La grève sauvage des conducteurs de bus de Boston

Mardi dernier, des centaines de conducteurs d'autobus de Boston ont déclenché une grève sauvage non autorisée. Cette action reflète les profondes tensions sociales qui existent non seulement à Boston au Massachusetts, mais partout au pays et internationalement.

Les travailleurs ont dit qu'ils ont débrayé parce qu'on les a fraudés sur leur salaire, qu'on leur a imposé des accélérations du rythme de travail, de la surveillance électronique et qu'on a commis d'autres abus à leur égard. Tout cela a été imposé par Veolia Transportation, la multinationale qui a récemment gagné l'appel d'offre du district scolaire pour transporter 33.000 élèves.

La décision des travailleurs d'entrer en grève a pris tout l'establishment politique par surprise, y compris le syndicat censé représenter les 700 conducteurs. Mardi matin, le président du local 8751 du syndicat des métallos (United Steelworkers), Dumond Louis, et d'autres responsables ont tenté de forcer les travailleurs à retourner au travail. Ils ont été rabroués par les conducteurs qui disaient que le syndicat, qui se sert dans leurs poches, ne fait rien pour les défendre.

Les autorités de la ville et les médias ont réagi avec colère, dénonçant les travailleurs pour avoir supposément abandonné les élèves et agi en «égoïstes». Lors d'une conférence à la mairie, le maire démocrate, Tom Menino, a dénoncé l' «arrêt de travail illégal» et a déclaré: «Nous ne permettrons pas qu'ils prennent les étudiants en otages».

Venant d'un maire qui a coupé des millions dans le financement des écoles publiques et qui a congédié des centaines de professeurs et d'employés scolaires, la suggestion que ce sont les conducteurs d'autobus qui ne prennent pas soin des élèves est plutôt absurde. De plus, tandis que Menino fustigeait les conducteurs pour avoir fermé le système scolaire, tout le gouvernement fédéral a été fermé par le gouvernement Obama et les républicains au Congrès pour mieux préparer de nouvelles attaques contre la santé et les retraites.

Comme si ce n'était pas assez d'être calomnié par les employeurs et l'establishment politique, les travailleurs ont aussi fait face au mépris du syndicat des métallos, qui était furieux que le débrayage des conducteurs ne nuise à ses relations amicales avec Veolia, les autorités scolaires et la mairie. Au lieu de défendre les grévistes et d'expliquer leurs doléances au public, le syndicat des métallos s'est placé du côté de la direction et du maire, ouvrant ainsi la voie à la persécution des travailleurs en grève.

«Le syndicat des métallos n'approuve pas la grève en cours», a déclaré le directeur du District 4, John Shinn, ajoutant que le syndicat avait «ordonné à tous les membres du Local 8751 de cesser immédiatement cette grève» et de «retourner au travail le plus vite possible».

Les conducteurs sont maintenant rentrés au travail, mais l'importance sociale et politique de leur action demeure, et il faut en tirer les leçons.

C'est un fait saisissant que depuis plus de 30 ans, pratiquement toute manifestation de résistance et de lutte organisée provenant de la classe ouvrière a été étouffée aux États-Unis. Et ce, dans un pays qui a connu pendant plus d'un siècle, à compter des années 1870, des décennies de grèves de masse et de violente contestation sociale.

Depuis le milieu des années 1980, cependant, il y a eu une disparition presque complète des grèves. Pourquoi?

La disparition de formes ouvertes de lutte ouvrière est liée à l'effondrement de l'AFL-CIO (la plus importante confédération syndicale) et de ce qui était connu sous le nom de mouvement ouvrier américain, suivi de son intégration à la direction des entreprises et à l'État.

La transformation des syndicats est liée à des facteurs tant objectifs que subjectifs. Premièrement, la mondialisation de la production capitaliste et le déclin du capitalisme américain, qui s'est rapidement développé à partir des années 1980, a affaibli le programme de réformisme national sur lequel les syndicats étaient basés. Les syndicats, avec leurs bases nationales, n'avaient pas de réponse à la capacité de l'élite dirigeante à déplacer la production en dehors des États-Unis et à exploiter un bassin de main-d'œuvre bon marché à travers le monde.

Les responsables qui contrôlent ces organisations, qui étaient déjà voués à la défense du système capitaliste, ont répondu à ces développements en adhérant à un programme corporatiste de «partenariat travailleur-patron». Ils ont même abandonné la fonction minimale des syndicats d'être des organisations de défense de la classe ouvrière.

Le «bureaucrate» syndical de jadis est devenu un homme d'affaires dont le salaire élevé et le style de vie de la classe moyenne aisée dépendent de son contrôle de la main-d'œuvre et des coupes dans les coûts de celle-ci afin de faire augmenter les profits des entreprises. Les responsables syndicaux ont été récompensés avec des actions, des sièges sur les conseils d'administration et le contrôle de fonds de retraites valant plusieurs milliards de dollars, devenant ainsi des actionnaires de second ordre dans le processus d'exploitation.

La lutte des classes n'a pas disparu en Amérique. Cependant, pendant les trois dernières décennies et demie, elle n'a été menée que d'un côté.

Par conséquent, la classe ouvrière américaine a subi une régression historique de son niveau de vie et de sa position sociale, tandis que les inégalités sociales ont atteint des sommets sans précédents dans l'histoire moderne des États-Unis.

Entre 1979 et 2012, les revenus du travailleur médian aux États-Unis ont augmenté de seulement 5 pour cent, malgré une augmentation dans la productivité de 75 pour cent, tandis que les revenus du 1 pour cent le plus riche aux États-Unis ont quadruplé.

Des signes de mécontentement populaire sont en train d'éclater partout aux États-Unis. Les actions des travailleurs de Boston constituent seulement une expression initiale de la colère qui bouillonne dans la poudrière sociale que sont les États-Unis. De telles actions vont se répéter et grandir à travers le pays.

Le Parti de l'égalité socialiste accueille et encourage toute forme d'opposition. Mais, pour que ces luttes aient du succès, elles doivent être basées sur une perspective claire.

D'abord, pour qu'elles se développent, ces luttes doivent être menées indépendamment des syndicats officiels et en opposition à eux. Les travailleurs doivent se libérer de tout contrôle organisationnel de ces organisations anti-ouvrières et développer de nouvelles formes d'organisation démocratiques et populaires, y compris des comités dans les usines et sur les lieux de travail, pour diriger leurs luttes.

Ensuite, les travailleurs doivent comprendre le lien qui existe entre leurs conditions de vie et le système capitaliste, un système social fondé sur l'enrichissement d'une petite minorité aux dépens de la classe ouvrière qui produit collectivement la richesse de la société. La défense de chaque droit social important de la classe ouvrière exige une lutte contre la domination des grandes sociétés et des banques sur la vie économique et politique.

Par conséquent, les luttes syndicales et sur les lieux de travail doivent prendre une forme politique. Les travailleurs doivent rompre avec les deux partis de la grande entreprise, les défenseurs politiques du capitalisme, et bâtir un mouvement politique de masse dont le but est de lutter pour la prise du pouvoir par les travailleurs. La classe ouvrière ne peut mettre un terme à la domination du patronat et des banques qu'en établissant un gouvernement ouvrier et en réorganisant la vie économique et politique sur une base socialiste, pour que les besoins humains, et non les profits privés, soient la priorité.

Enfin, la lutte que doivent mener les travailleurs américains fait partie d'un combat plus vaste de la classe ouvrière internationale. Les travailleurs des États-Unis, de la Chine, du Canada, du Mexique, du Brésil et de par le monde sont confrontés au même ennemi capitaliste et doivent s'unir internationalement pour coordonner leurs luttes contre les grandes sociétés organisées mondialement qui attaquent leurs emplois et leurs conditions de vie.

Pour défendre cette perspective, une nouvelle direction et un nouveau mouvement de la classe ouvrière sont nécessaires. Il s'agit du Parti de l'égalité socialiste.

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