Perspectives

Le grand tabou : le chômage de masse aux États-Unis

Si on devait se fier au débat politique officiel et à son reflet dans les médias aux États-Unis, on ne saurait pas que le pays est encore sous l'emprise de la plus profonde crise de l'emploi depuis la Grande Dépression. Toute l'attention est concentrée, d'une part, sur les niveaux records des prix boursiers et sur les profits des entreprises, et d'autre part, sur la supposée nécessité d'intensifier les coupes dans les dépenses pour les programmes sociaux desquels des millions de personnes dépendent.

L'administration Obama a lancé une attaque historique et sans précédent contre les réformes sociales essentielles du siècle précédent : La protection sociale et le système de santé. En collaboration avec les républicains, elle a déjà mis en marche de sauvages coupes dans les services sociaux et le revenu des travailleurs au niveau fédéral sous la forme du processus de « séquestre ». Pendant ce temps, les fermetures d'écoles, les licenciements d'enseignants, et les attaques sur les pensions et le service de santé continuent à se multiplier au niveau local et au niveau de l'état.

Dans ce qui passe pour les « informations » et les discussions qui dominent l'establishment politique, rien ne reflète les inquiétudes des masses de la population qui font face à l'impact dévastateur du chômage de masse prolongé. Derrière cette chape de plomb, l'élite patronale utilise la crise de l'emploi comme une lame pour sabrer dans les salaires et imposer des conditions d'atelier de misère jamais vues depuis les années 1930.

Le rapport sur l'emploi du département du Travail pour le mois de mars, publié plus tôt ce mois-ci, a fourni une indication du véritable état de la vie économique au delà des limites de Wall Street et des médias de la grande entreprise. Il montre que seulement 88.000 emplois ont été créés au mois de mars, ce qui représente moins d'un tiers des emplois créés le mois précédent, et la moitié de ce qui avait été prédit par des économistes.

La forte baisse du taux de participation de la main d’œuvre a été significative — le pourcentage de la population qui travaille ou cherche du travail. Cette figure est tombée à 63,3 pour cent, le niveau le moins élevé depuis 1979. Le mois de mars à lui seul a vu un demi million d'individus abandonner leur quête de travail.

La chute de la main d'œuvre active s'explique en partie par l'état chronique du chômage à long terme. La durée moyenne de chômage a augmenté en mars à plus de 37 semaines.

Sous le coup des coupes de séquestre promulguées par Obama le mois dernier, les prestations d'assurance emploi déjà piètres de 4 millions de chômeurs à long terme vont être réduites de 11 pour cent. La chute du taux de chômage officiel, en grande partie due à des travailleurs découragés qui abandonnent la recherche d'un emploi, a été utilisée avec une logique perverse pour justifier la réduction de la durée des prestations d'assurance emploi dans des états à travers le pays.

La vaste majorité des nouveaux emplois qui ont remplacés ceux qui ont été décimés par la crise économique payent des salaires beaucoup moins élevés.

La situation à laquelle font face les jeunes aux États-Unis est particulièrement difficile. Le taux de la main d’œuvre active pour les travailleurs en dessous de l'âge de 25 ans a atteint 54.5 pour cent en mars, le niveau le plus bas des 4 dernières décennies. Selon un calcul qui prend en compte ceux qui ont quitté la main d’œuvre, le taux de chômage réel pour les jeunes est de 22,9 pour cent, ce qui est comparable à ce qui existe dans la zone euro.

Des millions de jeunes, sans avenir, sont forcés à prendre des emplois subalternes et mal payés, quand ils en trouvent. Des millions de travailleurs plus âgés sont jetés dans la pauvreté la plus totale.

Dans le passé, le présent taux de chômage aurait été traité comme une honte nationale. En 1965, la même année que l'introduction du système de santé, le président Lyndon B. Johnson a dit, « La promesse contenue dans la loi sur l'emploi d'opportunités d'emploi pour tous ceux qui peuvent et désirent travailler n'a pas encore été remplie. Nous ne devons pas cesser nos efforts tant qu'elle ne le sera pas. » À l'époque, le taux de chômage était de 5 pour cent. Il y avait 3,7 millions de personnes officiellement au chômage, un tiers de nombre de personnes officiellement au chômage présentement.

Évidemment, la rhétorique de Johnson n'a jamais été appliquée à la réalité. Sa « guerre contre la pauvreté » était largement mort-né. Néanmoins, la montée de luttes sociales — le mouvement des droits civiques, les grèves militantes des travailleurs industriels, les soulèvements de ghetto — ont poussé une classe dirigeante apeurée à faire certaines concessions à la classe ouvrière.

C'était au point culminant du boom économique d'après-guerre et de la domination économique mondiale des États-Unis. Presque 50 ans plus tard, le capitalisme Américain ayant subit un vaste délabrement interne et une dégradation de sa position économique mondiale, l'administration Obama ne fait que reconnaître le manque d'emploi au sens inverse, en faisant l'éloge du nombre d'emploi que « nos entreprises » ont créés.

Le déclin du capitalisme américain trouve son expression la plus nocive dans l'augmentation constante de l'inégalité sociale. Cette inégalité est à son tour liée à l'érosion de l'infrastructure industrielle américaine et à l'ascendant d'une aristocratie financière parasite, dont la richesse ne découle pas de la production de biens utiles à la société, mais de manigances financières d'un caractère criminel et socialement destructeur.

L'administration Obama représente la convergence de la mafia Wall Street avec le complexe militaire et les services de renseignements secrets. Ses politiques se résument à une contre-révolution sociale, à la préparation à la répression de masse aux États-Unis, et à la guerre et des conquêtes néo-coloniales à l'étranger.

Ceux dans la société qui sont complètement privés de leurs droits et exclus de toute participation à la politique sous le système bipartite en Amérique sont ni plus ni moins que la grande majorité de la population ! Et on retrouve cet état de fait en Europe, au Japon, en Chine et dans le reste du monde, alors que les élites dirigeantes imposent leurs mesures brutales d’austérité en opposition à la volonté populaire.

Il n'y a pas de réponse au chômage de masse et à la montée de la pauvreté en Amérique en dehors d'une lutte de masse menée par la classe ouvrière. Une telle lutte est inévitable, mais elle doit être préparée consciemment et armée d'un programme socialiste et révolutionnaire.

Il n'y a pas d'aile de la bourgeoisie qui est pour la réforme. Rien ne peut être gagné en faisant appel à l'un des partis de la grande entreprise. Les ressources nécessaires pour la création d'emplois, pour de bons salaires, pour le système de santé, pour les pensions, pour l'éducation et le logement doivent être obtenues à travers une lutte des masses pour exproprier l'oligarchie financière, enlever les leviers de la vie économique des mains du privé et établir une économie planifiée à base du besoin social, et non du profit privé.

(Article original publié le 15 avril 2013)

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