Edward Snowden élu recteur de l'Université de Glasgow

Les étudiants de l'Université de Glasgow en Écosse ont voté jeudi pour élire Edward Snowden « recteur » de l'Université [en Écosse, ce titre désigne un représentant des étudiants qui préside le conseil d'administration de l'Université, ndt], démontrant ainsi leur forte opposition aux atteintes aux droits démocratiques commises par la NSA et le Government Communications Headquarters (GCHQ).

L'ex-consultant de la NSA et lanceur d'alerte a reçu 3124 voix, plus du double de son plus proche concurrent, Kevin Holdsworth, un prêtre local actif dans la défense des droits des homosexuels. Snowden a reçu 51 pour cent des voix, et sera recteur pour 3 ans.

Si cette élection a eu lieu à Glasgow en Écosse, il n'y a pas une seule université, ou autre établissement scolaire sur la planète où on ne pourrait s'attendre à un résultat similaire. Pour une grande partie des travailleurs et des jeunes, Snowden est devenu un symbole de l'opposition à la surveillance, de résistance à l'arbitraire, d'un courage clairvoyant et reposant sur des principes en défense des droits démocratiques élémentaires des citoyens du monde.

« Je suis honoré et reconnaissant envers les étudiants de l'Université de Glasgow pour cette déclaration historique de défense de nos valeurs communes, » a dit Snowden en réponse à cette élection. « Cette décision courageuse nous rappelle que les fondements de tous les enseignements sont des prises de risques : le courage d'enquêter, d'expérimenter, de s'enquérir, » a-t-il ajouté.

« Si nous ne contestons pas la violation des droits fondamentaux des gens libres à ne pas être réprimés dans leurs pensées, leurs associations, et leur communication – à être libres de suspicions sans raisons – alors nous perdrons les fondements de notre société pensante. La défense de cette liberté fondamentale est le défi de notre génération, » a-t-il dit.

Snowden a conclu en disant que « cette élection montr[ait] que les étudiants de l'Université de Glasgow entendent ouvrir la voie, et c'est un grand honneur pour moi de les servir en tant que recteur. »

« Nous sommes incroyablement heureux de voir Edward Snowden élu comme nouveau recteur de l'Université de Glasgow, » déclare un communiqué de la campagne pour l'élection de Snowden au poste de recteur. « Nous avons une fière et vertueuse tradition de faire des déclaration importantes par le choix de nos recteurs et aujourd'hui nous avons une fois de plus défendu cette idée. »

« Notre opposition aux intrusions multiples et immorales de l'État est établie officiellement. De plus, nous avons montré à Edward Snowden et d'autres courageux lanceurs d'alerte que nous sommes solidaires d'eux, où qu'ils se trouvent, » a ajouté le groupe. « durant les semaines qui vont suivre, nous continueront à faire campagne pour que la NSA et le GCHQ cessent leurs assauts contre les droits fondamentaux à la vie privée et pour que Edward Snowden soit reconnu comme le lanceur d'alerte courageux qu'il est et non comme un traitre. »

La couverture médiatique de cette campagne a insisté à plusieurs reprises sur l'idée que le campus serait « divisé » sur la question de savoir si Snowden est un héros ou un traitre. Son élection à une majorité absolue est d'autant plus extraordinaire étant donné la diffamation dont il est victime de la part de l'élite politique et médiatique.

Cette élection constitue une défaite cinglante pour le gouvernement associant conservateurs et libéraux-démocrates, pour l'opposition travailliste et pour le gouvernement du Scottish National Party en Écosse, qui ont tous accepté, ou maintenu le silence sur, les attaques contre Snowden, contre ses partisans, et contre les journalistes qui lui sont sympathiques et le journal Guardian. Cela témoigne du profond gouffre qui sépare tous ces partis de la grande majorité des jeunes.

Cette campagne a également rencontré une forte opposition de la part de forces de droite sur le campus de l'université. Les affiches de la campagne ont été déchirées ou arrachées la première nuit de leur affichage, et les autorités de l'université ont interdit que de nouvelles affiches soient mises pour le restant de la campagne.

Les partisans de Snowden furent continuellement et vivement critiqués parce qu'ils mettaient en avant un candidat qui ne serait pas un « recteur fonctionnel », une accusation qui venait des aspirants aux postes de bureaucrates et de grands pontes des médias présents au Conseil des représentants étudiants (CRS). Un autre candidat, l'auteur Alan Bissett, se présentait comme un « recteur fonctionnel », il promettait surtout d'« améliorer l'égalité entre les genres sur le campus » pour obtenir les faveurs des féministes très présents dans le CRS.

Deux de ces féministes, Louise Wilson et Hannah McNeil écrivent pour le journal étudiant Glasgow Guardian. Dans la foulée de l'élection de Snowden, elles sont devenues la source principale de citations censées exprimer une hostilité à ce résultat parmi les étudiants plus répandue qu'elle ne l'est.

Louise Wilson est citée dans de nombreux journaux proclamant, « C'est nul. C'est très décevant mais pas le moins du monde surprenant. Je suis tout-à-fait pour les déclarations politiques, mais à un moment où l'université et les étudiants ont besoin d'avoir le plus d'influence avec toutes les coupes budgétaires, ce n'est tout simplement pas le moment de ne pas avoir un recteur fonctionnel. »

Hannah McNeill a déclarée, « Je suis furieuse. Je pense que la plupart des gens sont très mécontents de ce résultat. Nous avons besoin d'un recteur actif. » Les invocations en faveur d'un « recteur fonctionnel » ne sont qu'un moyen de s'opposer à l'élection de Snowden et rien d'autre.

Parmi les précédents recteurs, on compte Adam Smith, Edmund Burke, et un certain nombre de Premier ministres britanniques. Depuis l'élection du dirigeant du Congrès national africain Albert Luthuli en 1962, les recteurs ont souvent été des figures politiques ou médiatiques plus populaires. Le dirigeant syndical stalinien des dockers Jimmy Reid a été élu en 1972, Winnie Mandela en 1987. Le célèbre comédien Richard Wilson a tenu ce poste à partir de 1996. Mordechai Vanunu, celui qui a révélé le programme nucléaire israélien, a été élu en 2004.

Quant au « recteur fonctionnel » en place, il s'agit de Charles Kennedy, ex-dirigeant des Libéraux-démocrates, dont le parti est en coalition avec le gouvernement conservateur et a lancé attaque après attaque contre les étudiants – y compris en revenant sur des promesses de campagne afin de soutenir un triplement des frais d'inscription.

L'Internationale étudiante pour l'égalité socialiste (IEES) a distribué des tracts en faveur de Snowden, écrivant que, « présentée comme une partie de la prétendue ''lutte contre le terrorisme'', la surveillance généralisée est en fait utilisée pour enquêter tous azimuts sur les travailleurs, les étudiants et les jeunes afin de lutter contre l'opposition politique et la dissidence.

« Le virage vers des formes de pouvoir dictatoriales reflète les niveaux d’inégalité sociale sans précédent générés par le capitalisme – 85 personnes contrôlent actuellement plus de richesses que les 50 pour cent les plus pauvres de la population mondiale soit 3,5 milliards de personnes ! »

« La richesse et la puissance de cette ploutocratie mondiale sont incompatibles avec la démocratie. La défense de Snowden et des droits démocratiques n'est possible que sur la base d'une lutte socialiste pour rompre leur emprise sur l'économie mondiale et la placer sous propriété publique et contrôle démocratique. »

Ce tract se termine par un appel à faire « de l'Université de Glasgow un point focal pour mobiliser le soutien le plus large en faveur de Snowden parmi les étudiants et les jeunes internationalement. »

(Article original paru le 20 février 2014)

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