France: la grève des travailleurs de l’automobile chez PSA se trouve dans une impasse

Vendredi dernier, une centaine de travailleurs du constructeur automobile PSA Peugeot-Citroën de l’usine d’Aulnay près de Paris qui est menacée de fermeture ont occupé le siège de l’UIMM (Union des Industrie et Métiers de la Métallurgie) à Paris.

Ils demandaient que le gouvernement nomme un médiateur, rouvre des négociations pour le redéploiement en CDI des 2.800 travailleurs, ainsi que des dispositions prévoyant l’ouverture du droit à la retraite anticipée pour les plus de 55 ans après 2014, date d’échéance de la fermeture de l’usine. La manifestation a été rapidement terminée par l’intervention de la police, en droite ligne avec les mesures de répression du gouvernement contre toutes les actions engagées par les travailleurs pour contrer sa politique d’austérité.

Environ 500 travailleurs font grève à l’usine d’Aulnay depuis le 16 janvier et paralysent la production. Les travailleurs jouissent du soutien solide de la classe ouvrière comme en témoigne la collecte de 300.000 euros au profit du fonds de grève.

Ceci contraste avec le manque de toute initiative de la part des syndicats, dont la CFDT (Confédération française démocratique du Travail, proche du Parti socialiste), la CGT (Confédération générale du Travail, proche du Parti communiste) et SUD (Solidaires Unitaires Démocratiques), pour mobiliser les autres travailleurs de l’automobile qui sont en lutte contre les fermetures d’usine.

PSA ne semble nullement pressé de retourner à la table de négociations mais préfère laisser traîner la grève jusqu’au moment de pouvoir imposer ses conditions. De façon générale, l'entreprise a l’intention de licencier 8.000 travailleurs sur ses sites français d’ici 2014.

Les syndicats sont en train de bloquer toute mobilisation significative étant donné que la bureaucratie syndicale n’a aucune intention de contester la politique d’austérité du gouvernement du Parti socialiste (PS) qu’elle a contribué à faire élire et qu’elle soutient. Ils sont parfaitement conscients qu’une telle lutte mettrait en danger leur position en tant que « partenaires sociaux » dans les pourparlers avec le gouvernement et les associations patronales, et qui visent à rendre l’industrie française compétitive.

Le secrétaire général de la CGT, nouvellement élu, Thierry Lepaon, est favorablement accueilli au sein du Conseil économique, social et environnemental (CESE), où syndicats et patrons façonnent conjointement la politique générale, et dont il est un ancien membre.

L’isolement par les syndicats des luttes menées contre les licenciements sur les différents lieux de travail est facilité par les délégués syndicaux au niveau local. En effet ces derniers, tout en recourant à une rhétorique de « gauche », collaborent en pratique avec les dirigeants confédéraux pour restreindre toute action de grève.

C’est ce qui a été démontré lors de la visite que Thierry Lepaon a rendue le 1er mars aux grévistes de l’usine d’Aulnay. Bien qu'il déballe des banalités quant à un « soutien », Lepaon n’a aucune intention d’élargir la lutte ou de sauver l’usine. (Voir : http://cgt-psa-aulnay.fr/video/thierry-lepaon-vient-soutenir-les-grevistes-de-psa-aulnay-742)

Bien au contraire, les syndicats ont accepté la fermeture comme un fait accompli. Lors d’un discours d’un quart d’heure, Lepaon a dit : « Votre lutte est juste pour l’avenir de l’industrie de notre pays. » Il a promis que le syndicat soutiendrait les six grévistes victimes de répression et qui font l’objet de poursuites disciplinaires. Aucun des dirigeants de la grève qui étaient présents – dont le porte-parole de la CGT d’Aulnay, Jean-Pierre Mercier, un dirigeant de la pseudo-gauche Lutte ouvrière – n’a défié Lepaon en réclamant un mouvement de grève plus vaste.

Le dernier bulletin de grève en date du 1er mars ne propose aucune voie à suivre pour lutter contre les projets de PSA. Les travailleurs sont informés sur les procédures juridiques pour s’opposer au plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de PSA et pour soutenir la loi sur l’amnistie des travailleurs poursuivis pour faits de lutte durant les mouvements de grève. Le bulletin se préoccupe surtout de la collecte de fonds à laquelle la CGT et les autres syndicats n’ont que très maigrement contribué.

Sous la direction de Lepaon, la CGT ne sera nullement différente de ce qu’elle a été sous Bernard Thibault, où pendant 14 ans elle a refusé d’organiser toute mobilisation plus large de la classe ouvrière contre les mesures d’austérité de l’Etat. Lepaon et Thibault sont tous deux membres du Parti communiste français (PCF) stalinien.

Un membre du parti de droite, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), Jean-Marie Geveaux, qui a travaillé en étroite collaboration avec Lepaon au CESE, a démontré l’opposition de ce dernier à la lutte des classes en disant de lui: « C’est quelqu’un qui est capable de faire le consensus. Et il tient parole. Cela peut être intéressant en période de conflits sociaux. »

Cherchant à promouvoir l’illusion qu’il est possible de faire pression sur le gouvernement PS pour le forcer à mettre fin à ses attaques contre les droits et le niveau de vie des travailleurs, la CGT s’était associée au syndicat Force Ouvrière (FO) pour organiser une journée d’action le 5 mars.

La manifestation avait été appelée contre l’accord-loi du gouvernement sur la « flexibilité » du travail, conclu le 11 janvier entre le Medef (association patronale), un syndicat de l’encadrement et la CFDT. Seuls 200.000 travailleurs à travers toute la France étaient descendus dans la rue, ce qui reflète le désenchantement des travailleurs face à la collaboration des syndicats avec le gouvernement social-démocrate du PS.

Le lendemain même, FO signait un accord national chez Renault, fondé sur la « flexibilité » et dont le gouvernement en tant qu’actionnaire majoritaire de l’entreprise était le principal promoteur. En échange de l’acceptation par les syndicats de la destruction de 8.000 emplois, l’entreprise prétend qu'elle ne fermera pas d'usines pour le moment.

La CGT a refusé de signer cet accord et a déclaré avoir une meilleure politique pour sauver les usines Renault en réduisant les coûts globaux de production. Fabien Gâche, le délégué syndical central CGT Renault, a proposé de rapatrier la production de la Slovaquie et de la Roumanie pour « rééquilibrer les productions. »

« Cela permettrait d’utiliser pleinement les capacités productives mais aussi d’abaisser les coûts globaux de production, » rapporte le 11 mars le quotidien du PCF, L’Humanité.

Ceci met en évidence ce qui se cache derrière la rhétorique patriotique cynique des staliniens sur « l’avenir industriel de notre pays » et les projets de « rééquilibrer les productions » vers la France. Cela veut dire faire des coupes dans les coûts de production, ce qui finalement signifie des attaques brutales perpétrées contre les salaires et les emplois. Avec le soutien de la CGT et du PCF.

(Article original paru le 14 mars 2013)

 

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