À la veille des Jeux olympiques

La tension monte entre les États-Unis et la Russie

Les Jeux olympiques de Sotchi, qui commencent le 6 février prochain, vont se dérouler dans un contexte où les tensions géopolitiques s'intensifient. Tandis que les conflits s'accroissent entre Washington et Moscou au Moyen-Orient et en Europe de l'Est, le gouvernement des États-Unis et les médias occidentaux tentent de faire de l'événement une humiliation pour le gouvernement russe.

Des athlètes de centaines de pays et des dizaines de milliers de spectateurs vont arriver dans la ville de villégiature russe qui aura été transformée en camp armé. Quarante-mille agents de sécurité vont patrouiller à l'intérieur du fameux «anneau d'acier» érigé par le Kremlin autour de la ville olympique. Ils auront l'appui d'un système de défense aérien, de canonnières dans la mer Noire et de 70.000 soldats stationnés le long de la frontière séparant le sud de la Russie et la Géorgie.

Quatre-cents cosaques (des gendarmes impériaux de l'époque du tsar, reconnus pour leur brutalité, qui ont été récemment remis en service) ont été mobilisés et ont la tâche du contrôle d'identifications et de l'arrêt des suspects. Des restrictions sur les manifestations et les rassemblements publics, ainsi que sur les déplacements à véhicule dans la zone olympique et aux environs, sont en place depuis début janvier.

Depuis l'effondrement de l'URSS, Moscou mène plusieurs guerres et opérations de contre-insurrection dans le Nord-Caucase, la région voisine de Sotchi, pour mater les mouvements séparatistes islamiques. Des groupes de djihadistes islamiques ont annoncé qu'ils allaient s'en prendre à Sotchi.

La semaine dernière, un groupe appelé Vilayat Dagestan, qui affirme être responsable de l'attentat à la bombe perpétré à Volgograd en Russie qui a tué 34 personnes, a publié une déclaration affirmant que les Russes n'allaient pas «vivre en paix». Il a juré d'offrir un «cadeau» aux touristes qui vont assister aux Jeux. Dans les derniers jours, cinq pays européens auraient aussi reçu des lettres de menaces.

Washington et ses alliés saoudiens sont les principaux responsables du risque d'attaques terroristes aux Jeux de Sotchi. Des djihadistes de Tchétchénie et de Dagestan se battent aux côtés d'autres extrémistes islamiques appuyés par les États-Unis en Syrie, où ils reçoivent de l'entraînement et du financement essentiels.

Washington appuie depuis longtemps des groupes islamiques dans la région stratégique du Nord-Caucase en Russie dans le cadre de sa rivalité avec Moscou en Asie centrale. Les États-Unis maintiennent cette politique même s'il peut advenir des «contrecoups» terroristes, comme l'attentat du marathon de Boston de l'an dernier commis par deux jeunes qui étaient liés à des groupes islamiques du Caucase et dont l'oncle, Ruslan Tsarni, avait des liens avec les services de renseignement américains.

Dans une rencontre avec Poutine en août dernier, le prince Bandar (le chef des services d'espionnage de l'Arabie saoudite, pays qui appuie des groupes islamiques du Nord-Caucase) a mis en garde le dirigeant russe que l'Arabie saoudite ne pourrait garantir la sécurité de Jeux olympiques si Moscou n'abandonnait pas son appui au régime d'Assad en Syrie.

Le silence des médias sur les liens qui existent entre la politique étrangère des États-Unis et les groupes terroristes dans la région montre à quel point la couverture médiatique sur les menaces terroristes et le fait que Moscou serait incapable d'assurer la sécurité lors des Jeux est hypocrite.

La chroniqueuse du Washington Post, Sally Jenkins, a écrit: «Les Jeux olympiques ne sont pas supposés tuer des gens. Ils sont supposés les couvrir d'éloges. Mais il est trop tard pour retirer ces dangereux et criminels Jeux d'hiver des mains de la bande de voyous qu'est le régime de Vladimir Poutine.»

Le climat de provocation politique entourant les Jeux olympiques de Sotchi s'est manifesté dans des commentaires du président de la Chambre des représentants des États-Unis, John Boehner. Sur le plateau de l'émission de Jay Leno, Boehner a carrément traité le président russe de «voyou» et exigé qu'Obama adopte des politiques encore plus agressives contre Moscou afin de «mieux protéger les intérêts des États-Unis et de nos alliés, particulièrement en Europe de l'Est».

On a avisé les athlètes américains de ne rien porter à l'extérieur du site olympique qui puisse les faire reconnaître en tant que participants. De nombreux articles dans les médias anglophones affirment que Moscou serait à la recherche de «veuves noires» (femmes préparant un attentat-suicide) envoyées à Sotchi.

Le département d'État américain envoie des alertes en continu aux citoyens des États-Unis en voyage dans la région. La marine américaine aurait, sans apparemment obtenir l'accord du gouvernement de la Russie, déployé deux navires de guerre dans la mer Noire, supposément pour venir en aide à des citoyens américains en situation d'urgence.

Vendredi, le gouvernement canadien a conseillé à ses citoyens qui prévoyaient se rendre sur place de reconsidérer leurs plans.

Le Kremlin, qui veut faire des Jeux le symbole du retour de la Russie en tant que puissance mondiale, s'est opposé aux critiques de sa gestion de la menace terroriste. La semaine dernière, le premier ministre russe Dmitry Medvedev a soutenu sur le réseau CNN que les risques encourus aux Jeux olympiques de Sotchi n'étaient pas plus grands que ceux des Jeux précédents.

L'attaché de presse de Poutine, Dmitry Peskov, a dit au quotidien Komsomolskaya Pravda: «Certains pays sans scrupules et totalement arrogants tentent de discréditer politiquement nos Olympiques de Sotchi.»

La campagne médiatique entourant la sécurité des Jeux olympiques est une tentative des États-Unis et de leurs gouvernements alliés visant à saboter les Jeux et éliminer le prestige dont la Russie pourrait profiter en en étant l'hôte.

L'an dernier, la Maison-Blanche a utilisé les lois réactionnaires promulguées récemment en Russie, qui stigmatisent les homosexuels et interdit la promotion de l'homosexualité, pour encourager un torrent de critiques contre Moscou «en défense des droits de l'homme». Ces critiques, étant donné le caractère de droite des forces islamiques que Washington appuie dans la région, sont profondément hypocrites.

En décembre, le président Obama a nommé des représentants ouvertement homosexuels dans la délégation olympique américaine pour insister sur la question.

Les États-Unis collaborent avec les puissances européennes, surtout l'Allemagne, pour manipuler cyniquement la question des droits des homosexuels aux jeux. Les athlètes de l'Allemagne vont porter des uniformes aux couleurs de l'arc-en-ciel, rappelant le symbole bien connu du mouvement de la fierté gaie.

Bien que les États-Unis ne soient pas allés jusqu'à annoncer un boycottage officiel de l'événement, le président américain, la première dame et le vice-président ont tous refusé de se présenter aux Jeux (une première depuis l'année 2000).

En décembre, le président de l'Allemagne (un pays qui défend activement un mouvement d'opposition anti-russe en Ukraine qui menace de scinder le pays en deux) a affirmé qu'il n'allait pas se présenter aux Olympiques afin de protester contre les violations des droits de l'homme par la Russie qui se donne des «airs d'impérialisme».

Les coûts effarants des Jeux olympiques de Sotchi (qui dépassent maintenant les 50 milliards de dollars, soit quatre fois plus que l'estimation initiale et les plus élevés de l'histoire des Jeux) sont aussi relevés dans la campagne médiatique en cours. Selon les critiques du Kremlin, jusqu'à 30 milliards $ de cette somme auraient été détournés par des initiés dans le gouvernement.

Cela ne serait pas surprenant d'apprendre, étant donné la grande corruption de l'élite dirigeante parasitaire qui a émergé de la restauration du capitalisme en Union soviétique, qu'elle aurait pu se servir des Olympiques comme d'une autre occasion pour opérer un vaste transfert de richesse, de l'État vers les super-riches.

À cet égard, les Olympiques de Sotchi ne diffèrent toutefois des autres Jeux que par l'ampleur des pots-de-vin. Réagissant aux allégations de corruption en mai, Jean-Claude Killy, président de la commission de coordination du Comité international olympique (CIO) pour Sotchi, a affirmé: «Je ne me souviens pas de Jeux olympiques sans corruption.»

Les Jeux sont entourés de scandales depuis des décennies et les pots-de-vin jouent un rôle à chaque événement. Les villes luttent pour être choisies et pouvoir offrir d'énormes et lucratifs contrats aux entreprises de leur région.

Des enquêtes sur les Jeux de 1996 à Atlanta et de 2002 à Salt Lake City ont révélé des pratiques de corruption, tant au niveau des villes hôtes que du CIO.

(Article original paru le 27 janvier 2014)

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