Grèce : des milliers de manifestants contre les fascistes d'Aube dorée après une attaque menée contre le KKE

Des milliers de manifestants ont défilé vendredi soir à Perama, un quartier ouvrier situé à une vingtaine de kilomètres du centre d'Athènes, contre une attaque violente ayant eu lieu la nuit précédente de la part d'une cinquantaine de nervis du parti Aube dorée contre des membres du Parti communiste de Grèce (KKE) stalinien.

Les trente membres du KKE collaient des affiches pour annoncer le prochain festival de l'organisation de jeunesse du parti. D'après le journal quotidien Eleftherotypia, les fascistes ont « insulté les membres du KKE puis ont commencé à s'en prendre physiquement à toute personne qui se trouvait devant eux avec des pieds-de-biche et des bâtons sur lesquels étaient fixés des clous, des vis et toutes sortes d'objets tranchants. Ils ont également endommagé sérieusement des voitures des membres du KKE. »

Parmi les blessés, il y avait Sotiris Poulikoyiannis, président du syndicat des métallurgistes du Pirée, qui est dominé par le Front militant des travailleurs (PAME) – la faction du KKE dans la bureaucratie syndicale.

Les médias grecs ont fait grand cas d'une opération de police lancée vendredi, qui a vu l'interpellation de 26 personnes au sujet de cette attaque. Cependant, toutes ces personnes ont été relâchées depuis, mis à part une seule qui a été accusée de possession de substance illégale en petite quantité.

Il y a toutes les raisons de croire que cette opération n'était qu'un écran de fumée pour contrer les accusations selon lesquelles la police fermerait toujours les yeux sur les attaques d'Aube dorée. La police constitue une part importante des partisans de cette organisation fasciste.

Ces suspicions sont corroborées par les comptes-rendus de l'événement faits par des passants qui ont vu l'attaque et appelé la police. D'après Eleftherotypia, « les passants ont parlé de la négligence caractérisée des policiers qui, bien qu'on leur ait dit que les assaillants se cachaient dans des ruelles proches, semblaient indifférents, jusqu'à ce que les assaillants aient disparu. »

Il faut également noter que personne n'a encore été accusé d'être l'auteur de cette attaque, alors même que trois des assaillants ont été identifiés par leurs victimes et des témoins qui connaissent leurs noms. L'un des assaillants aurait également été impliqué dans une attaque contre des pêcheurs égyptiens à Perama en juin 2012.

L'attaque est intervenue peu après une visite rendue par des députés d'Aube dorée [article en anglais] à la zone de réparation navale de Perama il y a un mois, durant laquelle les fascistes ont ouvertement menacé les membres du KKE et de PAME.

Dans une vidéo affichée sur Youtube, un partisan de l'Aube dorée demande au député Yiannis Lagos si Aube dorée accepterait de venir au syndicat des métallurgistes du Pirée pour en évacuer le PAME – ce à quoi Lagos répond qu'ils le feraient. À la fin de la vidéo, un autre député d'Aube dorée, Ilias Panayiotaros, déclare, « l'abcès qui existe ici est la source de tous les problèmes. […] le PAME sera fini. »

Cette attaque est un crime haineux qui doit être condamné et ses auteurs doivent être traduits en justice. Mais le fait qu'Aube dorée soit en mesure de monter des attaques de ce type en toute impunité est la conséquence directe des politiques suivies par les organisations de la pseudo-gauche comme le KKE.

Perama était un bastion historique du KKE, mais depuis 2009 Aube dorée a pu y gagner de plus en plus de soutien grâce aux trahisons de la classe ouvrière commises par les organisations auxquelles elle adhérait auparavant.

Aux élections de 2012, Aube dorée a fait 11,49 pour cent dans la ville de Perama, contre 0,54 pour cent aux élections de 2009. Le KKE y a reçu 12,15 pour cent des voix. Ce score est tombé à 6,57 pour cent au second tour des élections parlementaires de juin dernier.

C’est là le résultat de l'aide accordée par le KKE à l'imposition par des gouvernements successifs des mesures d'austérité contre la classe ouvrière. Le KKE et le groupe de la pseudo-gauche SYRIZA ont tous deux œuvré délibérément à subordonner les luttes de la classe ouvrière aux syndicats, et par eux, à l'Etat bourgeois et à l'Union européenne. Dans plusieurs grèves, les syndicats se sont tenus à distance et ont refusé d'organiser des actions de solidarité alors que les forces de sécurité intervenaient pour écraser ces grèves et forcer les travailleurs à reprendre le travail.

Par l'intermédiaire de sa faction syndicale PAME, le KKE a participé à des dizaines de grèves générales symboliques de 24 heures organisées par la principale fédération syndicale, dont le seul objectif était de laisser les travailleurs se défouler en causant le moins de gêne possible aux politiques d'austérité de l'élite dirigeante.

Plus récemment, le KKE a directement participé aux privatisations qui ont ravagé la Grèce ces dernières années et en a bénéficié. Pour tenter de rééquilibrer son budget déclinant, le KKE a dû vendre ses chaînes de radio et de télévision, appelées « 902 », pour 3,4 millions d'euros le mois dernier. L'une des conditions posées au rachat par l'acquéreur qui est resté anonyme était que toute l'équipe soit renvoyée avant que la compagnie ne lui soit transférée.

Pour remplir cette condition, qui est interdite par le droit grec, le KKE a transféré l'ensemble des 48 salariés à d'autres compagnies qui lui appartiennent afin de les licencier sans enfreindre formellement le droit grec !

Aube dorée a pris à partie le KKE au sujet de l'affaire 902 au Parlement et dans un article sur son site Web, qui se conclut en demandant moqueusement : « dites, camarades, quand allez vous mener cette … satanée révolution socialiste ? »

L'attaque de vendredi marque une intensification notable de l'activité des fascistes. Dans un entretien accordé au Guardian, Dimitris Psarras, un écrivain qui a chroniqué la montée de l'extrême-droite grecque, dit : « C'était un incident très bien organisé et le plus sérieux qu'il y ait eu jusqu'à présent. Ils ne s'en prennent plus seulement aux immigrés en pleine nuit. Ils font monter délibérément la tension, développant leur projet de haine… »

Au début du mois, Savas Michael-Matsas et l'universitaire Constantinos Moutzouris, ont été traduits en justice sur une plainte déposée par Aube dorée. Michael, secrétaire général du parti de la pseudo-gauche EEK (Parti révolutionnaire des travailleurs), y était accusé de diffamation et « d'incitation à la violence et à la discorde » pour avoir lancé le slogan « écraser le fascisme », et d'avoir « troublé l'ordre public » en pressant à participer à une manifestation antifasciste.

Moutzouris, qui était à ce moment-là doyen de l'Université technique nationale d'Athènes, a été accusé d'avoir permis au site Web Athens Indymedia de fonctionner à partir du campus.

L'affaire n'a été abandonnée par la justice qu'après que plusieurs responsables d'Aube dorée ne se sont pas présentés à l'audience.

Le fait que cette affaire soit allée jusqu'au tribunal est le résultat d'un coup monté orchestré par les fascistes grecs et leurs alliés dans l'Etat. Comme pour l'attaque contre les membres du KKE, son but était de réduire au silence l'opposition à une organisation fasciste dont les liens avec l'Etat grec, notamment la police et les services de sécurité, sont bien établis.

Cela doit être compris dans le contexte plus large de la crise financière grecque et de la visite à venir de la troïka – Union européenne, Banque centrale européenne, et Fonds monétaire international – en Grèce le 22 septembre.

Les affirmations du Premier ministre Antonis Samaras selon lesquelles il n'y aura aucune politique d'austérité supplémentaire après cette visite ont été directement contredites par Michael Meister, vice-président du groupe parlementaire du parti chrétien-démocrate allemand (CDU).

Parlant à Bloomberg, Meister a déclaré que « si la Grèce avait besoin d'une aide supplémentaire, il est tout à fait clair qu'elle sera liée à de nouvelles conditions » et qu'« il n'y aura définitivement aucun nouveau programme sans conditions. »

D'après le quotidien To Vima, Samaras devrait rencontrer les responsables de l'UE à Bruxelles mardi, où il devrait les implorer de « [Ne pas faire] pression pour plus de mesures. Nous ne pouvons plus en supporter de nouvelles. Tout ne tient qu'à un fil. »

Ce commentaire souligne le fait que le gouvernement de Samaras est bien conscient qu'il est assis sur un baril de poudre social, que la bureaucratie syndicale et ses appendices de la pseudo-gauche ne seraient pas en mesure de contenir avec leurs grèves symboliques limitées. Pour appliquer plus de mesures d'austérité, l'Etat grec devra s'en remettre uniquement aux mesures répressives menées par les forces de l'Etat en alliance avec les organisations fascistes comme Aube dorée.

La forte participation des travailleurs et des jeunes à la manifestation de vendredi à Perama en dit long sur le dégoût et l'opposition ressentis dans la population contre Aube dorée. Mais ils doivent se rendre compte que les syndicats d'aujourd'hui et le carcan créé par la pseudo-gauche deviendront leur cercueil demain. La lutte contre le fascisme est liée à la lutte pour le pouvoir ouvrier. Cela exige une lutte contre l'Etat capitaliste qui s'appuie sur une alternative, une perspective socialiste.

(Article original paru le 16 septembre 2013)

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