La Charte de la laïcité française attaque les musulmans et les droits démocratiques

Le 9 septembre, Vincent Peillon, ministre de l'Education du gouvernement français du Parti socialiste (PS), a introduit une Charte de la laïcité en 15 points qui devra être affichée dans toutes les écoles publiques depuis la maternelle jusqu'au lycée et que les enseignants comme les élèves devront respecter strictement. Peillon a expliqué que "l'école doit enseigner les valeurs de la République."

Un "kit" d'explication doit être fourni à chaque enseignant pour aider à faire respecter la charte, qui affirme : “Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religeuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’Ecole de la République.” Cette charte bureaucratique et répressive cherche plus encore à empêcher toute remise en question des enseignements par les élèves : « Aucun élève ne peut invoquer une conviction religeuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme. »

Elle commence par affirmer que la France est "une République indivisible, laïque, démocratique, et sociale.” Elle présente la laïcité dans les écoles comme ce qui « offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité » contre « tout prosélytisme et [toute] pression. »

Le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, a déclaré qu'elle vise l'Islam et qu'elle risque de "stigmatiser" les musulmans.

Le principal objectif de cette charte figure au point 14, qui affirme : “Le port de signes ou tenues par lequels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religeuse est interdit." Cela renforce les attaques contre les libertés individuelles, en particulier contre celles des musulmans, qui figuraient déjà dans la loi de 2004 passée par le président de droite Jacques Chirac et soutenue par la "gauche" bourgeoise pour interdire les "signes religieux ostensibles" à l'école. Dans les faits, cette loi a servi à interdire aux jeunes filles musulmanes de porter le foulard islamique dans les établissements scolaires français.

Les musulmans en France ont été la cible d'une provocation réactionnaire de plus avec la loi de 2010 qui interdit le port de la burqa, ou voile intégral. Cette interdiction a été promue par le président de droite Nicolas Sarkozy et le député André Gerin du Parti communiste français (PCF) stalinien, qui présidait la commission qui a rédigé l'interdiction de la burqa.

Le gouvernement PS du président François Hollande adopte cette dernière initiative répressive avec une hypocrisie sans pareille, se posant en "laïc" tout en soutenant sans réserves la course américaine à la guerre contre la Syrie, dans laquelle la France soutient des forces de l'opposition islamiste d'extrême-droite liées à Al Qaïda.

La charte du gouvernement Hollande n'a en fait rien à voir avec les principes de la laïcité, à savoir la stricte séparation entre les institutions religieuses et le fonctionnement de l'Etat et la non-ingérence de l'Etat dans les affaires religieuses des gens. Le gouvernement Hollande piétine également les principes démocratiques fondamentaux dans le pays, en intensifiant le ciblage ethnique des Roms et les déportations massives d'immigrés.

Dans l'ensemble, cette charte a été bien accueillie par le monde politique, y compris par les forces de la pseudo-gauche, qui y voient un bon moyen de poursuivre dans les universités l'interdiction faite aux jeunes filles musulmanes de porter le foulard islamique. Cette charte ne fera qu'encourager encore plus les attaques de voyous contre les femmes musulmanes qui portent des burqas couvrant tout le corps, comme c'est arrivé récemment dans la ville de Trappes. (lire : Des émeutes éclatent à Trappes après l’interpellation par la police de la famille d’une femme voilée - http://www.wsws.org/fr/articles/2013/jul2013/fran-j23.shtml)

La caractéristique la plus significative de la réaction des différentes tendances politiques face à cette Charte de la laïcité est le soutien unanime de toute la classe politique. Il n'est pas anodin que les tendances petites-bourgeoises "de gauche" soient largement sur la même ligne que les néo-fascistes du Front national (FN). C'est par cet alignement sur la campagne raciste menée contre les musulmans sous le faux drapeau de la "laïcité" que ces forces petites-bourgeoises "de gauche" ont contribué à introduire le FN comme un parti normal dans la politique bourgeoise française.

Le communiqué du FN sur la charte la qualifie de "suite de principes et de bonnes intentions, absolument sans effet," et demande des mesures racistes supplémentaires contre les musulmans pour la renforcer. Il exige une action pour que la viande Halal ne soit plus servie dans les cantines scolaires, et pour interdire aux mères qui portent le voile islamique d'accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires.

Le groupe Lutte ouvrière (LO) a systématiquement soutenu les attaques contre le voile islamique. Dans sa déclaration en soutien à la charte, il se contente de dire qu'elle ne va pas très loin dans la défense des principes laïcs et scientifiques.

LO écrit que "La charte n’énonce rien de nouveau, mais elle a au moins le mérite d’écrire clairement quelques phrases qui pourraient faciliter le travail des enseignants [...] un élève contestant l’évolution des espèces, la rotondité de la terre ou l’égalité entre les sexes se verra donc rappeler au règlement, ce qui est la moindre des choses."

Le porte-parole du PCF sur les questions de démocratie et de laïcité, Pierre Dharréville, a également soutenu cette charte en affirmant : "Aujourd’hui, où les liens entre hiérarchie religeuse et Etat ont été supprimés, le nouveau défi laïque de notre temps, c’est que le pouvoir ne soit pas dans les mains d’une minorité."

Ce commentaire de Dahrréville vise à attiser les craintes hystériques que les cinq millions de musulmans en France pourraient tomber sous l'influence politique de la petite minorité de fondamentalistes et d'extrémistes djihadistes. En cela, le PCF donne également un écho à la propagande pernicieuse du FN.

En fait, comme on le voit dans la guerre en Syrie que toute la gauche petite-bourgeoise a soutenue, la principale force politique qui alimente le développement mondial des forces djihadistes est la politique étrangère de l'Etat lui même.

Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) adopte un autre point de vue, quaifiant cette charte de "morale laïque" dans un article intitulé "Un écran de fumée à l’école ?", qui admet que cette charte vise à diviser la population suivant des lignes ethniques et religieuses. Cependant, leur semblant d'opposition à la politique du PS que le NPA a soutenue lors de l'élection présidentielle de l'an dernier, est hypocrite. Ils avaient déjà formulé les mêmes critiques assez molles contre la loi de 2004 sur le voile et l'interdiction de la burqa en 2010, avant de finir par l'appliquer à leur propre parti, en excluant des membres qui portaient le voile islamique.

En dépit de ses critiques creuses des mesures racistes votées pour soi-disant défendre la laïcité, le NPA est complétement intégré dans une couche sociale de pseudo-gauche qui évolue rapidement vers la droite. En 2004, Pierre-François Grond, enseignant en lycée et ex-dirigeant du NPA, qui a depuis rejoint le Front de gauche dirigé par le PCF, avait mené une campagne hystérique pour exclure des établissements scolaires les jeunes filles musulmanes qui portaient le voile islamique.

La tentative de diviser la classe ouvrière en stigmatisant les musulmans fait partie de la phobie nationaliste qui est développée internationalement afin d'empêcher une lutte commune des travailleurs contre l'austérité et la guerre impérialiste.

Au Québec, les nationaliste emmenés par le Parti Québécois ont récemment introduit leur propre "Charte des valeurs québéquoises" conçue pour interdire à des millions de travailleurs le port des signes religieux dans les emplois du secteur public. Dans les crèches, les hôpitaux, les universités et les mairies, le turban Sikh, la kippa juive et le hijab musulman vont être interdits.

Le gouvernement du Québec affirme défendre la laïcité et les droits des femmes. Mais, comme en France, c'est une attaque contre les droits démocratiques, lancée contre les immigrés et les minorités religieuses.

(Article original paru le 24 septembre 2013)

Loading