Valls, le premier ministre français nouvellement nommé promet l’austérité et fait des appels du pied à l’extrême-droite

Dans son discours de politique générale prononcé hier, le premier ministre (Parti socialiste, PS) nouvellement nommé, Manuel Valls, a présenté des projets de coupes sociales draconiennes, et lancé des appels militaristes et sécuritaires à la base politique croissante du Front national (FN) néofasciste.

Le discours de Valls témoigne de la déliquescence de la politique de la « gauche » bourgeoise en France et dans l'ensemble de l'Europe. La réponse du Parti socialiste à sa débâcle sans précédent aux élections municipales du mois dernier, en raison de la colère populaire contre le chômage de masse et les mesures d’austérité, est un virage à droite brutal. Placé devant le choix de faire des concessions à la classe ouvrière ou de réduire drastiquement le niveau de vie des travailleurs, tout en attisant des idées pro-FN, le PS a choisi de promouvoir les néofascistes.

Valls, dont la « plume » a de toute évidence lu les rapports de police qui lui étaient adressés dans sa qualité d’ancien ministre de l’Intérieur, a commencé par mentionner l'existence d'une profonde aliénation populaire envers la politique officielle. « J’ai vu ces visages fermés. Ces gorges nouées. Ces lèvres serrées, » a-t-il dit. « Disons les choses simplement : beaucoup de nos compatriotes n’y croient plus. Ils ne nous entendent plus. La parole publique est devenue pour eux une langue morte. »

Valls a ensuite exprimé une série d’idées renforçant les préjugés d’extrême-droite en demandant à la fois le ciblage de la « délinquance » et des actes « anti-chrétiens » dans le cadre d’une campagne plus large supposée cibler le racisme.

Il a salué l’armée française et ses guerres menées au Mali et en République centrafricaine, en niant impunément le soutien bien documenté que la France avait apporté au génocide des Tutsis commis en 1994 par le régime hutu rwandais. « Notre voix, celle du chef de l’Etat, notre diplomatie, nos armées sont respectées. » a-t-il dit. « Et je n’accepte pas les accusations injustes qui pourraient laisser penser que la France ait pu être complice d’un génocide au Rwanda alors que son honneur, c’est toujours de séparer les belligérants. »

Il a fait, de façon grotesque, l’éloge du chauvinisme français : « La France ce n’est pas le nationalisme obscur, c’est la lumière de l’universel. La France, oui, c’est l’arrogance de croire que ce que l’on fait ici vaut pour le reste du monde. »

Ce sont de telles âneries de droite qui seront le prétexte à une campagne visant à abaisser massivement le niveau de vie, à réduire drastiquement les dépenses sociales et à transférer de vastes sommes d’argent aux riches. Valls a promis de rencontrer cette semaine la bureaucratie syndicale et les fédérations patronales pour discuter de nouveaux cadeaux aux entreprises et des coupes annuelles de 50 milliards d’euros prévues dans les dépenses publiques en vertu du soi-disant « Pacte de responsabilité » du président François Hollande. Cela comprend 19 milliards d’euros de réduction de la masse salariale du secteur public et 10 milliards d’euros de coupes dans les soins de santé.

Valls a ouvertement déclaré vouloir réduire drastiquement le niveau de vie des travailleurs qu’il a qualifié de « coût du travail ». Il a dit, « Le moment de la décision est venu. D’abord, il y a le coût du travail. Il doit baisser. C’est un des leviers de la compétitivité – pas le seul – mais il pèse lourd. »

Il a proposé des avantages fiscaux pour que les entreprises recrutent des travailleurs à des salaires se situant entre 100 et 130 pour cent du SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance). Ceci inclurait la suppression des impôts pris en charge par l’employeur pour cotiser la couverture complémentaire santé et retraite des salariés. Le but de cette politique est le développement en France d’une économie exportatrice à bas salaire, où les programmes sociaux seraient systématiquement privés de moyens et où les travailleurs seraient contraints d’adopter la pratique déjà largement répandue d’adhérer à une assurance maladie privée pour compléter le programme national de santé.

Valls a aussi présenté des projets prévoyant une réorganisation massive et la réduction des dépenses des autorités à différents échelons administratifs, des régions aux départements en passant par les communes ou les municipalités.

Il a fait part de sa volonté de réduire de moitié le nombre de régions en France en supprimant d’ici 2021 les conseils élus au niveau départemental. Il a aussi proposé la suppression de « la clause de compétence générale, » qui stipule que les collectivités locales peuvent engager des projets relatifs à n’importe quelle question d’intérêt public, à moins que la responsabilité n’ait été spécifiquement déléguée à une autre autorité.

Le prédécesseur de Valls, le premier ministre Jean-Marc Ayrault (PS), avait déjà préconisé cette mesure comme un « choc de simplification » pour réduire les dépenses des collectivités territoriales en les subordonnant plus directement au gouvernement central et aux banques.

Tout comme le Pacte de responsabilité et ses appels nationalistes, Valls réclame que les coupes concernant les collectivités territoriales soient alignées sur les exigences émises par l’aristocratie financière. Ces appels soulignent l’importance de la demande exprimée l’année dernière par la banque d’investissement JPMorgan en faveur de « réformes politiques » afin de mieux réprimer l’opposition aux coupes sociales partout en Europe. « (Voir : « JPMorgan réclame des régimes autoritaires en Europe »

JPMorgan avait écrit que les systèmes politiques européens « ont été établis après une dictature et ont été définis par cette expérience-là. »

Les auteurs poursuivent en disant: « Les constitutions ont tendance à montrer une forte influence socialiste, reflétant la force politique que les partis de gauche ont acquise après la défaite du fascisme. Les systèmes politiques autour de la périphérie affichent de manière typique les caractéristiques suivantes : des dirigeants faibles ; des Etats centraux faibles par rapport aux régions ; une protection constitutionnelle des droits des travailleurs ; des systèmes recherchant le consensus et qui encouragent le clientélisme politique ; et le droit de protester si des modifications peu appréciées sont apportées au statu quo politique. Les lacunes de cet héritage politique ont été révélées par la crise. »

L’initiative prise par le PS de saper le droit du travail, les salaires et les dépenses publiques tout en promouvant simultanément l’extrême-droite est directement tiré du scénario de JPMorgan de démanteler tous les acquis obtenus par la classe ouvrière durant la période qui a suivi immédiatement la Deuxième Guerre mondiale. Le fait que ceci soit réalisé par les descendants politiques des organisations que JPMorgan appelle de « gauche », comme le PS et le Parti communiste français (PCF) accentue l’exactitude historique de la lutte menée par le Comité international de la Quatrième Internationale contre la social-démocratie et le stalinisme.

Le fait que le PS ait adopté publiquement un programme de réduction des salaires et de régression sociale en faisant appel à des idées d’extrême-droite marque une nouvelle étape dans la décomposition de la politique de « gauche » bourgeoise européenne. Tout comme le parti grec discrédité PASOK, le PS est en train de créer une confrontation entre la classe ouvrière et une élite capitaliste qui est en train de rapidement virer vers l’extrême-droite.

L’Assemblée nationale a voté par 306 voix pour et 236 contre l’approbation du discours de politique de Valls avec le gros de l’opposition émanant du parti de droite gaulliste, l’Union pour un mouvement populaire (UMP). Onze députés PS, six députés Verts et trois du parti radical de gauche se sont abstenus, et l’écrasante majorité des députés de la « gauche » bourgeoise ont soutenu le discours.

Ceci montre l’hypocrisie pure d’une exigence, formulée par 100 élus PS, d’un « accord » avec Valls avant de pouvoir soutenir son gouvernement et pour les Verts d’avoir pris la décision, après la défaite électorale, de quitter le gouvernement mené par le PS. Malgré leurs tentatives timides de se présenter comme des critiques de Valls, le PS et ses divers alliés politiques appuient tous le programme de Valls.

Quant au Front de Gauche, alliance d’alliés de longue date du PS qui est menée par le PCF et l’ancien ministre PS Jean-Luc Mélenchon, son vote contre Valls est un geste creux et qui sera perçu comme tel. Leurs membres, au sein de la bureaucratie syndicale, négocieront de toute façon bientôt la prochaine série de coupes sociales, tout comme Valls l’a clairement fait comprendre dans son discours.

C'est parce que les forces petites bourgeoises, tels le Front de Gauche et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), étouffent l'opposition populaire profonde contre le programme réactionnaire de la classe dirigeante, que le FN progresse et est en mesure de se présenter comme l’unique adversaire des attaques perpétrées contre la population.

(Article original paru le 9 avril 2014)

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