Des responsables du Parti socialiste demandent des patrouilles de drones en France

À Marseille, la deuxième plus grande ville de France, des responsables du parti au pouvoir, le Parti socialiste (PS), demandent le déploiement de drones pour aider la police de la ville. Cette mesure, présentée comme une réponse à la montée du trafic de drogue et du crime organisé, fait partie en fait d'une campagne plus large du PS pour militariser l’application de la loi en France et encourager un discours de droite axé sur les questions sécuritaires. 

Marseille, une ville portuaire de 1 millions d'habitants, subit un taux de chômage de 13,2 pour cent et a le plus bas taux de diplômés de l'enseignement supérieur de toute la France. 

Le Préfet Jean-Paul Bonnetain, chef de la police dans le département des Bouches-du Rhône, a été le premier à évoquer la possibilité de déployer des drones lors d'une table ronde sur la criminalité le 9 septembre qui se concentrait sur les crimes liés au trafic de drogue dans le quartier pauvre du Nord de la ville. Son équipe a expliqué que des drones seraient utiles «pour certaines enquêtes qui exigent une surveillance à long terme et dans les conditions topographiques inhabituelles des quartiers de Marseille». 

L'un des prétendants à l'investiture du PS pour les élections municipales à Marseille, Eugène Caselli, s'est immédiatement emparé de cette proposition. «Je demande à l'État de faire de Marseille un véritable laboratoire contre le crime, un laboratoire avec de nouveaux moyens technologiques. Maintenant, on a des drones, et on va s'en servir», a-t-il dit. 

Il a comparé de manière provocatrice la situation en France à celle du Mexique, où une guerre civile entre les divers grands gangs de la drogue et leurs alliés dans l'appareil d'État a coûté la vie à 60 000 victimes. «C'est tout à fait sérieux et d'ailleurs, ça se fait à Mexico», a-t-il écrit dans le quotidien local La Provence, pour justifier ses projets de déployer des drones en France. 

Jean-Noël Guèrini, président PS du département des Bouches-du-Rhône (qui comprend Marseille) a approuvé le projet et serait prêt à y investir 1 million d'euros. Guèrini fait actuellement l'objet d'une enquête pour trafic d'influence et association de malfaiteurs. 

Cette proposition de surveiller les gens de Marseille avec des drones fait partie d'une tentative plus large du PS de militariser la société française. La sénatrice PS Samia Ghali a déjà demandé à l'armée d'intervenir à Marseille, au motif de lutter contre la criminalité. 

De même, la présidente PS de la région Poitou-Charentes et candidate à la présidentielle de 2007, Ségolène Royal, s’est prononcée en faveur du déploiement de l'armée en France le mois dernier. Elle a demandé «pourquoi ne pas imaginer une coopération entre la police et l'armée pour saisir les armes de guerre» utilisées dans les règlements de comptes entre truands. 

Plus largement, la militarisation de la société française a procédé à grands pas depuis la première application du plan anti-terroriste «Vigipirate» en 1991, et en particulier depuis que le gouvernement PS de l'époque a participé à l'intervention dirigée par les États-Unis contre l'Afghanistan en 2001. Le sociologue Matthieu Rigouste a décrit Vigipirate comme une «intensification de la militarisation du quadrillage urbain» et «l'emploi de l'armée dans une fonction policière». Depuis des années maintenant, il y a des patrouilles militaires permanentes dans les centres de transit en France. 

Les appels à une intervention de l'armée dans les quartiers ouvriers lancés par les politiciens PS sont une extension de cette prétendue «guerre contre le terrorisme». 

Si cette dernière idée de déployer des drones est présentée comme une mesure visant le trafic de drogue, ou le terrorisme, la cible principale de la militarisation des villes françaises est la classe ouvrière, en particulier les jeunes des quartiers pauvres en France. L'élite dirigeante est on ne peut plus consciente de l'opposition populaire montante contre les politiques de guerre et d'austérité du président PS François Hollande. 

La dérive extrême à droite du PS vers la répression et les agressions militaires a trouvé son expression la plus claire à l'international, par exemple avec l'insistance du Président Hollande à lancer une guerre pour changer de régime en Syrie. Maintenant cependant, la classe dirigeante française cherche à militariser non seulement sa politique étrangère, mais aussi les rapports de classe à l'intérieur, également.

Par deux fois au cours des dix dernières années, en 2005 et 2007, la bourgeoisie a été surprise et ses forces de police ont été débordées par des émeutes massives de la jeunesse des banlieues – auxquelles ils ont répondu en imposant l'état d'urgence, des tribunaux qui condamnaient à la chaîne, et la répression policière.

Les capacités techniques de pointe des drones pour la surveillance seraient d'une grande valeur pour la police pour tenter d'identifier et de cibler les jeunes au cours de mouvements de colère spontanés de ce genre. Mais les drones visent surtout à réprimer l'opposition politique de la classe ouvrière, qui va se développer avec la montée des tensions de classe à des niveaux sans précédent après cinq ans d'une crise économique profonde et des mesures d'austérité constantes de la part des gouvernements de la droite comme de la «gauche» bourgeoises.

Toutes les concessions sociales faites par la classe ouvrière au cours des périodes précédentes sont aujourd’hui foulées aux pieds, dans des conditions où les politiques réactionnaires de l'élite dirigeante ne rencontrent aucune opposition de la part des partis existants, qui sont tous complètement séparés de la classe ouvrière. En fait, ce sont le PS bourgeois «de gauche» et les autres forces de la pseudo-gauche qui le soutiennent, comme le Parti communiste français ou le Nouveau parti anti-capitaliste, qui jouent maintenant le rôle principal dans la mise en place d’une surveillance accrue de la population.

La décision de ne plus utiliser l'armée ou des technologies militaires pour les missions de police en France métropolitaine a été une concession de la classe dirigeante qui n'a pu être obtenue qu'en réaction à la révolution d'octobre en 1917.

L'historien Jean-Marc Berlière a récemment accordé un entretien au Monde où il rappelle qu'entre l'écrasement sanglant de la Commune de Paris en 1871 et la première guerre mondiale de 1914-18, la bourgeoisie utilisait régulièrement l'armée pour des missions de police, notamment pour écraser des grèves. 

Il notait: «Les missions de maintien de l'ordre sont impopulaires: l'armée n'y reçoit que coups, insultes et crachats. Et des tueries comme celles qui se produisent périodiquement (Fourmies, Narbonne) ternissent gravement son image, déjà largement entamée par le soupçon de collusion sociale et politique qu'entraîne son engagement dans les grèves aux côtés du patronat. Au vu du contexte international et de la "revanche" contre l'Allemagne, l'antimilitarisme, alimenté par l'impopularité des missions de maintien de l'ordre exécutées par la troupe, devient un problème préoccupant.» 

Face à une forte opposition au capitalisme et à la guerre dans la classe ouvrière après le massacre inutile de millions de gens dans la première guerre mondiale – qui a trouvé sa plus haute expression dans la révolution bolchevique et l'arrivée au pouvoir de la classe ouvrière en URSS – la classe dirigeante a cessé de se servir de l'armée pour les missions de police intérieure, établissant une gendarmerie mobile à la place. Elle ne faisait plus confiance à l'armée pour tirer sur les travailleurs. Comme l’a dit Berlière: «Le risque politique était trop grand: quelle serait l'attitude des soldats?» 

Ce genre de calculs, toutefois, ne vient plus à l’esprit de l'élite politique chauvine d'aujourd'hui, qui va des dévots de l'ordre au PS comme le ministre de l'intérieur Manuel Valls aux forces néo-fascistes du Front national de Marine Le Pen. Les initiatives de la bourgeoisie pour déployer une technologie militaire automatisée contre la population sont un avertissement adressé à la classe ouvrière. Celle-ci sera opposée, dans les luttes sociales à venir, à une classe dirigeante qui se prépare à une répression de masse contre l'opposition populaire.

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