Les partis nationalistes catalans fixent la date du référendum sur l'indépendance

Le parti de gouvernement Convèrgencia I Unió (CiU), la Gauche républicaine catalane (ERC), les ex-staliniens de l'Initiative pour les Verts catalans (ICV), et la pseudo-gauche des Candidats de l'Unité populaire (CUP) sont parvenus à un accord sur un référendum pour l'indépendance d'avec l'Espagne le 9 novembre 2014. Ces forces détiennent 88 sièges sur les 135 que compte l'Assemblée régionale catalane. 

La première question qui sera posée par le référendum est la suivante : « Est-ce que vous voulez que la Catalogne soit un Etat ? » Si la personne répond « oui, » il lui sera ensuite demandé, « Est-ce que vous voulez que la Catalogne soit un Etat indépendant ? » 

Le président de la région et dirigeant du CiU, Artur Mas, a remercié les partis pour leur « générosité et leur sens de l'Etat, » ajoutant « cela a des implications historiques très importantes... la date est très spéciale – le 9 novembre 2014. Nous respectons ainsi notre engagement que cette consultation ait lieu en 2014. La date du 9 novembre nous permet de poser la question avec succès. Il y aura un temps pour garantir le cadre juridique et les procédures démocratiques. » 

Mas a conclu en lançant un appel au premier ministre Mariano Rajoy, chef du Parti populaire (PP) de droite, en déclarant, « Nous attendons maintenant que l'Etat espagnol réponde à cette solide majorité et à une population qui veut voter. » 

Sept semaine avant le vote catalan, le 18 septembre, l'Écosse va organiser son propre référendum d'indépendance. 

Le PP et le Parti social-démocrate d'opposition (PSOE) ont réagi en écartant la tenue d'un référendum sur la sécession de la Catalogne. 

Dans une conférence de presse avec le président du Conseil européen Herman Van Rompuy, Rajoy a déclaré, « En tant que premier ministre j'ai juré de défendre la constitution et la loi et, pour cette raison, je garantis que ce référendum n'aura pas lieu. […] toute discussion ou débat sur ce point est hors de question. » 

Rajoy n'a pas expliqué comment il va empêcher le référendum de se tenir, il a déclaré que ce n'est « pas mon rôle en tant que premier ministre de discuter de ce que le gouvernement envisage de faire. » 

Le ministre de la justice Alberto Riuz-Gallardon a, de la même manière, déclaré à des journalistes, « le référendum n'aura pas lieu. » Le chef du PSOE, Alfredo Pérez Rucalbaba, a déclaré que « Mas […] mène la Catalogne dans une impasse. » 

Le quatrième plus grand parti d'Espagne, Union, progrès et démocratie (UPyD), demande que les pouvoirs des régions soient rendu à l'Etat central. Rosa Diez Gonzalez, a demandé au PP de réintroduire les peines de prison pour ceux qui défendent les référendums sécessionnistes. Cette peine avait été introduite initialement par le gouvernement PP de José Maria Aznar (2000-2004) pour contrer les plans sécessionnistes du Pays basque, mais elle avait été supprimée plus tard sous le gouvernement PSOE de José Luis Zapatero. 

Le séparatisme catalan a gagné un respect populaire plus large ces dernières années. Les derniers sondages montrent que l'indépendance est favorisée par 50 à 57 pour cent de la population catalane, contre 34 pour cent en 1996, les opposants seraient entre 18 et 30 pour cent et les indécis entre 10 et 25 pour cent. 

La croissance du sentiment nationaliste est le résultat des trahisons par les syndicats, soutenus par la pseudo-gauche, des tentatives répétées de la classe ouvrière de s'opposer aux mesures d'austérité. Les syndicats ont fait dévier l'opposition ouvrière vers des manifestations symboliques et des grèves générales inefficaces d'un seul jour avant de s'accorder sur une série de mesures d'austérité, dont des réductions de salaires et des contre-réformes sur le droit du travail et les retraites. En l'absence d'une direction et d'une alternative socialiste révolutionnaire, l'opposition a été canalisée vers un programme séparatiste dont la fonction est de diviser la classe ouvrière. 

Le PP et le PSOE, ainsi que les principaux piliers de l'Etat, dont la Cour constitutionnelle et l'armée, ont attisé une haine nationale contre les Catalans dans toute l'Espagne. Les membres de l'armée appellent régulièrement à une intervention en Catalogne pour empêcher un référendum; les partis politiques parlent régulièrement des privilèges de la région catalane comparés aux autres ; et la Cour constitutionnelle a exprimé son opposition en 2010 en révoquant des sections entières du Statut d'autonomie de la Catalogne approuvé en 2006. 

Le séparatisme a également été attisé par des tentatives de limiter l'usage de la langue catalane. Durant la rédaction de la loi actuelle sur l'éducation, qui impose des limites à l'usage du Catalan à l'école, le ministre PP de l'éducation, José Ignacio Wert a déclaré au Congrès, « Notre intérêt est d'hispaniser les étudiants catalans pour qu'ils se sentent fiers d'être espagnols. » 

Le CiU et l'ERC n'ont aucun désaccord avec les principaux partis espagnols sur la nécessité de l'austérité. En fait, ils ont été à la pointe de cette politique. Depuis le début de 2012, le gouvernement CiU, soutenus par l'ERC, a approuvé des coupes sans précédent, dont 3,4 milliard d'euros dans la santé, 2,5 dans l'éducation, 758 millions dans la protection sociale et 433 millions dans l'administration et l'ensemble des services. Le CiU a également donné son accord au gouvernement central du PP pour accélérer de deux ans les projets de coupes afin de réduire le déficit budgétaire de l'Espagne. 

Derrière cet accord sur le référendum, il y a le soutien de l'ERC pour le budget 2014 du CiU, qui comprend de nouvelles mesures d'austérité. Pour le moment, l'ERC a refusé de devenir un membre à part entière du gouvernement catalan, préférant plutôt assurer la stabilité de la présidence de Mas depuis l'extérieur. 

Les deux partis ont affirmé que des coupes ne seraient pas nécessaires si la Catalogne, région la plus riche d'Espagne, était indépendante et n'était plus contrainte à « subventionner » ses voisins plus pauvres. 

L'affirmation du CiU selon laquelle l'autodétermination est un droit démocratique du peuple catalan est une posture creuse de la part d'un parti qui soutient la nouvelle Loi sur la sécurité des citoyens, qui réduit drastiquement la liberté d'expression et de réunion en imposant de fortes amendes et des peines de prison (lire en anglais : Spanish government clamps down on public protests). 

Au cours d'un débat au parlement sur ce projet de loi, le député du CiU Feliu-Joan Guillaumes i Ràfols a défendu le besoin de réformer les vieilles lois sur le droit de manifester en raison des « délits répétés » des individus impliqués dans les manifestations. C'est en Catalogne que la police anti-émeute a été la plus brutale lors des dernières manifestations. 

Parmi les partisans les plus agressifs du séparatisme, on compte les partis de la pseudo-gauche. Ils représentent une couche privilégiée de la classe moyenne qui cherche à créer un mini-Etat qui pourrait être rendu plus attractif pour l'élite patronale mondiale grâce à des réductions d'impôts et une exploitation accentuée de la classe ouvrière. 

Le CUP défend une forme de nationalisme linguistique qui cherche à créer une « grande Catalogne » composée des territoires où l'on parle catalan : Catalogne, Valence, les îles Baléares et l'Ouest de l'Aragon en Espagne, ainsi que les Pyrénées-orientales dans le sud de la France, et le micro-Etat d'Andorre dans les Pyrénées occidentales. 

En Lucha, Izquierda Anticapitalista et Clase Contra Clase sont tous des partisans du référendum. Ils travaillent délibérément pour lier la classe ouvrière aux forces bourgeoises et petites-bourgeoises en affirmant que le séparatisme national fournira une nouvelle base au socialisme en brisant les fondations de l'Etat espagnol.

Il n'y a rien de progressiste dans la création de nouveaux mini-Etats capitalistes. Le nationalisme catalan ne sert qu'à maintenir les travailleurs en état de démobilisation politique et à les empêcher de promouvoir leurs propres intérêts indépendants dans une lutte commune. 

L'opposition du socialisme authentique au nationalisme catalan n'implique nullement une diminution de sa totale opposition à l'Etat capitaliste espagnol et à « l'unité de la nation espagnole. » Les marxistes cherchent à unir la classe ouvrière dans toute l’Espagne et dans le monde entier, sans considération de couleur de peau, de langue, de nationalité ou de croyance religieuse, dans la lutte pour renverser le capitalisme et le système des Etats-nations. 

(Article original paru le 27 décembre 2013)

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