte politique contre le SPD et Die Linke, vu que ces organisations défendent le système capitaliste de profit et l’austérité exigée par l’Union européenne (UE).

La destruction de l’industrie automobile est inséparable des mesures d’austérité radicales de l’UE qui sont en train de détruire les conditions de vie de la classe ouvrière en Grèce, au Portugal, en Espagne et dans plusieurs autres pays. Le salaire des travailleurs a été réduit, les programmes sociaux ont été supprimés et une armée massive de travailleurs sans emploi a été créée alors que les marchés boursiers sont en hausse, que la fortune des ultra-riches augmente et que le salaire et les primes des PDG montent en flèche.

De vastes sections de la population n’ont plus les moyens de s'acheter une voiture en raison des mesures d’austérité. En l’espace d’un an, le nombre de véhicules neufs achetés a chuté de 37 pour cent en Espagne, de 26 pour cent en Italie et de 18 pour cent en France.

Dans ces conditions, on ne peut défendre les emplois dans l’industrie automobile que dans le cadre d’un programme socialiste dont l’objectif est l’abolition du système capitaliste.

Le PSG appelle tous les travailleurs à lutter contre la fermeture de Bochum et à préparer une grève avec occupation. La défense des emplois ne doit pas être tributaire de la compétitivité de chaque site ou de la position financière de l’entreprise. Un emploi bien rémunéré est un droit fondamental, non négociable et qui doit être défendu à tout prix.

Les grands groupes automobiles, comme les autres grandes entreprises, les banques et les grandes fortunes doivent être nationalisées et transformées en services publics contrôlés démocratiquement. C’est sur cette base que la vie économique peut être réorganisée de façon à satisfaire les besoins des travailleurs et de la société en général et non pas les exigences de profit des milliardaires, des banques et autres spéculateurs. La défense de toutes les usines et de tous les emplois en est la condition préalable.

La déclaration électorale du PSG indique: « Le capitalisme ne peut être réformé. Tous les efforts entrepris pour surmonter la crise et s’attaquer aux problèmes sociaux pressants échouent du fait de la propriété privée des moyens de production, de l’anarchie du marché capitaliste, des nécessités économiques du système de profit et surtout de la cupidité insatiable de la classe dirigeante. Aucun problème social ne peut être résolu sans que l'on brise le pouvoir de l’oligarchie financière. »

Il est nécessaire de considérer la lutte de Bochum comme étant la première étape dans la mobilisation de la classe ouvrière contre la politique capitaliste pratiquée par tous les partis parlementaires, les syndicats et les comités d’entreprise, et de s’organiser en conséquence.

Le PSG appelle à la construction de comités d’action dans les usines et dans les quartiers afin d’organiser la lutte contre les fermetures d’usines, les licenciements et les coupes sociales et pour l’établissement de liens forts avec les travailleurs d’autres villes et pays.

La préparation la plus importante en vue des luttes de classe inévitables qui s’annoncent est la construction du Parti de l’Egalité sociale (Partei für Soziale Gleichheit).

(Article original paru le 29 juillet 2013)

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