La chancelière allemande se rend en Grèce pour soutenir le régime droitier

La chancelière allemande Angela Merkel s’est envolée vendredi pour Athènes afin de soutenir les perspectives du gouvernement droitier d’Antonis Samaras lors des prochaines élections européennes. D’importantes élections régionales et municipales sont également prévues en Grèce la même semaine.

Après avoir soutenu les ultra-nationalistes et les fascistes qui sont représentés dans le gouvernement de transition ukrainien, Merkel cherche à présent à étayer le régime de Samaras qui entretient des liens étroits avec des forces similaires en Grèce.

Ces dernières semaines, le gouvernement grec a été jeté dans la tourmente après la diffusion d’une vidéo révélant l’existence de liens très étroits entre l’un des plus proches conseillers de Samaras, Panagiotis Baltakos, et le parti fasciste Aube dorée. La vidéo montre une conversation amicale entre Baltakos et Ilias Kassidiaris, un porte-parole d’Aube dorée qui est actuellement sous le coup d'une inculpation pour être membre d’une organisation criminelle. Baltakos était le conseiller juridique et politique de Samaras durant ces vingt dernières années depuis la fondation par ce dernier du parti Nouvelle Démocratie dans les années 1990.

Cette affaire prouve que les affirmations répétées de Samaras et d’autres porte-paroles du gouvernement, disant qu' ils s'opposent à Aube dorée et à sa politique raciste ne sont que des paroles en l'air. Samaras a par la suite été contraint d’accepter la démission de son allié politique de longue date. Une conséquence immédiate de ce scandale a été la nouvelle chute dans les sondages du parti de Samaras, Nouvelle Démocratie qui ne dispose que d’une mince majorité d’un député au parlement grec. Selon l’un des tout récents sondages d’opinion, le parti ND se situe actuellement trois points derrière le principal parti d’opposition SYRIZA.

Pour la visite de la chancelière allemande, les forces de sécurité grecques ont été placées en alerte maximum et la police a décrété, entre 11h30 et 21h30, une interdiction de rassemblement dans bon nombre de quartiers du centre-ville d’Athènes et déployé 5.000 policiers anti-émeute, lourdement armés, pour endiguer toutes manifestations.

La visite de Merkel a lieu deux ans après son dernier voyage en Grèce en 2012. A l’époque, sa visite s'était accompagnée de vastes manifestations contre la dirigeante européenne que la plupart des Grecs considèrent être la principale initiatrice de la politique d’austérité qui a dévasté la vie de millions de travailleurs et de leur famille.

En 2012, les manifestants avaient ridiculisé Merkel en représentant la chancelière en uniforme nazi. La caricature visait à rappeler les conséquences fatidiques de l’invasion nazie en Grèce durant la Seconde Guerre mondiale. Cette fois-ci, Merkel revient pour soutenir ouvertement un gouvernement qui entretient des liens avérés avec les fascistes.

Les porte-paroles de la police ont tenté de justifier la vaste opération des forces de sécurité dans la ville par l’explosion jeudi d’une voiture piégée. La bombe avait explosé devant la Banque centrale grecque à Athènes en provoquant des dégâts matériels mais sans faire de victime. L’attentat présentait toutes les caractéristiques d’une provocation d’Etat visant à détourner l’attention des liens qui existent entre le gouvernement et les fascistes et à justifier le renforcement des forces d’Etat et de sécurité.

Quant au mouvement syndical grec, il a cherché à désamorcer l’opposition à la visite de Merkel en organisant mercredi de petites manifestations symboliques.

La visite de Merkel s’accompagnait d’une campagne soutenue de propagande dans la presse européenne, laissant entendre qu’après quatre années d’austérité qui ont réduit d’un quart la production économique en Grèce, l’économie grecque ainsi que celle de la zone euro, recommençaient enfin à croître.

Jeudi, le gouvernement grec a annoncé que ses tentatives de retour sur le marché obligataire étaient une réussite. La vente d’obligations d’Etat grecques, est la première depuis que l’Union européenne et le Fonds monétaire international ont pris en charge le contrôle économique du pays en 2010.

Juste avant la vente des obligations grecques, le magazine allemand Der Spiegel avait salué le retour de la Grèce sur les marchés comme étant une « guérison miraculeuse suspecte. » Après la vente des obligations le journal économique grec Imerisia titrait « le grand retour » tandis que la directrice du FMI, Christine Lagarde, déclarait que la vente des obligations était « un signe que la Grèce va dans la bonne direction. »

En fait, comme cela a été le cas avec toutes les mesures financières imposées à la Grèce par l’UE et le FMI durant ces cinq dernières années, la vente des obligations de jeudi a été une aubaine de plus pour les banques occidentales. Des comptes rendus sur la vente ont précisé que des fonds spéculatifs et autres institutions financières avaient fait la queue pour obtenir des obligations qui, selon un porte-parole du gouvernement, étaient sursouscrits huit fois.

Le taux d’intérêt de 4,75 pour cent des obligations grecques figure parmi le plus élevé des émissions d’obligations souveraines libellées en euros, étant plus du double du taux actuellement payé par la Grèce à ses créanciers officiels et qui tourne autour de 2 pour cent.

L'empressement des investisseurs à décrocher les obligations à cinq ans est dû au fait que leur solvabilité est littéralement garantie par les mécanismes qui existent dans la zone euro. Le montant total levé par le gouvernement grec avec cette vente, 3 milliards d’euros, est une goutte d'eau dans la mer par rapport aux 240 milliards d’euros que la Grèce doit aux banques occidentales après une série de renflouements successifs par l’UE et le FMI. Les banques allemandes et françaises devraient être les principales bénéficiaires après que la Banque centrale européenne (BCE) a interdit aux banques grecques de participer à la vente.

Une fois de plus, ce sera la population grecque qui paiera la note pour cette vente, sous la forme de remboursements d’intérêt évalués entre 125 et 150 millions d’euros exigibles dans un avenir proche.

Quant à la chancelière allemande, elle a clairement fait comprendre qu’il n’y aura pas de relâchement dans l’application de la politique d’austérité. Elle a pris la parole vendredi lors d’une réunion de petits entrepreneurs à Athènes en promettant une petite aide de l’Allemagne pour une soi-disant « Institution pour la croissance ».

Avant de quitter la Grèce, elle a toutefois déclaré : « Nous avons quelques années difficiles derrière nous lorsqu’il s’agit de la crise de la dette, mais nous pouvons voir les premiers succès. Il ne faudrait pas banaliser ces succès bien que nous ne soyons pas encore arrivés au bout de nos peines. »

Ce que Merkel décrit comme « succès », ce sont des mesures qui ont dévasté l’économie grecque. Largement plus d’un quart des travailleurs est au chômage, et le nombre de jeunes sans emploi dépasse 60 pour cent. Le poids de la dette du pays atteint un niveau historique de 175 pour cent du PIB et une baisse de 1,5 pour cent des prix à la consommation, d’année en année, montre que l’économie stagne et est confrontée à une déflation claire et nette.

Dans son récent rapport sur la Grèce, le 8 avril, Citigroup Inc. a conclu : « L’économie, à défaut de pouvoir montrer d’autres signes de reprise, pourrait déclencher une instabilité politique qui reste la principale source de risque » pour les investisseurs.

Durant sa visite, Merkel a évité toute réunion avec le chef de la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA). Pour sa part, le dirigeant de SYRIZA, Alexis Tsipras a critiqué la visite de la chancelière allemande et la politique de l’UE dans le but de plaire à son public national.

Pour son public international, cependant, Tsipras tient un autre discours. Fin mars, George Tzogopoulos, chercheur à la Fondation hellénique pour les politiques européennes et étrangères, (ELIAMEP), rapportait : « En Grèce, SYRIZA dénonce le renflouement pour des motifs politiques évidents, mais en Europe elle se montre ‘plus accueillante’ à l’égard de la politique économique européenne. »

Tzogopoulos poursuit en indiquant que par rapport à la politique européenne, SYRIZA serait actuellement prête à négocier et même à appliquer les mêmes termes de renflouement qu’elle condamne ouvertement à l’intérieur du pays.

(Article original paru le 12 avril 2014)

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