Les autorités grecques remettent en liberté trois députés fascistes d'Aube dorée

Depuis le meurtre du musicien hip-hop antifasciste Pavlos Fyssas, près d'une vingtaine de membres du parti fasciste Aube dorée ont été arrêtés en Grèce. Trois des cinq députés et quatre autres membres qui étaient en détention préventive ont été libérés, avec une interdiction que quitter le territoire national avant leur procès.

Parmi ceux qui restent en détention, il y a le président d'Aube dorée Nikos Michaloliakos, son adjoint Yinnis Lagos, une femme policier Veta Popori, un dirigeant régional Giorgos Patelis, et Giorgos Roupalias, qui a avoué être le meurtrier. Ceux qui restent en détention font encore l'objet d'une enquête pour déterminer s'il y a des motifs suffisants pour les maintenir en détention.

Ceux-ci sont suspectés d'être directement liés au meurtre de Fyssas. La police a trouvé trois armes interdites en arrêtant Michaloliakos, qui est accusé d'avoir formé une association criminelle. Lagos a parlé par téléhpone à Roupakias immédiatement après le meurtre, puis il a appelé Michaloliakos.

Ceux qui ont été libérés sont Nikos Michos, considéré comme un proche confident de Michaloliakos, Ilias Panagiotaros et Ilias Kasidiaris, qui serait le chef des services de sécurité d'Aube dorée. Kasidiaris est toujours visé par un autre procès pour avoir frappé un député du Parti communiste grec (KKE) stalinien, devant les caméras de télévision au cours d'une émission télévisée à l'été 2012.

Après la décision du tribunal hier, les fascistes semblaient confiants et agressifs. En quittant la salle d'audience, ils ont insulté les journalistes présents et tenté de les intimider. Michos a lancé : « Vous ne nous arrêterez qu'avec des balles. Nous irons jusqu'au bout. Vous allez entendre parler de nous. »

En quittant la salle, Kasidiaris a donné un coup dans la caméra d'un journaliste et en a frappé un autre dans les jambes.

Quand on l'a emmené en prison, Michaloliakos a crié à un groupe de ses partisans : « Vive la Grèce ! Vive Aube dorée ! »

Il n'est toujours pas certain qu'un procès ait lieu, et cela pourrait prendre des mois pour parvenir à une décision. Étant donné la décision préliminaire qui a laissé sortir plusieurs responsables d'Aube dorée, et les liens d'Aube dorée avec la police et la magistrature, il semble évident que les autorités cherchent à éviter de prononcer des sentences importantes.

Légalement, la libération des députés d'Aube dorée est difficile à justifier. Kasidiaris, dont le comportement agressif a déjà été vu de tous à la télévision grecque, a construit toute sa défense sur l'affirmation qu'Aube dorée ne possède pas d'unités paramilitaires. Son affirmation est complètement démentie par des dizaines de témoins, la découverte d'armes, et les rapports des services de l'état qui surveillent Aube dorée.

La décision du tribunal de libérer les responsables d'Aube dorée montre clairement que l'objectif du gouvernement était de réduire, mais non de mettre fin aux activités criminelles d'Aube dorée. Un réseau étendu fait toujours le lien entre l'appareil d'état, les partis au pouvoir, et les fascistes.

Il y a trois ans, le parti conservateur Nouvelle démocratie (ND) et le parti social-démocrate PASOK ont monté un gouvernement de coalition avec le parti d'extrême-droite LAOS. Beaucoup des cadres actuels d'Aube dorée ont été recrutés dans LAOS, ou directement chez ND.

L'avocat de Kasidiaris, Pavlos Saraki, était membre de ND jusqu'à ce qu'il soit expulsé du parti jeudi. Les reportages indiquent maintenant qu'Aube dorée était financée non seulement par de riches armateurs, mais aussi par le PASOK et par ND.

D'après les témoins, la force paramilitaire du parti, 3000 hommes, est entraînée par des officiers de l'armée et ses unités spéciales. De nombreuses vidéos et photos montrent comment la police a utilisé des gros bras d'Aube dorée contre les manifestants puis les a protégés. L'on estime que 60 pour cent des policiers ont voté pour Aube dorée dans les dernières élections.

Les manifestations de masse qui ont éclaté dans tout le pays après le meurtre de Fyssas ont menacé de discréditer toute l'élite dirigeante et d'entraîner une confrontation révolutionnaire des travailleurs avec l'appareil d'état réactionnaire grec. La classe dirigeante a décidé de reprendre les rênes d'Aube dorée temporairement pour renforcer l'état et maintenir l'ordre. S'ils se sont sentis obligés d'emprisonner des personnalités connues d'Aube dorée, une partie puissante de l'élite dirigeante les défend et cherche à obtenir pour eux soit un traitement de faveur soit une libération pure et simple.

La lutte contre le fascisme en Grèce ne peut pas être laissée entre les mains d'une faction ou d'une autre de la classe dirigeante ou de ses partis politiques existants. Le fascisme grec s'est développé avec la dévastation sociale et le désespoir causés par le programme d'austérité de l'Union européenne (UE) et de l'état grec. Une lutte contre Aube dorée ne peut s'appuyer que sur la mobilisation de la classe ouvrière contre l'UE, l'austérité, et l'ensemble du spectre politique Grec.

En particulier, comme le montre la libération récente des députés d'Aube dorée, le soutien accordé aux partis de la pseudo-gauche aux propositions d'une interdiction par l'état du parti Aube dorée ne renforce pas, mais bloque une véritable lutte de la classe ouvrière contre le fascisme. Elle laisse l'initiative dans les mains de l'état qui a des liens étroits avec le fascisme, et qui – si on lui accorde le pouvoir d'interdire des organisations politiques – s'en servira contre les travailleurs.

Dans un discours à l'Institut Peterson d'économie internationale à Washington, Samaras a une fois de plus insisté sur le fait que le gouvernement doit agir non seulement contre Aube dorée, mais contre « toute opposition extrême », qui demanderait le retrait grec de l'OTAN, de l'euro ou de l'UE.

Cela montre clairement que le gouvernement grec et l'UE réagiront à l'opposition politique de la classe ouvrière en cherchant à la rendre illégale. Il faut donc s'opposer aux appels à une interdiction d'Aube dorée par l'état – une mesure dont l'état s'emparerait ensuite pour interdire ou traîner devant les tribunaux l'opposition ouvrière aux politiques d'austérité de l'UE.

Le gouvernement grec se prépare à un conflit social violent. Les licenciements massifs prévus dans le secteur public ont déjà rencontré une forte résistance. Neuf universités ont fermé parce que leurs directeurs protestent contre le licenciement de 40 pour cent du personnel administratif.

Jeudi, les travailleurs de la santé ont décidé de rejoindre les manifestations en cours contre les licenciements. Sur la place Kaningos à Athènes jeudi, des centaines de fonctionnaires ont défilé contre les coupes. Le même jour, un institut lié aux syndicats a prédit une augmentation du chômage dans le pays jusqu'à 34 pour cent pour 2016.

Dans cette situation, la « troïka » -- Fonds monétaire international (FMI), Commission européenne et Banque centrale européenne (BCE) – a donné un ultimatum au gouvernement grec, il a un mois pour appliquer les coupes qu'il avait promises dans les dépenses. Autrement, la troïka menace de retenir une tranche des crédits d'aide de plus d'un milliard d'euros qui devait initialement être versée en juillet.

Les partis de la pseudo-gauche soutiennent le rôle réactionnaire du gouvernement en lien avec Aube dorée. Le plus grand parti d'opposition, la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA) a pleinement soutenu l'appareil d'état. Son dirigeant, Alexis Tsipras, a décrit l'arrestation des membres d'Aube dorée comme un signe de la « santé de la démocratie » en Grèce, affirmant que seule « une petite minorité » de la police soutient les fascistes.

Malgré la libération des responsables fascistes et les révélations sur les liens étroits entre l'appareil d'état et Aube dorée, Tsipras a applaudi le système judiciaire grec. Lors d'une réunion à Bruxelles, il a dit : « nous avons confiance dans le système judiciaire pour qu'il fasse son travail de manière impartiale. »

(Article original paru le 4 octobre 2013)

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