France: l’escroquerie de la « révolution fiscale » de Mélenchon

Dans le contexte d’une montée de la colère populaire contre le gouvernement PS (Parti socialiste), Jean-Luc Mélenchon a appelé le 12 novembre à une « révolution fiscale ». Mélenchon, dirigeant du Parti de Gauche (PG), une scission du PS, est appuyé par le Parti communiste français (PCF), le partenaire du PG au sein de la coalition du Front de Gauche. Avec le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, il a appelé à une semaine nationale d’action se terminant par une manifestation le 1er décembre.

Le Front de Gauche, choqué et sidéré par l’effondrement sans précédent du président PS, François Hollande, dans les sondages, cherche désespérément à fournir une soupape à l’opposition populaire contre le gouvernement Hollande qu’il avait contribué à faire élire. Selon un récent sondage CSA, 67 pour cent de la population ont dit être prêts à descendre dans la rue pour protester contre la politique du gouvernement Hollande.

Recourant aux mêmes termes que ceux utilisés dans les récentes notes confidentielles du 27 septembre et 25 octobre émanant des préfets de région et mettant en garde contre le risque de mouvements d’opposition de masse « portés en dehors du cadre syndical », Laurent a déclaré que la « politique gouvernementale… est rejetée, la colère et les cris d’alarme montent de partout... le gouvernement va vers le crash. »

L’initiative du Front de Gauche est une tromperie politique commise par une coalition de partis qui sont des alliés de longue date du PS et qui avaient appelé à un vote inconditionnel en faveur de Hollande à l'élection présidentielle. Mélenchon a déclaré que ses députés ne voteraient jamais une motion de censure contre le gouvernement PS et a même proposé de devenir le premier ministre de Hollande.

Un « appel des syndicalistes à la marche du 1er décembre » publié dans L’Humanité du 20 novembre accusait le gouvernement Hollande de faire « une politique bien éloignée des raisons pour laquelle ils ont été élu-es ». Il demande instamment que ceux qui « enragent de voir sa [de Nicolas Sarkozy] politique continuer à être appliquée, de se mobiliser le plus largement possible dans l’unité la plus large afin d’imposer d’autres choix. »

Ceci est totalement malhonnête. Hollande avait fait campagne sur une plateforme pro-patronale, en insistant pour dire à un moment donné qu’il n’y avait « aujourd’hui plus de communistes en France » et que lui, une fois au pouvoir, les banques seraient en sécurité. Sa politique est dans la droite ligne des attaques réactionnaires menées contre la classe ouvrière par les gouvernements sociaux-démocrates partout en Europe, y compris le gouvernement PASOK du premier ministre Georges Papandréou en Grèce ou du premier ministre espagnol, José Zapatero.

L’appel du Front de Gauche pour la marche du 1er décembre propose « une révolution fiscale, taxer le capital et refuser l’augmentation au 1er janvier de la TVA. » Interrogé à la télévision sur ce que serait ses premières actions une fois au pouvoir, Mélenchon a répliqué vouloir revenir à la retraite à 60 ans, faire une réforme fiscale, la Sixième république… et il faut que tout le monde se mette au boulot pour faire tourner la France.

Avec un discours aussi creux, Mélenchon et ses alliés se précipitent au secours de Hollande et du premier ministre Jean-Marc Ayrault, alors que ces derniers sont confrontés en Bretagne aux protestations anti-gouvernementales contre les fermetures d’entreprises, les licenciements et l'écotaxe sur les poids lourds qui pénalisera les entreprises rurales.

L’opposition populaire à l’augmentation de la taxe à la valeur (TVA) ajoutée sur les produits de consommation, ajoutée à une vague de fermetures d’usines et de licenciements, ont fait que la cote de popularité de Hollande et Ayrault a chuté à un niveau historiquement bas de 15 pour cent. Les augmentations de la TVA paieront les abattements fiscaux à hauteur de 30 milliards d’euros sur trois ans en faveur du patronat « un choc de compétitivité » comprenant 10 milliards d’euros en 2014 et que les ménages paieront à hauteur de 11 milliards d’euros de taxes supplémentaires.

L’affirmation implicite du Front de Gauche selon laquelle les partis de la pseudo-gauche peuvent lutter pour convaincre le PS d’abandonner l’austérité est un mensonge politique. Le PS a soutenu toutes les mesures d’austérité imposées par l’Union européenne à la Grèce et qui ont détruit les services sociaux et une grande partie de l’économie grecque, faisant grimper le chômage des jeunes à plus de 60 pour cent et contribuant à la montée du parti Aube dorée.

Mélenchon et les dirigeants du Front de Gauche, au moins autant que le PS, sont des instruments du capital financier. Les banques garderont la main haute et empêcheront toute concession, même les plus maigres proposées de manière démagogique par Mélenchon. La dégradation de la note de crédit de la France par Fitch en juillet dernier, rejoignant celle de Standard and Poor’s et Moody’s, était l'avertissement d’une possible démarche punitive de la part des banques pour augmenter le service de la dette française si les dépenses publiques et les droits des travailleurs n’étaient pas réduits drastiquement.

Le Financial Times de Londres a écrit, « M. Hollande provoque la colère de ceux qui sont d’avis que bien davantage doit être fait pour réduire la dépense publique qui, à 57 pour cent du produit intérieur brut, est la plus élevée de la zone euro. M. Hollande reconnaît que la France doit réduire le secteur public et stimuler la compétitivité… A Bruxelles, la Commission européenne avait fait à M. Hollande en mai dernier des recommandations économiques précises, qui selon de nouvelles réglementations visant à combattre la crise induisent la menace de lourdes sanctions, l’invitant instamment à prendre des mesures de réforme plus audacieuses. »

Bien que le gouvernement ait provisoirement suspendu l’écotaxe en Bretagne, il persiste à vouloir la maintenir partout en France. Le Front de Gauche a joué un rôle réactionnaire pour bloquer une opposition à l’écotaxe et pour soutenir le gouvernement PS face aux protestations.

Jeudi, les céréaliers et les éleveurs ont bloqué les routes vers Paris pour protester contre les taxes et la distribution inégale des subventions agricoles pratiquée par l’Union européenne. Le 2 novembre, a eu lieu, dans la ville bretonne de Quimper, une manifestation de quelque 20.000 manifestants, constituée en grande partie de travailleurs, de petits agriculteurs et de patrons de petites entreprises luttant pour leurs emplois et leur existence, mais qui était politiquement dominée par le mouvement nationaliste breton des « bonnets rouges » et organisée par des fédérations d’employeurs bretonnes.

Les travailleurs luttant contre les fermetures d’usines et les licenciements s’étaient rendus à Quimper pour protester contre la politique du PS. Ils n’avaient pas participé à la manifestation rivale pro-gouvernementale organisée par le Front de Gauche à Carhaix et qui avait rassemblé moins d’un millier de personnes et bénéficiait du soutien des syndicats de la Confédération générale du travail (CGT) stalinienne.

Le 3 novembre, le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, reconnaissait que « jamais on n’a senti un tel niveau de mécontentement et d’exaspération. » Il a admis que le Front de Gauche « n’appara[issait] pas à ce jour comme une alternative possible... il est empêtré dans des polémiques sur les municipales qui ne correspondent pas aux préoccupations des gens. »

A Paris et dans d’autres municipalités, le PCF a choisi de former une alliance avec le PS, en passant outre le Parti de Gauche, son partenaire plus petit. Et par conséquent Dartigolles de dire que sur la base d’alliances avec le PS « mission, donc : réussir les mobilisations à la fin du mois…Il n’y a pas de fatalité à ce que l’exaspération devienne le terreau du chaos. »

(Article original paru le 26 Novembre 2013)

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